5 autres préjugés sur la perte auditive

Les préjugés qui vous empêchent de comprendre la perte auditive

Voici la suite de mon premier article au sujet des préjugés sur la perte auditive. J’aborderai ici cinq autres idées préconçues que j’ai déjà entendues ou subies un jour ou l’autre…

J’aimerais bien être sourd aussi, des fois, pour ne pas entendre les cons.

Il y a quelques variantes du genre : « Ah ça doit être reposant de ne pas entendre Machine glousser constamment/Truc ronfler/Bidule qui n’arrête jamais de parler« .

Alors oui, c’est sûr, on peut voir les choses comme ça. Mais est-ce que vous diriez à quelqu’un d’aveugle : « Ah ça doit être bien de ne pas voir une horreur du monde au choix ! » Ou à une personne en fauteuil roulant : « Ah ça doit être reposant de ne pas avoir à marcher ! »

Non, vous ne diriez pas cela parce que cela serait incroyablement insensible et malvenu ! Eh bien, c’est un peu pareil pour nous. C’est sûr, il y a un tas de bruits désagréables que nous n’entendons pas. Et il arrive que nous utilisions nous-mêmes cet argument pour essayer de nous sentir mieux, quand la souffrance de ne pas entendre comme il faut est trop forte. Mais l’entendre de la part de quelqu’un d’autre, cela revient à entendre quelqu’un d’autre nier ce que nous vivons, et diminuer énormément l’impact que notre perte auditive a sur notre vie.

J’entends bien que cela part peut-être (et même sûrement) d’un bon sentiment de la part de la personne qui dit de telles choses. Sûrement un effort de dédramatiser, de positiver, tout ça. Mais ce n’est pas ce que nous avons envie d’entendre, vraiment ! Nous avons besoin d’être écoutés et respectés avant tout.

Tu entends ce que tu veux bien entendre !

Je me souviens bien de quand j’étais petite. Mon grand-père, qui avait perdu son acuité auditive avec l’âge, avait une fâcheuse manie de comprendre ce qu’on ne voulait pas forcément qu’il comprenne, et par contre de ne pas comprendre ce qu’on essayait de lui dire.

Et je me souviens avoir entendu des membres de ma famille dire qu’il entendait ce qu’il voulait bien entendre, et qu’il avait une surdité sélective. Et à l’époque, je le croyais aussi. Et puis, j’ai perdu de l’audition aussi. Et je me suis rendu compte que non, on n’entend vraiment pas ce qu’on veut bien entendre. Ce n’est pas comme ça que ça marche, mais alors pas du tout !

En fait, il y a des jours où j’entends mieux que d’autres, des jours où je comprends une phrase dite en passant alors que la personne me tournait le dos. Et puis il y a des jours où on a beau me répéter 15 fois une phrase en me parlant assez fort, en face et en articulant bien, je ne parviens pas à la comprendre. La faculté que j’ai de comprendre certaines phrases plutôt que d’autres, à certains moments plutôt qu’à d’autres, dépend d’un tas de facteurs, comme mon état de fatigue, si la pièce résonne ou non, s’il y a du bruit de fond, ma capacité de concentration, et bien d’autres encore. Mais cela ne dépend en aucun cas de ma volonté.

Alors non, je n’entends pas ce que je VEUX bien entendre. J’entends ce que je parviens à entendre, et cela peut fluctuer énormément d’un jour à l’autre et même d’un moment à l’autre.

Pourquoi ne pas te faire implanter ? / Il doit bien y avoir un moyen d’opérer ça pour te rendre l’audition !

Ce serait vraiment bien si c’était le cas. Mais l’implant ou les opérations, d’abord, ce n’est pas pour tout le monde.

Comprenez-moi bien. Vous aurez peut-être entendu parler d’une personne de votre entourage qui avait perdu l’audition, et à qui il avait fallu une simple opération pour la retrouver. Et c’est vrai que c’est possible, dans des cas de surdités de transmission, en cas de problème avec les osselets par exemple. Mais cela ne marche pas pour toute le monde, parce que la cause de la perte auditive n’est pas forcément là.

Quant à l’implant, il s’agit d’un dispositif qui plante des électrodes dans la cochlée, la détruisant du même coup. Cela signifie que toute l’audition devient dépendante d’un appareil (et donc on obtient une qualité sonore numérique qui n’a rien à voir avec l’audition naturelle), et quand on l’enlève (pour dormir, se doucher, aller à la piscine, etc.), on n’entend absolument rien. Et puis, même pour les sourds, c’est une opération lourde et les résultats ne sont pas toujours à la hauteur des attentes.

D’ailleurs, je viens de découvrir que ma surdité est due à une malformation génétique des cochlées, et il est probable que l’implant ne soit pas une option pour moi, même si je perdais complètement l’audition (c’est encore à vérifier, ceci dit).

Souvenez-vous donc que chaque surdité est différente, et que les « solutions » possibles diffèrent aussi d’une personne à l’autre. Et surtout, surtout, oubliez cette idée préconçue que la surdité est réparable dans tous les cas et qu’il est facile de « rendre l’audition » à quelqu’un ! Oui, on peut obtenir un meilleur confort d’écoute et une meilleure compréhension, grâce à la technologie ou à une opération, mais dans la plupart des cas, c’est vraiment le mieux qu’on puisse faire. Les situations où la surdité peut être « réparée » sont en fait plutôt rares.

Et c’est important que vous compreniez que même si nous avons un implant ou des appareils, nous restons des personnes sourdes ou malentendantes, et la technologie ne nous projette malheureusement pas dans la peau d’une personne entendante.

Tu dois pas être si sourde/malentendante que ça, tu as tout compris à la conversation !

Cette remarque, je l’ai déjà assez souvent entendue. Un jour où j’entends pas trop mal, parce que je suis en forme, parce que j’arrive à me concentrer, parce qu’il n’y a pas de bruit, parce que la personne avec qui je parle articule, est bien éclairée, etc. Dans ces cas-là, elle me fait plutôt plaisir, cette petite remarque. Parce que c’est un moment où je me sens plutôt bien, et je me dis qu’en fait c’est pas si grave, ma perte auditive.

Mais cela peut aussi se produire suite à une conversation que je n’ai pas tout à fait suivie, mais où je n’ai simplement pas fait répéter. Dans ces cas-là, je me rends compte que je suis devenue experte en bluff, et que ma capacité à faire semblant de suivre une conversation peut en tromper plus d’un.

Et dans ces cas-là, ce commentaire apparemment positif et anodin ne me fait pas plaisir. Il me met devant mes limites.

Parce que je n’aime pas bluffer. J’aimerais mieux ne pas avoir à le faire. J’aimerais vraiment mieux tout comprendre. Mais il arrive même que je ne me rende pas compte que je bluffe, parce qu’il s’agit d’un réflexe inconscient quand je n’ai pas compris quelque chose mais que je ne veux pas embêter mon interlocuteur en lui faisant répéter ce qu’il dit, ou parce que je me dis que ce n’est pas trop important donc pas trop grave (mais en fait je n’en sais rien !). Et il arrive aussi que je sois certaine d’avoir compris ce qui est dit, alors qu’en fait je suis complètement à côté. Ce genre de situation peut certes provoquer des quiproquos plutôt amusants (ou un peu humiliants, il faut bien le dire), mais encore faut-il que je m’en rende compte (en participant à la conversation de façon complètement erronée, par exemple). Si je ne réponds pas et que je me contente de sourire d’un air entendu ou de réagir avec une émotion appropriée, mon interlocuteur ne se rend absolument pas compte de mon manque de compréhension.

Bref. Cette observation est souvent un préjugé, parce que l’impression qu’elle exprime peut être totalement fausse.

Si tu es malentendante, ça doit pas te gêner, les bruits forts !

Là encore, c’est une idée préconçue qui s’avère souvent être inexacte. Pourquoi ? Eh bien, on peut être malentendant et hyperacousique en même temps !

C’est d’ailleurs mon cas. Qu’est-ce que ça veut dire ? Cela signifie qu’il me faut un certain volume (et une excellente clarté sonore) pour comprendre ce qui est dit, mais que trop de volume est très vite douloureux.

Les bruits forts ont toujours été difficiles à supporter pour moi, et j’ai d’ailleurs toujours eu des bouchons d’oreille avec moi pour protéger mon audition. Sans protection, je ne peux pas rester plus de quelques minutes dans un environnement très bruyant comme un bar avec de la musique à fort volume, une discothèque ou un concert.

Alors si vous pensez qu’en hurlant quelque chose, je comprendrai mieux, il y a de fortes chances que vous me fassiez juste peur.

Il y a sans aucun doute bien d’autres préjugés qui courent sur la surdité et la perte d’audition. Ceux que j’ai abordés sont les principaux que j’ai vus à l’oeuvre dans ma vie. Et vous, quels sont les préjugés que vous avez rencontrés ? Comment gérez-vous les situations où une personne vous assène une idée préconçue comme s’il s’agissait d’une évidence ?

5 préjugés sur la perte auditive

Les préjugés sur la perte auditive

Ce n’est pas évident de comprendre ce qui ne nous est pas familier. Et, comme pour tout, un bon nombre de préjugés courent au sujet de la perte d’audition, et tant que vous y croyez, vous ne parviendrez pas à comprendre vos collègues ou proches malentendants. Voici de quoi tordre le cou à quelques unes de ces idées préconçues.

« Tu es appareillée, donc tu entends bien ! »

Si seulement ! Nombreux sont ceux qui sont persuadés que les appareils auditifs, c’est comme les lunettes : on les met et hop, on entend ! Malheureusement ce n’est pas le cas… (Je me rends bien compte que ce n’est pas toujours le cas pour les lunettes non plus, d’ailleurs, mais ces préjugés sont bien là).

Imaginons que, sur une phrase de 10 mots, j’en entende naturellement environ 4 sans appareils. C’est un exemple, bien sûr, parce qu’il arrive que j’en entende plus, tout comme il arrive que j’en entende moins. Pour suivre cet exemple, avec les appareils j’en entendrai peut-être 7. Il m’en restera donc toujours 3 à deviner. Ce qui peut donc prêter à de nombreux quiproquos et problèmes de compréhension.

Donc ne vous leurrez pas, si quelqu’un est malentendant et appareillé, ne vous attendez pas à ce qu’il comprenne tout ce qui est dit dans toutes les situations. Car il y a beaucoup de situations où, avec ou sans appareils, nous sommes en difficulté, comme les situations de groupe, les réunions professionnelles, et les situations bruyantes par exemple. Ou même si vous êtes en contrejour, si vous parlez très doucement sans nous regarder ou si vous vous cachez la bouche.

« Ah tu es malentendante ! J’aimerais bien apprendre la langue des signes aussi… »

Il y a plusieurs variantes pour ce point-là :

« Je connais aussi quelqu’un qui parle la LSF » ou « J’ai fait Signe avec bébé avec mon enfant » ou « Je connais un sourd qui parle en LSF, je pourrais vous mettre en contact ? »

C’est une idée préconçue qui associe nécessairement perte d’audition, ou surdité, à la langue des signes. Comme si ce n’était pas possible d’être sourd ou malentendant sans parler la langue des signes.

Il y a autant de surdités que de personnes sourdes ou malentendantes. Chacun a sa propre situation. Certains communiquent grâce à la langue des signes, d’autres parlent français. Pour ma part, je suis née entendante, j’ai perdu l’audition petit à petit mais ma culture est toujours une culture orale, et je ne parle pas la langue des signes (pour l’instant en tout cas). Et je ne suis pas la seule à être dans ce cas. Pour d’autres personnes, c’est la langue des signes qui est à l’origine de leur épanouissement.

Si vous ne savez pas si une personne sourde ou malentendante communique le mieux à l’oral, en LSF ou par écrit, demandez-lui ou trouvez un moyen de le savoir, en parlant avec ses proches par exemple, plutôt que de présumer qu’elle parle forcément la langue des signes, puisqu’elle n’entend pas ou pas bien.

« Vraiment, tu es malentendante ? Mais pourtant cela ne s’entend pas ! »

Pourquoi est-ce que cela devrait s’entendre ?

Là encore, la diversité des surdités est flagrante. Certaines personnes naissent sourdes ou malentendantes, et ont besoin de l’aide d’un orthophoniste pour apprendre à parler. Vu que l’apprentissage de la langue se fait moins par l’audition que par le toucher, le son de la voix peut être différente. Mais cela n’est pas toujours flagrant, malgré tout.

Et pour les milliers de personnes qui, comme moi, ont perdu l’audition plus tard dans leur vie, cela ne s’applique pas. Alors non, cela ne s’entend pas et c’est aussi pour cela que les gens oublient si facilement que j’entends mal, et ne font plus attention à me parler en face, assez fort et distinctement. Mon handicap ne s’entend pas et ne se voit pas. Alors il faut que j’en parle si je veux avoir une chance de suivre les conversations.

« Tu es malentendante et tu écoutes/joues de la musique ? »

Eh bien oui, et pourquoi pas ?

Personnellement, j’ai commencé la musique bien avant de perdre l’audition. J’ai donc eu le temps de devenir une musicienne accomplie, jusqu’à ce que ma perte auditive me fasse perdre beaucoup de mes repères au niveau musical. Petit à petit, c’est devenu impossible de reconnaître une chanson ou un morceau de musique, d’en distinguer la mélodie ou encore les paroles. Je n’arrivais même plus à savoir si la chanson était en français ou en anglais !

Mais ça, c’est mon histoire. Et j’apprécie malgré tout beaucoup la musique, que j’écoute de préférence au casque pour en saisir le maximum de subtilités, et à petite dose pour ne pas fatiguer mes oreilles. J’ai même commencé à faire de la basse quand je me suis rendu compte que j’en entendais et que j’en aimais beaucoup la sonorité. Ce n’est pas toujours évident de retrouver des repères dans les lignes mélodiques et harmoniques qui ont été modifiées par ma perte auditive (heureusement, le rythme est un repère qui reste). Mais petit à petit, j’apprends à réentendre la musique, et à trouver de nouveaux repères qui me permettent d’avoir du plaisir à écouter et à jouer de la musique.

Et au-delà de mon histoire, il y a beaucoup de personnes malentendantes ou sourdes qui sont musiciennes, et très bonnes musiciennes avec ça. Voyez Evelyn Glennie par exemple !

« Tu as perdu de l’audition ? Mais tu es jeune ! »

C’est aussi un de ces  préjugés qui pousse les gens à penser que l’on ne perd l’audition qu’à partir d’un certain âge. La conséquence directe de cette fausse idée est la suivante : autant on pensera à une perte auditive quand on rencontrera une personne âgée qui semble avoir des problèmes de compréhension, autant on y pensera pas si la personne est plus jeune.

Imaginez la situation. Vous parlez à une personne d’une trentaine d’années, et elle vous fait répéter plusieurs fois ce que vous dites, pour finir par répondre à côté. Sa voix est « normale », dans le sens où elle n’a pas d’accent, et pas de problèmes d’élocution. Aucun handicap n’est visible, et ce n’est sûrement pas ce à quoi vous pensez en premier. Alors, à quoi pensez-vous ? Soit la personne est étrangère (mais elle n’a pas d’accent donc cela ne sera peut-être pas non plus votre premier réflexe), soit elle est stupide, soit elle essaie de vous faire enrager ? Peu de personnes penseraient, dans ce cas-là, que cet individu a peut-être tout simplement des difficultés d’audition.

C’est une situation qui m’est déjà arrivée, et si je ne pense pas à prévenir les gens que je suis malentendante, je vois bien le regard interloqué de la personne qui ne comprend pas ma réponse et ne parvient pas à comprendre pourquoi je réponds à côté. Et cette situation est sans aucun doute due au fait que je sois (relativement encore) jeune, et que mon handicap ne se voie pas et ne s’entende pas. Si je repère ce regard, j’explique vite que je suis malentendante, et je sens le soulagement ressenti par l’interlocuteur. Ah d’accord ! Tout s’explique !

La perte auditive et la surdité touche des enfants, des adolescents, des adultes et des personnes âgées. Il est vrai que la presbyacousie, avec sa perte caractéristique des fréquences aiguës, touche plus souvent les personnes vieillissantes, mais il peut y avoir tout un tas d’autres raisons pour une perte auditive : congénitale, génétique, suite à un accident, un virus mal soigné, une prise de médicament, ou suite à des nuisances sonores au travail par exemple.

 

Et il s’agit là seulement des cinq premiers préjugés que j’ai trouvés. Je partagerai prochainement cinq autres idées préconçues qui ont un impact négatif sur votre compréhension de la perte auditive.

 

 

Comment aider un malentendant à apprécier les fêtes

Les fêtes

Pas évident, cette période des fêtes !! Tout ce bruit, toute cette agitation, et le stress…

L’an dernier, j’avais exploré ce que peut être l’expérience d’une personne malentendante à cette époque de l’année, ainsi que quelques astuces pour mieux vivre ces réunions de familles.

Cette année, j’aimerais insister sur ce que vous pouvez faire pour améliorer le vécu de ceux de vos proches qui ont une perte auditive. Il s’agit de quelques astuces qui ne vous demanderont pas grand chose, et qui augmenteront énormément la qualité de l’expérience de tous ceux de votre entourage qui ont perdu de l’audition.

Baissez la musique

La plupart du temps, qui dit fêtes, repas de famille ou réveillon, dit musique. Et souvent, musique forte. Et c’est vrai, c’est sympa d’écouter les vieux classiques de Noël en famille, ou de monter le volume lors du réveillon du nouvel an. Mais ce qui, pour vous, est un environnement musical agréable, qui vous donne envie de danser ou de chanter en chœur sera la kryptonite de votre proche malentendant. Car tout ce fond sonore n’apporte qu’un peu plus de chaos et de cacophonie aux oreilles déjà éprouvées de la personne malentendante.

Ainsi, la musique de fond demande une plus grande concentration pour parvenir à suivre les conversations. Tous les sons se mélangent, et cela demande un effort important de distinguer quel son signifie quoi. Plus le volume augmente, plus la personne malentendante sera en difficulté, et devra s’isoler, voire quitter complètement la pièce quand le son sera trop fort pour ses oreilles fragiles.

Gardez un œil sur votre ou vos proches malentendant(s) et si vous les voyez en difficulté (seuls dans un coin, l’air morose, par exemple), pensez à baisser la musique.

Augmentez l’éclairage

C’est sympa, l’ambiance lumière tamisée, avec quelques bougies et petites lumières indirectes. L’effet est chaleureux, et fait bien ressortir les lumières du sapin (et du feu de cheminée). Mais si vous avez un proche qui n’entend pas bien, vous remarquerez peut-être qu’il devient très silencieux à partir du moment où les bougies sont allumées et les lumières éteintes. Parce que nous avons besoin de lumière pour lire sur les lèvres, comprendre les situations et interpréter les expressions faciales. Nos yeux sont notre compensation, qui nous aident à comprendre.

Alors bien sûr, mettez des bougies, pour l’ambiance ! Mais laissez aussi les lumières allumées.

Proposez plusieurs espaces

Dans ma famille, pendant les fêtes, il y a souvent plusieurs pièces où l’on se retrouve. Et chaque pièce a une ambiance différente.

Au salon, c’est plus festif : on joue de la musique, les enfants jouent, tout le monde parle et plaisante, il y a beaucoup de bruit et de rires.

A côté, à la cuisine, c’est plus calme. On se retrouve pour aider à faire la vaisselle, ou on s’assied un moment pour lire ou parler à deux au calme, loin du bruit.

Le fait d’avoir plusieurs espaces permet à ceux d’entre nous qui ont une perte auditive (et aux autres aussi, d’ailleurs) de faire une pause et de s’éloigner du bruit un moment. C’est primordial ! Si nous n’avions pas cette possibilité de reposer nos oreilles régulièrement, nos retrouvailles deviendraient vite un calvaire plutôt qu’un plaisir.

Privilégiez les discussions à deux

Si vous avez un proche qui a des difficultés d’audition, qu’il en soit conscient ou non, vous le verrez sûrement s’isoler de plus en plus, au fur et à mesure que la réunion de famille devient bruyante. Et c’est vite fait de passer plusieurs jours ensemble pour se rendre compte, au moment du départ, qu’on a en fait pas pu échanger ni partager quoi que ce soit avec cette personne.

Alors si vous souhaitez garder le contact avec cette personne, et lui donner envie de sortir de son isolement, proposez-lui des moments calmes, à deux, pour discuter simplement.

Vous pouvez proposer une promenade pour prendre un peu d’air frais, ou vous pouvez l’aider à cuisiner ou à ranger, ou profiter d’une autre activité nécessaire pour faire quelque chose à deux, dans le calme. Ou même simplement vous asseoir avec la personne dans un endroit tranquille, et parler. De cette façon, vous pourrez engager une conversation qui aura toutes les chances d’être bien comprise par la personne malentendante.

Permettez à l’autre de se reposer

Ce besoin de reposer notre audition n’est pas un luxe, ni un caprice. C’est une nécessité absolue, parce que sans cela, notre capacité de concentration s’amenuise très rapidement, nous perdons patience ou nous perdons le fil des conversations, et nous risquons de partir épuisés, et de fort mauvaise humeur.

Alors si votre ami ou membre de la famille s’éloigne à un moment, laissez-lui ce temps de repos. Ne pensez pas que cette personne est forcément grognon, misanthrope ou asociale. Après un moment au calme, elle pourra revenir reposée, avec plus de ressources pour échanger avec vous.

Je vous souhaite à tous d’excellentes fêtes, en espérant que vous pourrez partager des moments remplis de bonheur et de sens avec tous vos proches, mêmes ceux qui n’entendent pas bien !

 

Comment ça ? Moi ? Je parle trop ?

 

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Il y a quelque temps, une connaissance me disait :

De toute façon, les malentendants parlent tout le temps ! Ils veulent toujours être au centre de l’attention et ils n’écoutent jamais.

Et ensuite, le coup de grâce :

C’est le cas de tous ceux que je connais !

Ouille…

Difficile pour moi de ne pas le prendre personnellement. Parce que je suis dans le même panier que tous ceux dont cette personne parle…

Vraiment ? Je parle tant que ça ? Je ne suis pas capable d’écouter ?

Puis, la personne a rajouté :

Peut-être que c’est plus facile pour eux de parler que d’écouter, et que c’est pour ça…

Alors j’ai eu envie d’écrire cet article.

Parce que, oui, il m’arrive d’avoir des comportements qui sont ou peuvent être mal perçus. Et c’est souvent bien malgré moi.

  • Parler pour ne pas écouter

Il y a en effet les situations où je parle parce que ça m’évite d’avoir à faire un effort incroyable pour entendre.

Mais en fait c’est plutôt rare. Les moments où je parle beaucoup sont plus souvent les moments où j’ai quelque chose à dire, quelque chose qui m’exalte assez pour en parler avec animation.

Il y a aussi de nombreux moments où je reste en retrait dans une conversation, soit parce que je n’arrive pas à suivre, en effet, mais aussi parce que je n’ai pas forcément de choses à rajouter à la conversation, ou alors, mais oui, ça arrive aussi, simplement parce que j’écoute les autres.

Ce n’est pas facile pour moi d’écouter. Cela me demande un gros effort de concentration. Et je n’y arrive pas tout le temps, d’autant moins quand je suis dans une situation de groupe.

Mais je fais souvent cet effort malgré tout.

  • Interrompre les autres

Il y a aussi les moments où j’interromps les gens sans faire exprès

Ça arrive dans un groupe, si je ne me rends pas compte qu’une personne est déjà en train de parler, et je démarre une conversation par dessus.

Il y a aussi certaines personnes que je n’entends vraiment pas, soit en raison de la  fréquence de leur voix, ou parce qu’elles n’articulent pas et parlent très doucement (ou un mélange des deux), et je ne me rends même pas compte qu’elles sont en train de parler !

En général, une bonne âme m’arrête pour me dire que quelqu’un était déjà en train de parler, et je me tais, la honte au front, après m’être confondue en excuses.

Si personne ne me dit rien, je vois en général à la tête des gens que j’ai fait une gaffe, et je me rends compte assez vite de ce qui se passe.

Cela fait partie des situations les plus difficiles à assumer pour moi, parce que je n’aime pas heurter les autres, et je le fais bien involontairement.

  • Parler trop fort

Cela m’arrive souvent d’être en train de parler à quelqu’un, et la personne fait un geste de la main avec une grimace pour me demander de baisser le volume.

Je me rends alors compte que j’étais en train de parler très fort, dans une situation où c’était peut-être un peu gênant (pour moi et/ou pour l’autre).

Ce n’est pas évident pour moi de contrôler le volume de ma voix. J’ai tendance à parler aussi fort que j’aimerais qu’on me parle, j’imagine, et c’est trop fort pour la plupart des gens.

Il me semble aussi que quand la personne en face de moi parle particulièrement doucement, j’ai tendance à hausser la voix, comme si cela pouvait entraîner l’autre à en faire de même.

Malheureusement, non seulement ça ne marche pas, mais ça embête ou gêne l’autre, et je finis par me sentir très embarrassée de ma voix.

  • Chuchoter trop fort

C’est une variante du point précédent… C’est difficile pour moi d’avoir une conversation privée alors que je suis entourée de personnes qui ne sont pas censées l’entendre. Parce que si je parle vraiment au volume de chuchotement typiquement admis, je ne m’entends pas. Ce n’est donc pas naturel pour moi.

Quant à entendre la réponse de l’autre…

En conséquence, le petit commentaire murmuré à l’oreille de l’ami alors que tout le monde est silencieux devient vite source de fou-rire général. Parce que bien évidemment, tout le monde l’aura entendu.

Heureusement, j’assume mes commentaires la plupart du temps et je ris de bon cœur avec les autres quand ça se produit, mais cela peut vite devenir très gênant. (Je n’ai qu’à pas faire de commentaires en aparté, me direz-vous. Certes.)

Difficile aussi pour une autre personne de me dire quelque chose en privé alors qu’il y a d’autres gens autour. Je ne comprends jamais un murmure du premier coup, et plus je demanderai de répéter, plus cela attirera l’attention des autres. Autant pour la petite confidence partagée facilement, en passant.

  • Répondre à côté

C’est moins embarrassant, et plus flagrant, mais une mauvaise compréhension de la conversation qui se déroule, ou de la situation peut m’amener à répondre ou à réagir complètement à l’envers de ce qui est attendu.

La plupart du temps, mon entourage rétablit bien vite la situation, m’expliquant ce qui s’est réellement dit, pour que je puisse m’ajuster, mais ce n’est pas toujours évident d’accepter avec grâce le fait que je viens de mettre les pieds dans le plat, ou d’être complètement à côté de la plaque.

Toujours cette histoire de ridicule, décidément !

Et vous, quelles sont vos situations embarrassantes, que vous soyez malentendant, sourd ou entendant ? Avez-vous aussi des comportements qui choquent ou heurtent les autres involontairement ? Comment réagissez-vous à ces situations ?

Le malentendu suprême

ira7 by xvire1969 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/

 

J’ai récemment appris qu’une personne de mon entourage avait du mal à savoir comment être avec moi, parce qu’elle me trouvait froide et distante.

Ca m’a fait un choc.

Si je pouvais me définir, ce ne serait jamais comme étant quelqu’un de froid. Et encore moins de distant.

En fait, j’aime beaucoup les gens.

J’aime les découvrir, et me faire surprendre par les facettes de leur personnalité.

J’aime participer à des conversations, et avoir le sentiment que j’appartiens à un groupe. J’aime me sentir entourée.

Comme tout un chacun sûrement ?

J’aime aussi parler de tout et de rien avec un groupe d’amis, juste pour la joie d’être ensemble et de rire ensemble.

Mais c’est épuisant. Une simple conversation entre amis, où chacun pimente la conversation de son humour, où on s’interrompt et où on rit, ça n’a l’air de rien. Mais moi, je suis perdue dès la première blague que je n’ai pas saisie.

Très vite, je ne sais plus qui parle, et encore moins de quoi on parle.

Et allez-y, dans une conversation comme ça, essayez d’interrompre la discussion pour demander de répéter ce qui vient d’être dit… Sachant qu’il faudra répéter chaque blague et chaque intervention pour que je puisse suivre, ce qui tue la légèreté de l’échange aussi efficacement qu’un bon seau d’eau glacée.

Alors je ne le fais pas.

Je pars dans mes pensées, je sirote mon café, je me dis que ce n’est pas si grave, que rien d’important n’a été dit.

Mais en fait c’est faux.

Parce que ces petites conversations sans importance, parsemées de rires et de bons mots, sont le ciment des amitiés. C’est ce qui fait qu’on a envie d’être ensemble, de se retrouver sur une terrasse de café, de partager des soirées et de faire des pique-niques.

Et là encore, je n’ai pas trouvé de solution.

Faut-il, comme certains me l’ont conseillé, simplement laisser tomber et me consoler en me disant que si les autres ne font pas l’effort de passer par dessus leur impression, c’est qu’ils n’en valent pas la peine ?

Pas si sûr.

Dois-je pour autant passer mon temps à tenter de leur montrer, d’une façon ou d’une autre, que je ne suis pas celle qu’ils pensent ?

Non plus, parce qu’il y aura toujours des moments où une personne me dira bonjour dans la rue, et je ne la verrai pas. Or si je ne la vois pas, je ne l’entendrai pas non plus, et je ne répondrai pas à son salut. Et en réalité, je n’ai aucun pouvoir sur ce qu’elle pensera alors de moi.

J’en arrive à penser que tout le monde en est là. Pour moi, c’est un peu plus visible parce que mon handicap auditif forme un obstacle concret dans la communication.

Mais il peut y avoir une myriade d’autres obstacles moins permanents : la timidité, la mauvaise humeur d’un jour, la fatigue, les préoccupations, etc.

Au bout du compte, le mieux que je puisse faire, c’est d’expliquer aux autres ce que je vis.

Malgré cela, il y aura sûrement toujours des gens qui me trouveront indifférente ou qui interprèteront certains de mes comportements comme un complexe de supériorité. Je ne pourrai pas expliquer à TOUS CEUX que je croise que ce n’est pas le cas, que c’est juste que j’entends mal.

Par contre, je peux rester vigilante quant à mes propres impressions, et faire attention de ne pas interpréter constamment les réactions des autres comme un jugement contre moi.

Et faire confiance que mes amis feront toujours l’effort de passer par-dessus cet obstacle.

 

 

 

Vivre avec un malentendant, ou l’apprentissage de la patience – 2ème partie

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Être conjoint de malentendant, c’est adopter un rôle complexe et pas toujours facile. En plus des frustrations liées aux éléments que j’ai évoqués la semaine dernière, comme les efforts à faire constamment pour se faire comprendre, ou les disputes qui découlent directement ou indirectement du handicap, le conjoint doit accepter une réalité lourde de sens :

Le conjoint, pour peu qu’il n’ait pas lui aussi des soucis d’audition, entend mieux que le malentendant.

C’est une lapalissade, certes.

Mais la conséquence de cet état de fait, c’est que naturellement, la personne malentendante va avoir tendance à s’appuyer sur son conjoint dans différentes situations.

Et cela peut poser problème.

  • Le conjoint-intermédiaire

Ainsi, dans les situations sociales, le conjoint va parfois devenir le traducteur ou l’intermédiaire de la personne malentendante.

En effet, c’est plus facile demander à son conjoint de répéter ce qui vient d’être dit par une tierce personne que l’on connaît peu, que de le demander directement à la tierce personne en question. Peut-être parce que faire répéter, c’est déjà un aveu de notre handicap, et qu’il faut ensuite donner des explications, et se justifier d’une partie de soi que l’on aimerait ne pas avoir à dévoiler. Pas tout de suite, en tout cas.

Et quelquefois, c’est plus rassurant de se cacher derrière son conjoint que d’assumer cette perte d’audition qui pourrait être jugée comme étant une tare ou un problème par quelqu’un que l’on ne connaît pas, ou pas beaucoup, et qui nous intimide peut-être.

De même lors de rendez-vous chez le docteur. Ou pour les appels téléphoniques que l’on reçoit. Et si l’on n’y prend pas garde, le conjoint finit par être celui qui fait le lien entre la personne malentendante et la tierce personne ou le monde extérieur.

Le problème, c’est que plus on s’appuie sur notre conjoint pour avoir accès au monde extérieur, et moins on arrive à communiquer de façon autonome. Au bout du compte, la tentation est grande d’arrêter de voir des gens, de prendre des rendez-vous, ou de faire des activités, si notre conjoint n’est pas disponible.

Et en perdant notre autonomie, on perd aussi notre force, notre respect de nous-même, notre goût de l’aventure, et notre envie d’aller vers les autres.

  • Le conjoint défenseur ou protecteur

Notre conjoint peut aussi être notre meilleur défenseur dans les situations difficiles. En particulier si quelqu’un nous juge, nous dénigre, sous-estime notre handicap ou qu’on se moque de nous de façon ou d’une autre. Son sang ne fait qu’un tour à la moindre remarque pernicieuse ou à la moindre attitude méprisante à notre égard.

Souvent, dans ces situations, on ne perçoit pas la remarque désobligeante qui nous a été adressée, ou on ne se rend pas compte de l’intention qu’il y a derrière, et on n’y réagit donc pas. Mais quand un conjoint se met à bouillir d’indignation et réagit encore plus qu’on ne l’aurait fait si on avait compris ce qui a été dit, il y a là quelque chose de profondément rassurant. Cela montre que notre conjoint est avant tout de notre côté.

Bien sûr, tous les couples ont leur histoire, et tous les conjoints ne sont pas protecteurs.

  • Ce qui peut déraper – les milieux toxiques

Dans certains couples, certaines familles ou entourages, le handicap auditif d’une personne est vu avant tout comme une source de frustration. Le malentendant peut ne pas être pris en compte comme une personne à part entière par son entourage, et on va se permettre, par exemple, de parler de lui (de façon négative) pendant qu’il est là, sachant qu’il ne comprendra pas ce qui est dit.

Le malentendant peut aussi être infantilisé. Un mari qui considère que sa femme malentendante est incapable d’aller à la banque toute seule, par exemple. Si le mari a honte de la perte d’audition de sa femme, ne la prend pas au sérieux ou ne l’assume pas, il peut la faire passer pour plus stupide qu’elle n’est, au lieu de simplement parler de cette perte d’audition (ou de la laisser en parler).

La lassitude de devoir toujours répéter les choses peut aussi pousser la personne qui entend bien à parler sèchement, à montrer son énervement de diverses façons, et même à devenir condescendante ou méprisante avec son conjoint malentendant.

Tous ces comportements rendent l’environnement du malentendant toxique. Ce n’est pas facile d’assumer une perte d’audition, et de vivre avec au quotidien. Mais quand on est constamment infantilisé, méprisé ou l’objet de la colère et de l’énervement de son entourage, c’est encore plus difficile de le vivre bien.

Le malentendant peut lui aussi se sentir frustré de ne pas entendre comme il faut, et devenir aigri, abrupt et agressif dans ses interactions avec son entourage.

Chacun est différent dans son appréhension du handicap, qu’il en soit lui-même affecté ou non.

Le fait que la communication entre deux conjoints ou deux membres d’un foyer ne coule pas de source ajoute un obstacle à la relation. Cet obstacle peut être géré de différentes façons.

Plus on parvient à prendre les difficultés avec humour et légèreté, et plus c’est facile. Mais ce n’est pas toujours possible. Certains jours sont plus compliqués que d’autres et je me suis rendu compte que c’est important d’accepter les émotions douloureuses qui accompagnent les moments difficiles.

Et un conjoint qui apporte son soutien et son amour pendant ces moments éprouvants, c’est peut-être une des choses les plus apaisantes qui soit.

Vivre avec un malentendant, ou l’apprentissage de la patience – 1ère partie

couple taliesin

Ce n’est pas toujours facile d’être malentendant.

Ca peut être lourd, fatigant, déprimant.

Mais ce n’est pas évident non plus d’être dans l’entourage immédiat d’un malentendant. Le conjoint, en particulier, doit aussi affronter et gérer ce handicap.

C’est aussi le cas des enfants, parents, colocataires ou autres personnes qui vivent au quotidien avec la personne malentendante. Je parlerai avant tout du rôle du conjoint dans cette petite série de deux articles, mais ce que j’évoque peut être transposé sans difficulté à toute personne très proche du malentendant.

Il y a plusieurs raisons à ces difficultés :

  • Les efforts constants à faire pour se faire comprendre

Parler comme il faut, attirer l’attention avant de parler, ne pas cacher sa bouche, se mettre bien en face, et en général être conscient à tout moment que l’autre entend mal.

Il faut y penser à chaque fois que l’on essaie de communiquer, que l’on soit seuls ou en groupe, à la maison ou dehors.

Mais des fois, on oublie. On parle en tournant le dos, en faisant la vaisselle ou depuis une autre pièce. Et il faut répéter. Et répéter encore.

Et puis, des fois, la personne malentendante oublie aussi qu’elle entend mal, et pose une question à l’autre qui est à l’autre bout de la maison, sans se rendre compte (jusqu’à ce que ce soit trop tard) qu’elle ne pourra pas entendre sa réponse. Et ça donne quelque chose comme :

– Dis, t’as mis où le papier du loyer ?
– Sur la table du salon (l’autre personne répond depuis là où elle est)
– Ah je t’entends pas…

Ben oui, forcément !

Et il y a les jours où on est tellement fatigué ou préoccupé que c’est trop difficile de parler fort et clairement, de faire attention, de penser à tout. Et il faut répéter chaque phrase, au moment où on a le moins d’énergie pour le faire. Alors on s’énerve. On sait très bien que ce n’est pas de la faute de la personne si elle entend mal. Mais chaque effort demande tellement d’énergie que la frustration fait surface malgré tout.

Et comme par hasard, ce sont souvent à ces moments-là que l’autre, fatigué lui aussi, entend encore moins bien, et fait répéter encore plus.

  • Les disputes inutiles

J’ai remarqué qu’une partie non-négligeable des disputes qui peuvent se produire dans mon foyer ont un point d’origine commun : j’ai mal compris quelque chose.

Il suffit que je loupe un mot, ou le sens d’une phrase, et je vais répondre d’une certaine façon. Ma réponse ne correspond pas aux attentes de l’autre et, pour peu que j’aie parlé avec conviction et que ma réponse soit vraisemblable, l’autre peut mal le prendre, et là, ça dégénère.

De même si ce que j’ai (mal) compris m’énerve directement.

Genre :

– Ah quand même, t’exagères, de dire ça ! C’est pas vrai !
– Mais,… comment ça ?
– Euh, mais alors, qu’est-ce que t’as dit, en fait ?

Et ça, c’est si par chance ma réaction est vraiment incompréhensible pour l’autre par rapport à ce qui avait été dit à la base.

Parce qu’il arrive qu’on parte dans une dispute, pour se rendre compte une demi heure plus tard qu’elle n’avait absolument pas lieu d’être parce qu’on était tout à fait d’accord, en fait.

C’est épuisant.

Pour l’autre, et pour moi.

J’ai aussi vu des couples où la dispute éclate parce que la personne malentendante a manqué une information primordiale à un moment donné.

– Pourquoi tu ne m’as pas dit que les Untel venaient manger demain ?
– Mais je te l’ai dit ! Hier midi, après leur coup de fil !
– Mais non, tu me l’as pas dit ! Ou alors j’avais pas compris ça, moi !

C’est la faute à qui ? Au malentendant, de ne pas avoir dit qu’il n’avait pas compris ce qui avait été dit ? Il y a de fortes chances qu’il ne s’en soit même pas rendu compte.

Au conjoint entendant, de ne pas s’être assuré que la personne malentendante avait tout bien compris de son message ? Pas si évident.

Bien sûr, et heureusement, on peut mettre des choses en place pour éviter, ou diminuer la fréquence de ces moments difficiles. Mettre les rendez-vous importants par écrit, noter les choses, vérifier la compréhension de l’autre, etc. Mais cela ne résout pas toujours tout, et on n’atteint pas un degré de zénitude extrême du jour au lendemain.

La semaine prochaine je parlerai de plusieurs autres rôles que le conjoint peut être amené à jouer, avec ce qui peut déraper, et comment garder son indépendance autant que possible.