Visite de Tadeo et Acceo

Mardi dernier, comme je vous le disais dans mon dernier article, j’étais en route pour Paris. J’y allais pour visiter les locaux et rencontrer les employés de l’entreprise Delta Process, qui propose les services Tadeo et Acceo, et pour rencontrer d’autres blogueurs, bédéiste et youtubeurs sourds.

Après un voyage en train sans trop d’histoire, un taxi m’attendait sur le quai de la gare Montparnasse. Après trois quarts d’heure de trajet environ, pendant lesquels j’ai appris que le père de mon chauffeur de taxi était malentendant, ce qui nous a permis d’échanger sur les trucs et astuces pour aider les malentendants à mieux comprendre et à mieux vivre différentes situations, me voilà arrivée à Saint-Maur-des-Fossés, au siège de Delta Process.

Et là, j’ai rencontré Fabio, avec qui j’avais conversé la semaine précédente pour organiser la rencontre. Il m’a montré le chemin jusqu’à une salle de réunion où je rencontre Nathalie, et les blogueurs ou youtubeurs qui sont arrivés avant moi : Dhafer, Sara et Titi. Vivien et Lucas nous ont rapidement rejoints, et nous étions au complet !

(Petite parenthèse en passant, je viens de perdre une bonne heure à regarder les vidéos de tous les autres youtubeurs… C’est génial ! Allez voir ! Les vidéos sont toutes sous-titrées).

Nous sommes entrés directement dans le vif du sujet, puisque l’application Tadeo était projetée sur grand écran. Un micro au centre de la table captait les paroles, et une personne de l’entreprise faisait la transcription écrite en temps réel à l’écran, pendant qu’une autre faisait la traduction simultanée en LSF. Il y avait même un ordinateur avec webcam pour que Lucas puisse communiquer en langue des signes avec l’interprète. De cette façon, c’était l’interprète qui partageait les questions ou remarques de Lucas à l’oral.

Juste cette petite réunion nous a donné une bonne idée du fonctionnement du logiciel et du système qui permet aux sourds et malentendants d’échanger facilement et de gagner en autonomie dans leur vie de tous les jours. Et ensuite, on a visité les locaux de l’entreprise, et on a rencontré différentes personnes à différents postes. C’était vraiment très intéressant !

Juste pour expliquer rapidement, Acceo est une application qui permet aux sourds et malentendants d’appeler et échanger en face à face avec tous les organismes publics ou privés abonnés. De cette façon, la personne sourde ou malentendante a accès à ce qui est dit à l’oral soit par transcription écrite, soit par traduction LSF, en temps réel.

Tadeo est le système professionnel qui permet à un collaborateur sourd ou malentendant de participer pleinement aux réunions (c’est le système qu’on a testé avec l’écran), et aussi d’appeler et de répondre au téléphone.

 

La transcription de la parole

D’abord on a appris comment travaillent les personnes qui transcrivent la parole à l’écrit. Il y a deux méthodes : soit par clavier sténo qui permet d’écrire très vite, soit par micro.

Voici à quoi ressemble le poste de travail d’un personne qui transcrit avec un clavier sténo. Chaque touche correspond à un son, ce qui permet d’aller bien plus vite qu’avec un clavier normal. L’employée à qui nous avons parlé nous expliquait que cela prend trois mois d’apprendre à taper avec le clavier, mais il faut trois ans pour obtenir la vitesse !

transcription sténo

Le poste de travail de transcription par clavier sténo

Pour ceux qui transcrivent avec un micro, eh bien ils ont un micro fermé comme dans la photo ci-dessous, et ils répètent toutes les paroles qui sont dites. Le logiciel est réglé pour comprendre leur voix de façon précise, et ils doivent parler très clairement en faisant toutes les liaisons comme il faut. Nous avons pu voir que cela permet une transcription plutôt précise, très rapidement.

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Le poste de travail pour la transcription par micro

La traduction en LSF

Nous avons rencontré les interprètes en langue des signes aussi, qui nous ont expliqué leur métier. Ils sont en contact avec la personne sourde ou malentendante par vidéo, et font le lien avec la personne entendante à l’oral. Le système est très bien fait ! Pas de photos par contre…

Et les autres équipes !

Nous avons aussi rencontré l’équipe technique, et bien d’autres personnes encore !

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L’équipe technique !

 

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Julien, le directeur du développement, et un de mes premiers lecteurs ! (Merci !)

 

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Fabio et Nathalie, nos guides pour l’après-midi

Et comme vous pouvez le voir sur cette dernière photo, on a fini la rencontre aux petits fours, et c’était vraiment très sympa.

Les autres blogueurs et youtubeurs : une belle rencontre !

Il manquait Mélanie à la rencontre, qui n’avait pas pu être là. Du coup, on a pris un selfie pour lui envoyer avant de partir :

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Un selfie avant de partir avec, de gauche à droite, Titi, moi, Fabio, Vivien, Dhafer, Sara et Lucas !

Et aussi une photo de groupe de notre première rencontre ! Parce que je connaissais Vivien, mais je ne connaissais aucun des autres youtubeurs et auteurs présents, et du coup la rencontre était très riche et super intéressante. J’ai depuis été voir tous les blogs et toutes les chaînes YouTube, et j’ai adoré l’humour et la façon de chacun d’aborder la surdité.

Les 6 YouTubeurs et blogueurs présents ! De gauche à droite : Lucas, Sara, Titi, moi, Vivien et Dhafer

Merci encore à toute l’équipe de Tadeo et Acceo qui nous a reçus, et aux autres YouTubeurs et blogueurs ! J’ai été ravie de vous rencontrer en vrai ! Le seul regret que j’ai, c’est que c’était un peu court… Deux heures pour découvrir tout ça, ça aurait mérité un peu plus de temps. La prochaine fois !

De l’importance des sous-titres

Sous-titrage_de_Folgers_-_Harold_a_un_problème_avec_le_café

Je me rappelle avec émotion de l’époque où je pouvais suivre un programme à la télévision, et même à la radio, sans aucun problème. Les pièces radiophoniques de France Inter, que j’écoutais avec ma mère pendant qu’elle cousait. Et les programmes, films et séries en allemand, puis en anglais, quand j’habitais à l’étranger. Aucun souci ! Je n’avais pas besoin de regarder l’écran pour pouvoir suivre, et même les spectacles des humoristes étaient accessibles, y compris ceux qui parlent super vite (et même en anglais/allemand ! Ah là là. Soupir).

Et puis, petit à petit, j’ai eu plus de mal. J’ai arrêté d’écouter la radio. J’ai mis la télévision plus fort, et j’ai commencé à lire sur les lèvres des acteurs et des présentateurs. Et puis il est arrivé un moment où j’utilisais tellement la lecture labiale que je n’arrivais plus à regarder un film doublé. Parce que je lisais un texte en anglais sur les lèvres, et j’entendais (mal) un texte en français et mon cerveau était perdu entre les deux.

J’ai commencé à mettre les sous-titres. C’est arrivé, fort heureusement, à la même période que celle où les sous-titres se sont généralisés sur les chaînes de télévision, avec les box et la TNT. Et les sous-titres, ça me sauve la vie !!

Ca me permet de suivre là où mes oreilles ne suivent plus. Mes yeux prennent le relais, et m’assurent une compréhension quasi totale de ce qui se produit.

Pour peu, bien sûr, qu’il y en ait, des sous-titres. Et que ceux qui sont présents soient corrects, un minimum bien orthographiés, et synchronisés avec la vidéo.

Parce que voilà, il n’y a rien de pire que de consulter le programme TV, de trouver un bon film sur une chaîne hors France Télévision, TF1 ou M6, de préparer le pop-corn et de s’installer à l’heure dite, pour découvrir que le film n’est pas sous-titré. Car s’il n’est pas sous-titré, eh bien tant pis, je passe à autre chose ! Parce que ça me demandera trop d’efforts d’essayer de suivre, tout en demandant à mon entourage à intervalles réguliers : « qu’est-ce qu’il a dit ? », « qu’est-ce qui s’est passé ? », ce qui court sur le nombril de tout le monde (moi y compris) assez rapidement.

J’ai appris récemment, grâce à l’excellent article d’Emmanuelle de Mon Accessibilité Sourde, que la loi prévoit que seules « les chaînes dont l’audience moyenne annuelle est supérieure à 2,5% de l’audience totale des services de télévision rendent accessible la totalité de leurs programmes ». Cela signifie que si on veut regarder quelque chose sur NT1, Arte ou autre, eh bien on a de grandes chances (entre 40 et 80% de chances) de tomber sur un programme non sous-titré.

Or, qui dit programme non sous-titré dit : je zappe.

Et c’est vraiment dommage quand je me faisais une joie de regarder un programme, un documentaire ou un film d’art et d’essai sur Arte par exemple. Et puis, ça m’énerve (surtout quand c’est sur Arte ! COMMENT ?! La culture ne m’est pas accessible !? AAAARGH !!). En général je grommelle puissamment, tout en changeant de chaîne. C’est vrai que tous les programmes devraient être disponibles en audiodescription ET avec les sous-titres !

Mais même quand il y a les sous-titres, cela peut être difficile. Par exemple, quand un programme ou film contient vraiment beaucoup de paroles. Le temps de lire les sous-titres, et on n’a pas eu le temps de voir l’image, et du coup on n’a pas une compréhension totale de ce qui se produit. J’ai la chance de lire vite, et du coup cela m’arrive très rarement de ne pas parvenir à suivre l’histoire parce que la lecture des sous-titres est trop prenante, mais cela peut arriver ! Il arrive aussi que les sous-titres soient mal programmés, et qu’ils disparaissent avant qu’on ait eu le temps de les lire.

Et puis, il y a les fois où les sous-titres, pour une raison ou pour une autre, cachent la moitié de l’image. Charmant !

Après, il y a aussi les émissions en direct, qui sont donc forcément sous-titrées en direct. Outre l’orthographe (voire la grammaire) quelquefois fantaisiste (on les comprend, le métier de sous-titreur en direct ne doit pas être évident), le manque de synchronisation est souvent gênant. C’est difficile de suivre un reportage si les sous-titres ne correspondent absolument pas à l’image. J’ai donc tendance à éviter au maximum les programmes en direct. Si vraiment j’ai envie d’en suivre un, j’enlève les sous-titres et je mets mon casque télé, qui me permet encore de suivre plus ou moins, même si c’est beaucoup plus fatigant qu’avec les sous-titres (et que j’en loupe certainement la moitié).

Dans la grande majorité des cas, tout de même, les sous-titres me rendent un contenu accessible, alors que sans cela je n’aurais pas pu le suivre. Et il n’y a pas qu’à la télévision que les sous-titres sont importants : au cinéma, par exemple, le son des bruitages a tendance à recouvrir le son des voix. Si le film est sous-titré, plus de problème ! Malheureusement, ce sont souvent les films étrangers qui seront sous-titrés, et non les films français. J’ai découvert au Canada qu’il existe des dispositifs qui permettent à un malentendant d’avoir accès aux sous-titres de n’importe quel film, quel que soit sa langue. Hélas, je n’ai encore pas trouvé de cinéma qui propose ce système en France (encore moins dans ma petite ville de province…).

Au théâtre ou à l’opéra aussi, les sous-titres (ou sur-titres) sont très utiles. A Montréal, les opéras sont sur-titrés en français et en anglais, alors que le texte est chanté en italien ou en allemand, par exemple. Cela permet à tout le monde de suivre l’histoire sans avoir à tenter de lire le livret au fur et à mesure. Si les pièces de théâtre étaient sur-titrées sur un écran au dessus de la scène, par exemple, j’irais bien plus souvent au théâtre. Parce que dans l’état actuel des choses, payer entre 20 et 40 euros pour ne pas être sûre de comprendre ce dont on parle, cela me tente moyen.

Et puis, bien sûr, pour toutes les vidéos sur internet, les sous-titres c’est ultra utile !! Mon conseil : si vous faites un blog vidéo, une chaîne YouTube, ou n’importe quelles vidéos sur internet, sous-titrez les !! Parce que les sous-titres automatiques, c’est souvent du grand n’importe quoi, surtout si la personne qui parle n’a pas une diction parfaite. Et sans sous-titres, eh bien… il y a un tas de gens qui n’auront pas accès à votre vidéo.  Imaginez, rien qu’en France, il y a 7 millions de personnes malentendantes ! Autant vous dire qu’en rajoutant simplement des sous-titres, votre vidéo, votre programme de formation en ligne ou autre support en ligne pourra parler à bien davantage de personnes !

En tout cas, j’apprécie beaucoup les vidéos sous-titrées, quel que soit leur support. Parce que le simple geste de sous-titrer des paroles est une preuve de respect pour moi, et pour tous ceux qui entendent mal.