Perte d’audition : la question de l’identité

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Je me suis posée beaucoup de questions sur ce sujet, ces derniers temps.

Qui suis-je, moi qui perds l’audition ? Mon handicap me définit-il, au moins en partie ?

A partir de quel moment la perte d’audition devient-elle une partie de moi, indissociable de ce que je suis ?

La réponse à ces questions est bien sûr très personnelle, et ne sera pas la même d’une personne à l’autre.

Le fait est que, quand je rencontre quelqu’un, et si je veux que la communication se passe bien, il m’est nécessaire de parler de mon handicap, de l’annoncer, de l’expliquer. Et je deviens, aux yeux de l’autre, Armelle la malentendante, ou celle qui entend mal. C’est surtout le cas pour ceux que je connais peu ou que je viens de rencontrer. Comme si ce handicap devenait ma caractéristique principale, avant ma façon d’appréhender le monde ou ma tendance à m’intéresser à des milliers de choses à la fois.

D’un autre côté, il m’arrive fréquemment d’oublier que j’entends mal. Des fois j’en oublie même de mettre mes appareils. Comme si je n’avais pas vraiment intégré cet inconvénient que sont mes oreilles défaillantes, comme si cela me caractérisait si peu que je pouvais parfaitement ne pas en tenir compte.

Et pourtant…

 

Je trouve cette question épineuse. Qui étais-je quand j’entendais bien ? Et qui suis-je devenue maintenant que j’entends beaucoup moins bien ?

Mon identité a-t-elle changé ?

Toutes mes réponses à ces questions me semblent doubles et paradoxales.

Oui, j’ai changé. Mes réactions ne sont plus les mêmes, ma façon de percevoir le monde n’est plus la même, mes conversations sont différentes aussi. Je n’entre plus dans les discussions sur la pluie et le beau temps, ni dans le badinage sans intérêt. Je suis vite perdue dans une conversation amusante et superficielle qui fuse dans un groupe, et je préfère me concentrer sur une conversation plus profonde et significative, avec un seul interlocuteur de préférence.

 

C’est peut-être moins léger que je ne l’ai été à l’époque où la communication était facile.

C’est peut-être plus intense pour les autres, qui suivent ou ne suivent pas.

Mais en fait, ça correspond assez à qui j’ai toujours été. Il y a juste une phase d’approche en moins, et c’est plus immédiat.

Car en même temps, je suis restée la même.

Bien sûr, j’ai grandi, j’ai vieilli, mûri, et changé d’avis sur plein de choses.

Mais au fond, je suis toujours une personne qui s’intéresse aux autres, et qui n’a pas envie de rester à la surface des choses.

La perte d’audition m’a fait évoluer plus vite, m’a rendue plus directe peut-être.

Pour autant, le handicap fait-il de moi une personne plus courageuse parce que je fais, ou continue à faire, certaines choses ?

Parce que je continue à faire de la musique, coûte que coûte et malgré tout ? Parce que je continue à me mettre dans des situations où je rencontre de nouvelles personnes ? Où je parle des langues étrangères ? Où je me mets en difficulté ?

Certes, cela me demande plus d’efforts qu’à une personne qui entend bien. Mais pour moi, c’est une question de survie.

Parce que si je ne fais plus toutes ces choses, et que je reste enfermée chez moi sans faire autre chose que de regarder la télévision avec les sous-titres, je me sens couler. Et je n’aime pas cette sensation.

Alors naturellement, et même si je n’y arrive pas constamment, je fais ce dont j’ai besoin pour me sentir bien. Et je ne me sens pas particulièrement audacieuse pour autant.

En fait, il est difficile de répondre à cette question de l’identité pour la bonne raison qu’on oublie. J’ai oublié, déjà, qui j’étais avant d’entendre mal.

Peut-être que, si j’entendais bien, je parlerais moins fort, j’écouterais les autres à longueur de journée, j’irais au cinéma toutes les semaines et je serais au courant des dernières révélations musicales.

Mais cela fait maintenant 10 ans que je vis avec ce handicap. Il fait partie de moi. J’aimerais bien pouvoir dire qu’il ne dicte pas qui je suis. Et dans une certaine mesure, c’est le cas.

Mais il m’influence, il détermine certaines de mes décisions et de mes réactions, et aussi ma façon de voir les choses et de me projeter dans le futur.

Au bout du compte, il est indissociable de ce que je suis.

Bien sûr, le fait de devenir malentendante ne m’a pas complètement transformée en quelqu’un que je n’aurais jamais pu être autrement, mais cela m’a modelée, a accentué certains traits que j’avais, et en a estompé d’autres.

Et c’est maintenant une des facettes de mon identité, qui ne se résume bien sûr pas à ça !

 

Et vous, comment percevez-vous votre identité en tant que malentendant ou sourd ? Avez-vous l’impression que le handicap définit l’identité de ceux que vous côtoyez ? Ou pas du tout ?

N’hésitez pas à participer à la discussion !

Le malentendu suprême

ira7 by xvire1969 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/

 

J’ai récemment appris qu’une personne de mon entourage avait du mal à savoir comment être avec moi, parce qu’elle me trouvait froide et distante.

Ca m’a fait un choc.

Si je pouvais me définir, ce ne serait jamais comme étant quelqu’un de froid. Et encore moins de distant.

En fait, j’aime beaucoup les gens.

J’aime les découvrir, et me faire surprendre par les facettes de leur personnalité.

J’aime participer à des conversations, et avoir le sentiment que j’appartiens à un groupe. J’aime me sentir entourée.

Comme tout un chacun sûrement ?

J’aime aussi parler de tout et de rien avec un groupe d’amis, juste pour la joie d’être ensemble et de rire ensemble.

Mais c’est épuisant. Une simple conversation entre amis, où chacun pimente la conversation de son humour, où on s’interrompt et où on rit, ça n’a l’air de rien. Mais moi, je suis perdue dès la première blague que je n’ai pas saisie.

Très vite, je ne sais plus qui parle, et encore moins de quoi on parle.

Et allez-y, dans une conversation comme ça, essayez d’interrompre la discussion pour demander de répéter ce qui vient d’être dit… Sachant qu’il faudra répéter chaque blague et chaque intervention pour que je puisse suivre, ce qui tue la légèreté de l’échange aussi efficacement qu’un bon seau d’eau glacée.

Alors je ne le fais pas.

Je pars dans mes pensées, je sirote mon café, je me dis que ce n’est pas si grave, que rien d’important n’a été dit.

Mais en fait c’est faux.

Parce que ces petites conversations sans importance, parsemées de rires et de bons mots, sont le ciment des amitiés. C’est ce qui fait qu’on a envie d’être ensemble, de se retrouver sur une terrasse de café, de partager des soirées et de faire des pique-niques.

Et là encore, je n’ai pas trouvé de solution.

Faut-il, comme certains me l’ont conseillé, simplement laisser tomber et me consoler en me disant que si les autres ne font pas l’effort de passer par dessus leur impression, c’est qu’ils n’en valent pas la peine ?

Pas si sûr.

Dois-je pour autant passer mon temps à tenter de leur montrer, d’une façon ou d’une autre, que je ne suis pas celle qu’ils pensent ?

Non plus, parce qu’il y aura toujours des moments où une personne me dira bonjour dans la rue, et je ne la verrai pas. Or si je ne la vois pas, je ne l’entendrai pas non plus, et je ne répondrai pas à son salut. Et en réalité, je n’ai aucun pouvoir sur ce qu’elle pensera alors de moi.

J’en arrive à penser que tout le monde en est là. Pour moi, c’est un peu plus visible parce que mon handicap auditif forme un obstacle concret dans la communication.

Mais il peut y avoir une myriade d’autres obstacles moins permanents : la timidité, la mauvaise humeur d’un jour, la fatigue, les préoccupations, etc.

Au bout du compte, le mieux que je puisse faire, c’est d’expliquer aux autres ce que je vis.

Malgré cela, il y aura sûrement toujours des gens qui me trouveront indifférente ou qui interprèteront certains de mes comportements comme un complexe de supériorité. Je ne pourrai pas expliquer à TOUS CEUX que je croise que ce n’est pas le cas, que c’est juste que j’entends mal.

Par contre, je peux rester vigilante quant à mes propres impressions, et faire attention de ne pas interpréter constamment les réactions des autres comme un jugement contre moi.

Et faire confiance que mes amis feront toujours l’effort de passer par-dessus cet obstacle.

 

 

 

Comment survivre à une réunion professionnelle

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Autant vous prévenir dès le départ, il s’agit là d’un sujet pour lequel je n’ai pas trouvé de réponses vraiment satisfaisantes. Pas encore.

J’aurais envie de vous dire : Les réunions professionnelles, eh bien si vous le pouvez, évitez-les !

Il s’agit en effet d’un des contextes les plus difficiles que j’ai rencontrés, parce que la conversation de groupe s’y complique d’enjeux professionnels.

Bien sûr, ce n’est pas toujours possible d’éviter ces situations, qu’il s’agisse de réunions d’équipe, de colloques, de formations, de rencontres professionnelles plus ou moins formelles ou de rendez-vous avec des clients.

D’abord, parce que notre avenir professionnel peut en dépendre largement. Cela n’est jamais bien vu, au travail, de ne « pas avoir l’esprit d’équipe », ou d’être « quelqu’un de froid et distant » qui « reste dans son coin ». Or, notre handicap auditif peut nous isoler des autres qui nous percevront alors de cette façon. Notre bilan annuel peut même en pâtir, et avec cela nos perspectives de carrière.

Ensuite, parce que des gens comptent sur nous et notre participation. La plupart des entreprises fonctionnent avec des réunions, car c’est la meilleure façon de partager des idées, de trouver des solutions ou de faire le point sur des projets. Quand on entend bien, du moins.

Parce que quand on entend pas bien, les réunions se transforment vite en cauchemar.

Pourquoi ?

Eh bien, parce qu’il s’agit d’un groupe de personnes dans une salle souvent trop grande, au plafond trop haut ou à l’acoustique déficiente. Certaines personnes sont timides et parlent en murmurant presque, ou en mettant la main devant la bouche, ou sans articuler. D’autres s’interrompent, augmentant ainsi la difficulté qu’un malentendant peut avoir à suivre la conversation. La salle résonne souvent, amplifiant ainsi tous les bruits annexes. Et il y aura toujours des collègues qui seront trop loin de la personne qui entend mal, ou qui seront en contre-jour, et il sera impossible de lire sur leurs lèvres.

Au bout du compte, la réunion demandera un effort de concentration incroyablement épuisant au malentendant, pour des résultats de compréhension bien inférieurs à ce qui serait nécessaire pour vraiment participer.

Alors comment faire ?

Voici les stratégies que j’ai pu tester. Elles sont toutes imparfaites, bien sûr, mais permettent de quitter la réunion en étant moins déprimé que si on ne les applique pas du tout.

  • En parler à la personne qui anime la réunion

Si l’on participe à une formation ou à un colloque, par exemple, il est très utile de parler au formateur ou au conférencier de son handicap. Cela permet de se mettre devant, le plus près possible de la personne qui parlera la plupart du temps.

En attirant l’attention du formateur ou conférencier sur notre difficulté à entendre, on lui donne en outre l’occasion de faire attention à nous, de mieux contrôler la façon dont il parle et de s’assurer régulièrement de notre compréhension.

  • En parler aux collègues

Lors d’une réunion participative, cela peut être bien de dire ou rappeler aux collègues que l’on entend mal. Il vaut mieux aussi leur demander de parler assez fort et clairement, pour qu’ils puissent faire un effort conscient.

Malheureusement, les efforts ne sont souvent pas soutenus plus de quelques minutes. Les gens oublient.

Alors, faut-il interrompre constamment la réunion pour dire que l’on n’arrive pas à suivre ? C’est une prise de position difficile…

  • Influencer le choix de la salle

Si c’est possible, demandez aux organisateurs de la réunion de choisir la meilleure salle possible au niveau acoustique.

Une salle plus petite, avec des plafonds plus bas, une salle qui ne résonne pas trop grâce à des panneaux acoustiques par exemple, permettra une meilleure transmission du son, et donc une meilleure compréhension pour un malentendant.

De même, un groupe assis autour d’une table ronde pas trop grande sera plus facile à comprendre que des personnes éparpillées autour de tables disposées en U ou en carré.

  • Choisir sa place

Il y a plusieurs stratégies pour choisir sa place : on peut s’installer au milieu, de façon à voir tout le monde, ou à côté/en face de la personne qui va parler le plus, à côté de la personne qui parle le moins fort, de façon à avoir le maximum de personnes du côté où on entend le moins bien, etc.

A vous de tester et de voir ce qui vous convient le mieux, sachant que le choix de la place peut aider, mais les résultats ne seront pas magiques pour autant.

  • Utiliser la télécommande des appareils

Si vous avez une télécommande avec vos appareils, c’est le moment de l’utiliser. Les réunions professionnelles sont une des rares occasions où j’utilise la mienne.

C’est vraiment là que j’apprécie la possibilité de régler le volume suivant la personne qui parle, et de diminuer les aigus lorsqu’il y a des bruits qui claquent (stylos posés sur la table, bruits de chaises, etc.), ou de les augmenter pour améliorer la compréhension.

  • S’appuyer sur les supports visuels

S’il y a une présentation projetée, un ordre du jour imprimé ou autre support visuel, cela permet au malentendant de suivre grosso modo les conversations.

Si les réunions auxquelles vous assistez ne s’appuient sur aucun élément visuel, demandez-en, car cela vous aidera énormément à vous raccrocher à ce qui est dit.

  • Le Saint Graal : le compte rendu écrit

En dernier recours, demandez qu’une personne prenne des notes, et fasse un compte rendu écrit de la réunion. C’est là que vous pourrez vraiment comprendre les grandes lignes de ce qui a été dit. Un compte rendu vous permettra aussi de faire vos retours par courriel si nécessaire.

Tous ces éléments peuvent aider à la compréhension lors d’une réunion professionnelle. Mais cela ne permettra pas une compréhension parfaite de la réunion.

Certaines aides technologiques, comme des micros déportés, ou des salles équipées de micros, peuvent aider à une meilleure compréhension, mais je ne les ai pas encore testées.

Le mieux reste encore, d’après mon expérience, d’accepter qu’on ne comprendra pas tout, et d’en parler avec les personnes responsables pour limiter les conséquences que cela peut avoir sur notre carrière. Puis de privilégier les rencontres en petits groupes ou en face à face.

Je continue à aller à des réunions professionnelles, même si je sais que je ne comprendrai pas tout. Il arrive que je ne parvienne à suivre aucune des discussions du groupe, ou presque. Mais je m’arrange toujours pour pouvoir parler à quelques personnes en tête à tête, avant ou après la rencontre, de telle sorte que ces réunions ne soient jamais une perte de temps, et toujours l’occasion de faire du réseau, et de rester en contact avec les autres dans mon domaine. Voire de prendre des rendez-vous pour des rencontres en plus petits groupes, afin de discuter de thèmes précis.

Et vous, comment gérez-vous les réunions professionnelles auxquelles vous participez ? Avez-vous trouvé d’autres moyens d’en tirer le maximum ?

Et si vous travaillez avec des malentendants, comment les incluez-vous dans vos réunions ?

Vivre avec un malentendant, ou l’apprentissage de la patience – 2ème partie

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Être conjoint de malentendant, c’est adopter un rôle complexe et pas toujours facile. En plus des frustrations liées aux éléments que j’ai évoqués la semaine dernière, comme les efforts à faire constamment pour se faire comprendre, ou les disputes qui découlent directement ou indirectement du handicap, le conjoint doit accepter une réalité lourde de sens :

Le conjoint, pour peu qu’il n’ait pas lui aussi des soucis d’audition, entend mieux que le malentendant.

C’est une lapalissade, certes.

Mais la conséquence de cet état de fait, c’est que naturellement, la personne malentendante va avoir tendance à s’appuyer sur son conjoint dans différentes situations.

Et cela peut poser problème.

  • Le conjoint-intermédiaire

Ainsi, dans les situations sociales, le conjoint va parfois devenir le traducteur ou l’intermédiaire de la personne malentendante.

En effet, c’est plus facile demander à son conjoint de répéter ce qui vient d’être dit par une tierce personne que l’on connaît peu, que de le demander directement à la tierce personne en question. Peut-être parce que faire répéter, c’est déjà un aveu de notre handicap, et qu’il faut ensuite donner des explications, et se justifier d’une partie de soi que l’on aimerait ne pas avoir à dévoiler. Pas tout de suite, en tout cas.

Et quelquefois, c’est plus rassurant de se cacher derrière son conjoint que d’assumer cette perte d’audition qui pourrait être jugée comme étant une tare ou un problème par quelqu’un que l’on ne connaît pas, ou pas beaucoup, et qui nous intimide peut-être.

De même lors de rendez-vous chez le docteur. Ou pour les appels téléphoniques que l’on reçoit. Et si l’on n’y prend pas garde, le conjoint finit par être celui qui fait le lien entre la personne malentendante et la tierce personne ou le monde extérieur.

Le problème, c’est que plus on s’appuie sur notre conjoint pour avoir accès au monde extérieur, et moins on arrive à communiquer de façon autonome. Au bout du compte, la tentation est grande d’arrêter de voir des gens, de prendre des rendez-vous, ou de faire des activités, si notre conjoint n’est pas disponible.

Et en perdant notre autonomie, on perd aussi notre force, notre respect de nous-même, notre goût de l’aventure, et notre envie d’aller vers les autres.

  • Le conjoint défenseur ou protecteur

Notre conjoint peut aussi être notre meilleur défenseur dans les situations difficiles. En particulier si quelqu’un nous juge, nous dénigre, sous-estime notre handicap ou qu’on se moque de nous de façon ou d’une autre. Son sang ne fait qu’un tour à la moindre remarque pernicieuse ou à la moindre attitude méprisante à notre égard.

Souvent, dans ces situations, on ne perçoit pas la remarque désobligeante qui nous a été adressée, ou on ne se rend pas compte de l’intention qu’il y a derrière, et on n’y réagit donc pas. Mais quand un conjoint se met à bouillir d’indignation et réagit encore plus qu’on ne l’aurait fait si on avait compris ce qui a été dit, il y a là quelque chose de profondément rassurant. Cela montre que notre conjoint est avant tout de notre côté.

Bien sûr, tous les couples ont leur histoire, et tous les conjoints ne sont pas protecteurs.

  • Ce qui peut déraper – les milieux toxiques

Dans certains couples, certaines familles ou entourages, le handicap auditif d’une personne est vu avant tout comme une source de frustration. Le malentendant peut ne pas être pris en compte comme une personne à part entière par son entourage, et on va se permettre, par exemple, de parler de lui (de façon négative) pendant qu’il est là, sachant qu’il ne comprendra pas ce qui est dit.

Le malentendant peut aussi être infantilisé. Un mari qui considère que sa femme malentendante est incapable d’aller à la banque toute seule, par exemple. Si le mari a honte de la perte d’audition de sa femme, ne la prend pas au sérieux ou ne l’assume pas, il peut la faire passer pour plus stupide qu’elle n’est, au lieu de simplement parler de cette perte d’audition (ou de la laisser en parler).

La lassitude de devoir toujours répéter les choses peut aussi pousser la personne qui entend bien à parler sèchement, à montrer son énervement de diverses façons, et même à devenir condescendante ou méprisante avec son conjoint malentendant.

Tous ces comportements rendent l’environnement du malentendant toxique. Ce n’est pas facile d’assumer une perte d’audition, et de vivre avec au quotidien. Mais quand on est constamment infantilisé, méprisé ou l’objet de la colère et de l’énervement de son entourage, c’est encore plus difficile de le vivre bien.

Le malentendant peut lui aussi se sentir frustré de ne pas entendre comme il faut, et devenir aigri, abrupt et agressif dans ses interactions avec son entourage.

Chacun est différent dans son appréhension du handicap, qu’il en soit lui-même affecté ou non.

Le fait que la communication entre deux conjoints ou deux membres d’un foyer ne coule pas de source ajoute un obstacle à la relation. Cet obstacle peut être géré de différentes façons.

Plus on parvient à prendre les difficultés avec humour et légèreté, et plus c’est facile. Mais ce n’est pas toujours possible. Certains jours sont plus compliqués que d’autres et je me suis rendu compte que c’est important d’accepter les émotions douloureuses qui accompagnent les moments difficiles.

Et un conjoint qui apporte son soutien et son amour pendant ces moments éprouvants, c’est peut-être une des choses les plus apaisantes qui soit.

Vivre avec un malentendant, ou l’apprentissage de la patience – 1ère partie

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Ce n’est pas toujours facile d’être malentendant.

Ca peut être lourd, fatigant, déprimant.

Mais ce n’est pas évident non plus d’être dans l’entourage immédiat d’un malentendant. Le conjoint, en particulier, doit aussi affronter et gérer ce handicap.

C’est aussi le cas des enfants, parents, colocataires ou autres personnes qui vivent au quotidien avec la personne malentendante. Je parlerai avant tout du rôle du conjoint dans cette petite série de deux articles, mais ce que j’évoque peut être transposé sans difficulté à toute personne très proche du malentendant.

Il y a plusieurs raisons à ces difficultés :

  • Les efforts constants à faire pour se faire comprendre

Parler comme il faut, attirer l’attention avant de parler, ne pas cacher sa bouche, se mettre bien en face, et en général être conscient à tout moment que l’autre entend mal.

Il faut y penser à chaque fois que l’on essaie de communiquer, que l’on soit seuls ou en groupe, à la maison ou dehors.

Mais des fois, on oublie. On parle en tournant le dos, en faisant la vaisselle ou depuis une autre pièce. Et il faut répéter. Et répéter encore.

Et puis, des fois, la personne malentendante oublie aussi qu’elle entend mal, et pose une question à l’autre qui est à l’autre bout de la maison, sans se rendre compte (jusqu’à ce que ce soit trop tard) qu’elle ne pourra pas entendre sa réponse. Et ça donne quelque chose comme :

– Dis, t’as mis où le papier du loyer ?
– Sur la table du salon (l’autre personne répond depuis là où elle est)
– Ah je t’entends pas…

Ben oui, forcément !

Et il y a les jours où on est tellement fatigué ou préoccupé que c’est trop difficile de parler fort et clairement, de faire attention, de penser à tout. Et il faut répéter chaque phrase, au moment où on a le moins d’énergie pour le faire. Alors on s’énerve. On sait très bien que ce n’est pas de la faute de la personne si elle entend mal. Mais chaque effort demande tellement d’énergie que la frustration fait surface malgré tout.

Et comme par hasard, ce sont souvent à ces moments-là que l’autre, fatigué lui aussi, entend encore moins bien, et fait répéter encore plus.

  • Les disputes inutiles

J’ai remarqué qu’une partie non-négligeable des disputes qui peuvent se produire dans mon foyer ont un point d’origine commun : j’ai mal compris quelque chose.

Il suffit que je loupe un mot, ou le sens d’une phrase, et je vais répondre d’une certaine façon. Ma réponse ne correspond pas aux attentes de l’autre et, pour peu que j’aie parlé avec conviction et que ma réponse soit vraisemblable, l’autre peut mal le prendre, et là, ça dégénère.

De même si ce que j’ai (mal) compris m’énerve directement.

Genre :

– Ah quand même, t’exagères, de dire ça ! C’est pas vrai !
– Mais,… comment ça ?
– Euh, mais alors, qu’est-ce que t’as dit, en fait ?

Et ça, c’est si par chance ma réaction est vraiment incompréhensible pour l’autre par rapport à ce qui avait été dit à la base.

Parce qu’il arrive qu’on parte dans une dispute, pour se rendre compte une demi heure plus tard qu’elle n’avait absolument pas lieu d’être parce qu’on était tout à fait d’accord, en fait.

C’est épuisant.

Pour l’autre, et pour moi.

J’ai aussi vu des couples où la dispute éclate parce que la personne malentendante a manqué une information primordiale à un moment donné.

– Pourquoi tu ne m’as pas dit que les Untel venaient manger demain ?
– Mais je te l’ai dit ! Hier midi, après leur coup de fil !
– Mais non, tu me l’as pas dit ! Ou alors j’avais pas compris ça, moi !

C’est la faute à qui ? Au malentendant, de ne pas avoir dit qu’il n’avait pas compris ce qui avait été dit ? Il y a de fortes chances qu’il ne s’en soit même pas rendu compte.

Au conjoint entendant, de ne pas s’être assuré que la personne malentendante avait tout bien compris de son message ? Pas si évident.

Bien sûr, et heureusement, on peut mettre des choses en place pour éviter, ou diminuer la fréquence de ces moments difficiles. Mettre les rendez-vous importants par écrit, noter les choses, vérifier la compréhension de l’autre, etc. Mais cela ne résout pas toujours tout, et on n’atteint pas un degré de zénitude extrême du jour au lendemain.

La semaine prochaine je parlerai de plusieurs autres rôles que le conjoint peut être amené à jouer, avec ce qui peut déraper, et comment garder son indépendance autant que possible.

L’outil ultime du malentendant : le smartphone

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Quand on réfléchit aux outils qui peuvent aider un malentendant, on ne pense pas toujours aux objets courants, que tout le monde possède et utilise, ou presque. Et pourtant, le smartphone, ou téléphone intelligent, est un des outils que j’utilise au quotidien, et qui m’aide dans bien des situations en lien avec ma perte auditive.

De nombreuses raisons en font un compagnon de choix, qui ne me quitte jamais.

  • La « coolitude » de l’objet

Le smartphone est un des objets technologiques les plus répandus à l’heure actuelle. La plupart des personnes qui ont une vie sociale et professionnelle active en ont un.

Pouvoir l’utiliser pour faciliter la compréhension quand on est malentendant, c’est un des éléments qui nous projette de l’état de « personne handicapée avec prothèses auditives » à celui de « personne à la pointe du progrès technologique ».

Le côté jeune, actif, dans le vent, nous aide à nous intégrer dans un monde largement basé sur la technologie.

  • La magie de la communication écrite

La possibilité de recevoir un texto ou un email à la place d’un appel téléphonique rend la communication bien plus facile. Finis ces moments de sueur froide où je répond au téléphone et ne parviens pas à identifier la personne, ou l’organisme, qui m’appelle.

« Pourriez-vous m’envoyer un email s’il vous plaît ? J’entends très mal au téléphone. »

Et la plupart du temps, la communication arrive ainsi par écrit, le smartphone m’y donne un accès immédiat, et la compréhension du message est assurée sans effort de ma part.

Et ça, il faut bien le dire, c’est très reposant.

  • La qualité du son numérique

Les smartphones actuels de bonne qualité possèdent des composantes électroniques qui assurent un excellent son numérique.

Cela me permet de recevoir ou de passer un appel, alors qu’avec un téléphone fixe, cela n’est plus possible. Après, même avec le smartphone, il faut certaines conditions pour que je puisse comprendre une personne au téléphone, et il s’agit presque toujours de conversations courtes, avec un objectif pratique.

La période où je passais des heures au téléphone avec famille et amis, à parler de tout et de rien, est maintenant bel et bien révolue. Mais heureusement, il reste toujours d’autres moyens de communication (Dieu merci, Skype existe !).

  • L’accès à la musique (avec un bon casque)

Grâce au son numérique, j’arrive même à écouter un peu de musique ! Il me faut un bon casque, bien sûr, mais une fois le casque adéquat trouvé, le son du smartphone est assez clair pour m’aider à saisir une partie de la richesse sonore de certaines musiques.

Bien mieux que le son de ma chaîne hifi, ou le son des haut-parleurs de la voiture ou de l’ordinateur, en tout cas.

  • Et bientôt : La possibilité d’avoir des appels transcrits par écrit

Les smartphones deviennent de plus en plus pertinents pour les personnes malentendantes, grâce à la myriade d’applications que l’on peut installer dessus.

La preuve : Un entrepreneur sourd est en train de développer une application qui pourra transcrire « instantanément sur votre smartphone les propos de votre interlocuteur pendant qu’il parle. »

La technologie de transcription de la voix a beaucoup progressé ces dernières années, et une application de ce genre permettra à de nombreux malentendants de pouvoir recommencer à téléphoner sans crainte.

Je l’attends moi-même avec beaucoup d’impatience !

  • Et déjà : une télécommande pour les appareils auditifs

Depuis peu, certains appareils auditifs sont compatibles avec un smartphone. Un utilisateur a d’ailleurs détaillé les fonctionnalités de ses aides auditives qui sont couplées avec son iphone.

Bien sûr, cela ne concerne pas toutes les prothèses auditives, ni même tous les smartphones pour l’instant. Apple a été le premier à rendre son iphone compatible. Mais des applications sont en cours de développement pour les autres plateformes mobiles, et l’année 2015 devrait apporter de grandes avancées à ce sujet.

Mais pourquoi faire, me demanderez-vous peut-être ? Pourquoi coupler des aides auditives avec un smartphone ? N’est-ce pas un gadget inutile ?

Eh bien, j’ai toujours eu une télécommande avec mes appareils, depuis mon premier appareillage en 2009. Cette télécommande peut être utilisée pour augmenter ou diminuer le volume, pour augmenter ou diminuer les aigus, ou pour changer de programme.

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Voici à quoi ressemble ma télécommande actuelle.

La télécommande améliore-t-elle le confort auditif ? Sans aucun doute. Mais je ne m’en sers quasiment jamais.

Pourquoi ? Je n’y pense pas. Les appareils sont dans mes oreilles et je les y oublie volontiers. Du coup, la plupart du temps, je n’ai pas le réflexe télécommande, parce que je ne pense ni à mes appareils, ni à ma perte d’audition.

Et puis, c’est voyant, de sortir une télécommande étrange de son sac pour subitement pianoter dessus. Ma télécommande actuelle émet des lumières bleues et rouges à chaque fois que je modifie un réglage, autant dire que ce n’est pas très discret.

Pianoter sur un smartphone, par contre, tout le monde le fait constamment.

Or, les appareils auditifs compatibles proposent une application à télécharger sur le téléphone, qui remplace la télécommande peu pratique des fabricants d’aides auditives. Depuis l’interface de l’application, on peut changer le volume, les aigus, les programmes, et bien d’autres fonctions encore.

  • Et même : un micro déporté à moindre coût !

Ca, c’est la cerise sur le gâteau ! Le smartphone peut devenir un micro déporté, lorsqu’il est couplé avec les appareils auditifs.

Concrètement, cela signifie que le micro du smartphone peut être utilisé pour saisir les paroles d’une personne ou d’un groupe de personne, et le son est retransmis directement dans les appareils auditifs.

En gros, au lieu de se pencher vers ses interlocuteurs, on leur passe le téléphone, et voilà ! Cela permet une amélioration non négligeable de la qualité d’écoute.

Je m’étais renseignée, il y a quelques années, sur les coûts associés aux systèmes de micros déportés, compatibles avec les aides auditives. Ils se chiffraient en milliers d’euros.

Et là, avec un smartphone à 500 euros, on a une technologie similaire qui, même si elle n’atteint peut-être pas le niveau de qualité des micros spécialisés, est accessible à bien plus de malentendants, et peut contribuer grandement à un meilleur confort d’écoute.

Une chose est sûre, mes prochains appareils auditifs seront connectés !

Les jours se suivent et ne se ressemblent pas

Il s’agit là d’un aspect de ma perte d’audition qui étonne, surprend, déconcerte et peut même énerver plusieurs personnes, y compris moi-même : je n’entends pas tous les jours pareil.

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La plupart du temps, j’entends « normalement« . Ce « normalement » signifie, pour moi, qu’il vaut mieux qu’il n’y ait pas trop de bruit de fond, que la personne (une personne à la fois, bien sûr) me parle bien en face, avec le visage éclairé et en articulant bien. Si la personne me tourne le dos, si l’eau coule ou l’aspirateur fonctionne, si je suis dans un café bruyant, alors je ne comprends généralement pas le sens de ce qui m’est dit et je fais répéter.

Et puis il y a des jours où je me réveille, et j’entends bien. Enfin, presque bien. Mieux que d’habitude en tout cas. J’entends le début de la musique du réveil, par exemple. Et les premières paroles marmonnées sur l’oreiller avant même d’avoir ouvert les yeux, je les comprends aussi. J’en oublie même de mettre mes appareils quelquefois, et malgré cela je parviens à comprendre des phrases chuchotées, mal prononcées, ou des paroles dites sans me regarder, et ce du premier coup ! C’est comme un petit miracle, à chaque fois. Parfois, j’ai l’impression que si j’allais chez l’ORL pour faire un audiogramme ce jour-là, j’en ressortirais avec une audition quasi-normale. Enfin, n’exagérons rien… Mais en tout cas, la différence par rapport aux jours normaux est assez importante pour étonner mes proches (et moi-même) à chaque fois.

Et puis il y a ces autres jours. Les jours où je n’entends plus rien. C’est l’impression que j’en ai en tout cas. Je mets plusieurs minutes à entendre le réveil, et ensuite tout est du même acabit. Je dois faire répéter chaque phrase 3 ou 4 fois, et j’ai l’impression de me promener dans un brouillard auditif constant qui m’empêche de me concentrer, d’entendre, de comprendre les sons que j’entends, et même de réfléchir. C’est comme si j’évoluais dans un magma sonore qui n’a aucun sens. Il me faut déployer des efforts immenses pour tenter de démêler les sons les uns des autres, et de comprendre ce qui m’est dit. C’est épuisant ! Et par conséquent, j’ai davantage tendance à lâcher prise et à ne plus faire attention aux sons, ce qui crée des situations délicates avec mes proches qui, eux, tentent toujours de communiquer avec moi.

Ces différents types de journées peuvent se succéder rapidement, avec un jour où j’entends bien, suivi immédiatement d’un jour où je ne comprends plus rien. Mais alors, pourquoi ? Je n’ai pas trouvé toutes les réponses à cette question. Mais j’ai observé certains éléments récurrents qui peuvent former une ébauche d’explication, à savoir que ma capacité à entendre varie énormément suivant l’état dans lequel je suis, et ce de plusieurs manières :

  • Mon état physique

Si je suis en parfaite forme physique, j’entends mieux. Sans aucun doute. Je m’en suis rendu compte maintes fois. Si je me suis couchée trop tard, si j’ai un peu bu ou même si j’ai trop mangé (ou mangé trop sucré et trop gras) la veille, mon corps est plus lent, prend plus de temps à bouger, et mon niveau de concentration tombe dans les chaussettes. Et si je n’arrive pas à me concentrer, je n’arrive pas à comprendre ce que j’entends. Mon corps est donc un élément essentiel pour mon audition. Si je suis malade, d’autant plus si j’ai un rhume ou autre virus qui affecte la sphère ORL, si j’ai mal quelque part, si j’ai faim ou si je suis fatiguée, j’entendrai forcément moins bien. Et c’est rassurant ! Parce que cela signifie que si je prends bien soin de moi, je peux directement influencer ma capacité à entendre. Et c’est vrai que les jours où j’ai bien dormi, où je vais courir le matin, et où je mange aussi sainement que possible, il y a plus de chances que j’entende mieux que les jours où ce n’est pas le cas.

  • Mon état émotionnel

Mais le physique n’est pas tout, et il y a d’autres facteurs qui vont aussi affecter mon audition de façon subjective. Mes émotions, par exemple. Si je suis en colère, ou que j’ai une émotion forte, quelle qu’elle soit, alors je n’écoute plus. De même si je suis stressée. Le stress semble bloquer ma capacité à écouter, et donc à entendre, et si quelqu’un me le fait remarquer, il faut que je fasse un effort considérable pour lâcher prise, oublier mon stress et me concentrer sur ce qui se passe, et sur la conversation qui se déroule. Il s’agit là d’un facteur plus difficile à contrôler, dans la mesure où les émotions se produisent souvent en réponse à des événements ou autres déclencheurs. Ce qui reste positif, c’est que même si je suis aux prises avec une émotion forte, il y a toujours un moment où j’arrive à la gérer et à revenir à mon état normal, et à ma capacité habituelle d’audition et d’écoute.

  • Mon état mental

Même si je me sens plutôt bien physiquement et émotionnellement,  il suffit que j’ai quelque chose en tête qui me prenne beaucoup d’espace mental pour ne plus être capable d’entendre convenablement. Un petit exemple pour illustrer ceci : Tous les mois de novembre, je participe au NaNoWriMo, le mois national d’écriture de roman. Il s’agit d’un challenge personnel qui consiste en l’écriture d’un roman de 175 pages environ, soit 50 000 mots, entre le 1er et le 30 novembre. Il va sans dire que, quand on se plonge dans un tel marathon d’écriture, on a tendance à penser, manger, respirer et transpirer roman. Mon espace mental est donc, tous les mois de novembre, bien occupé par les personnages, les intrigues et les rebondissements de l’histoire que je m’emploie à écrire. Et c’est un peu au détriment de mon audition, certains jours. Il y a bien d’autres occasions, au cours de l’année, où mon mental est occupé par quelque chose de façon tellement exclusive que j’en oublie de faire attention aux sons. Il suffit que je réfléchisse à un nouvel article de blog, que je sois penchée sur une traduction particulièrement difficile, ou que je me fasse du souci à propos de quelque chose, et mon attention va se tourner vers l’intérieur. Mais heureusement, il suffit d’un rappel, comme la petite voix flûtée de l’enfant qui répète la même phrase pour la vingtième fois, et qui va finir par me tirer par la manche, pour que je revienne au présent et que j’accorde à ce qui est dit l’attention nécessaire à ma compréhension.

Ainsi, plusieurs facteurs influencent sans aucun doute la compréhension de ce qui m’est dit. Cette fluctuation quotidienne de mon audition est souvent déroutante, mais je ne peux qu’être reconnaissante d’un aspect très positif de cette situation : sans les jours sans, il n’y aurait pas les jours avec, ces jours où je me sens comme habitée par des super-pouvoirs qui me permettent d’entendre ce que je n’entendais pas la veille. Et ces jours-là, où j’ai l’impression d’être portée par l’Univers, où tout me sourit et où j’en oublie complètement que je n’entends pas bien, ces jours-là valent la peine de tout le reste.

Et vous, avez-vous aussi des jours où vous entendez moins bien que d’autres ? Comment gérez-vous cette fluctuation ? Avez-vous trouvé d’autres raisons qui expliquent votre baisse d’audition certains jours ?

Et si vous êtes proche d’une personne malentendante, avez-vous déjà observé cet état de fait ?

Perte d’audition : le dire ou pas ?

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Vous êtes chez le boulanger. Vous faites la queue derrière une dizaine de personnes pour vos croissants du dimanche, votre baguette ou autres pâtisseries. Vous êtes un peu perdu dans vos pensées, vous réfléchissez à votre liste de course, à ce qu’il vous reste à faire ou à une situation qui s’est produite plus tôt, lorsque tout à coup quelque chose se produit. La boulangère fait tomber un croissant, un enfant se met à crier, ou une altercation se produit dans la rue, et là, la personne qui est juste devant vous dans la file se tourne vers vous, et vous dit quelque chose en souriant. Bien sûr, vous n’en comprenez pas un mot, et vous demandez donc à la charmante dame au manteau rouge de répéter ce qu’elle vient de dire. Malheureusement, vous ne comprenez toujours pas, et la file avance. Vous espérez que la dame n’a fait que commenter la situation sans vraiment attendre de réponse, et vous faites un petit sourire entendu, avant de vous plonger dans l’étude minutieuse des pâtisseries du jour comme si votre vie en dépendait. Et puis, c’est au tour de la dame, et vous lui souriez quand elle repart avec son pain et son gâteau. Elle répond à votre sourire mais vous gardez un arrière-goût désagréable de ce qui vient de se passer. La communication n’est pas passée, vous avez bluffé et vous n’avez pas été honnête.

Alors doit-on être honnête et parler de sa perte d’audition tout le temps, à tout le monde ? Doit-on se promener avec un T-shirt qui dit : « Je suis malentendant, parlez plus fort (et surtout plus clairement, articulez, regardez-moi en face et ne soyez pas à contre-jour, ne mâchez pas de chewing-gum et s’il vous plaît, s’il vous plaît, ne me parlez pas depuis une autre pièce) » ?

Je ne pense pas. Enfin, vous le pouvez, bien sûr. Mais vous pouvez aussi faire autrement. Chaque situation est différente, et chaque personne est différente. Suivant comment vous vous sentez par rapport à votre perte auditive, vous arriverez plus ou moins facilement à en parler. J’ai rencontré des malentendants qui se présentaient comme étant malentendants ou sourds, et n’avaient aucun problème à parler de leur handicap à n’importe qui. D’autres personnes, en revanche, ont plus de mal à accepter la situation, et à donc en parler. Il peut aussi s’agir d’une différence de personnalité, car certaines personnes hésitent à parler d’elles-mêmes et de leurs problèmes alors que pour d’autres, c’est plus facile. Le risque est que les personnes qui osent moins en parler finissent par s’isoler et se renfermer, faisant de moins en moins d’effort pour chercher une communication qui reste difficile.

D’un autre côté, j’ai remarqué que mon humeur et mon état physique et général influent aussi sur ma capacité à parler de ma perte d’audition et à l’assumer. Si je me sens bien, j’ai moins de mal à dire aux gens, même à ceux que je croise dans un magasin – comme la caissière à qui je viens de faire répéter quatre fois le prix que je dois payer, que je suis malentendante. Après, l’information est plus ou moins bien reçue ou comprise. La plupart des gens ne savent pas ce que signifie être malentendant exactement, ni comment ajuster leur façon de parler en conséquence. Mais en général, ils parlent au moins plus fort et plus clairement, ce qui me permet de comprendre la phrase que je n’avais pas comprise, et c’est bien suffisant. Si je suis fatiguée, préoccupée ou déprimée par contre, c’est plus dur. Je bluffe davantage, je fuis les situations où des inconnus me parlent et j’ai tendance à m’isoler dans les conversations de groupe. Et je ne m’en rends généralement pas compte jusqu’à ce que je sois sortie de l’interaction, et que je m’aperçoive du malaise que je ressens. Il s’agit là d’un cercle vicieux, bien sûr, parce que plus j’ai de mal à en parler, moins la communication se passe bien, plus j’ai l’impression de ne rien comprendre lorsque les gens parlent, et plus je me sens mal.

Alors que faire ? Pour moi, plus j’arrive à dire aux autres que j’entends mal, mieux je me sens. Même si je suis dans un magasin, que je ne reverrai jamais la personne à qui je parle, et que la conversation n’est pas si importante. Si j’arrive à le dire sans que ce soit compliqué pour moi ni pour l’autre, c’est le mieux. Mais il y a, et il y aura encore de nombreuses situations où je n’arriverai pas à en parler, soit parce que je ne suis pas en assez bonne forme pour le faire, soit parce que la situation ne s’y prête pas, et pour tous ces cas-là, eh bien… tant pis. J’espère arriver à assumer mon handicap de mieux en mieux, mais je ne pense pas qu’il me soit vraiment nécessaire d’être parfaite ni de le devenir.

Et vous ? Comment gérez-vous ces situations de communication difficiles avec des inconnus ? Parlez-vous de votre handicap, ou pas ? Trouvez-vous cela difficile d’en parler ? Si vous côtoyez une ou des personnes malentendantes, comment se passe la communication autour de ce handicap ?

Et surtout, comment aimeriez-vous que cela se passe ?