Le malentendu suprême

ira7 by xvire1969 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/

 

J’ai récemment appris qu’une personne de mon entourage avait du mal à savoir comment être avec moi, parce qu’elle me trouvait froide et distante.

Ca m’a fait un choc.

Si je pouvais me définir, ce ne serait jamais comme étant quelqu’un de froid. Et encore moins de distant.

En fait, j’aime beaucoup les gens.

J’aime les découvrir, et me faire surprendre par les facettes de leur personnalité.

J’aime participer à des conversations, et avoir le sentiment que j’appartiens à un groupe. J’aime me sentir entourée.

Comme tout un chacun sûrement ?

J’aime aussi parler de tout et de rien avec un groupe d’amis, juste pour la joie d’être ensemble et de rire ensemble.

Mais c’est épuisant. Une simple conversation entre amis, où chacun pimente la conversation de son humour, où on s’interrompt et où on rit, ça n’a l’air de rien. Mais moi, je suis perdue dès la première blague que je n’ai pas saisie.

Très vite, je ne sais plus qui parle, et encore moins de quoi on parle.

Et allez-y, dans une conversation comme ça, essayez d’interrompre la discussion pour demander de répéter ce qui vient d’être dit… Sachant qu’il faudra répéter chaque blague et chaque intervention pour que je puisse suivre, ce qui tue la légèreté de l’échange aussi efficacement qu’un bon seau d’eau glacée.

Alors je ne le fais pas.

Je pars dans mes pensées, je sirote mon café, je me dis que ce n’est pas si grave, que rien d’important n’a été dit.

Mais en fait c’est faux.

Parce que ces petites conversations sans importance, parsemées de rires et de bons mots, sont le ciment des amitiés. C’est ce qui fait qu’on a envie d’être ensemble, de se retrouver sur une terrasse de café, de partager des soirées et de faire des pique-niques.

Et là encore, je n’ai pas trouvé de solution.

Faut-il, comme certains me l’ont conseillé, simplement laisser tomber et me consoler en me disant que si les autres ne font pas l’effort de passer par dessus leur impression, c’est qu’ils n’en valent pas la peine ?

Pas si sûr.

Dois-je pour autant passer mon temps à tenter de leur montrer, d’une façon ou d’une autre, que je ne suis pas celle qu’ils pensent ?

Non plus, parce qu’il y aura toujours des moments où une personne me dira bonjour dans la rue, et je ne la verrai pas. Or si je ne la vois pas, je ne l’entendrai pas non plus, et je ne répondrai pas à son salut. Et en réalité, je n’ai aucun pouvoir sur ce qu’elle pensera alors de moi.

J’en arrive à penser que tout le monde en est là. Pour moi, c’est un peu plus visible parce que mon handicap auditif forme un obstacle concret dans la communication.

Mais il peut y avoir une myriade d’autres obstacles moins permanents : la timidité, la mauvaise humeur d’un jour, la fatigue, les préoccupations, etc.

Au bout du compte, le mieux que je puisse faire, c’est d’expliquer aux autres ce que je vis.

Malgré cela, il y aura sûrement toujours des gens qui me trouveront indifférente ou qui interprèteront certains de mes comportements comme un complexe de supériorité. Je ne pourrai pas expliquer à TOUS CEUX que je croise que ce n’est pas le cas, que c’est juste que j’entends mal.

Par contre, je peux rester vigilante quant à mes propres impressions, et faire attention de ne pas interpréter constamment les réactions des autres comme un jugement contre moi.

Et faire confiance que mes amis feront toujours l’effort de passer par-dessus cet obstacle.

 

 

 

Comment ne pas surmonter les obstacles

2014-03-24 18.13.03

 

Mi-janvier déjà. Si ce n’est pas déjà fait, il est grand temps de faire le bilan de l’année passée, et de réfléchir à ce que nous souhaitons faire, obtenir et vivre en 2015. Le temps humide et gris se prête à l’introspection. Cette période n’est pas toujours facile, et si l’on veut être honnête avec soi-même, il faut parvenir à prendre assez de distance avec les désirs que nous avons intégrés de la société, de la famille ou des médias, et à aller chercher au fond de soi ce que l’on veut vraiment. Cette réflexion nous amène aussi à regarder en face les obstacles et les handicaps que nous affrontons, et à réfléchir à ce que nous en faisons.

J’ai reçu la semaine dernière un email qui parlait justement de surmonter les obstacles, et les handicaps : Rachel Z. Cornell est aveugle au sens de la loi (désolée, son site en lien sous son nom est en anglais). Ce qui ne l’empêche pas de vivre une vie riche et satisfaisante, d’écrire très régulièrement sur son blog et d’aider ses nombreux clients à atteindre leurs objectifs. Dans son article, elle explique qu’elle n’a pas « surmonté » son handicap, mais qu’elle a appris à le négocier. Et ce n’est pas la même chose. Des aides techniques et une canne blanche lui permettent de vivre au quotidien dans un monde basé sur le visuel. Mais le handicap est toujours là et ne sera jamais vraiment « surmonté » ou « dépassé ».

Pour moi, ce sont les appareils auditifs, un casque audio de bonne qualité, et les sous-titres qui me permettent de vivre dans un monde d’entendants. Cela ne « corrige » pas vraiment ma perte auditive, mais ces outils me permettent de suivre à peu près tout ce que je veux suivre. Est-ce que, pour autant, je « surmonte » mon handicap auditif ? Non. En général j’oublie qu’il est là, mais de temps en temps je le reprends en pleine face, et je me sens frustrée, en colère ou déprimée.

Mais tout est une question de perspective. Une perte auditive, aussi sévère et brusque soit-elle, ne sonne pas le glas d’une vie enrichissante et heureuse. Bien sûr, certains aspects du handicap sont vraiment détestables. Le fait de ne plus aller au cinéma si le film n’est pas sous-titré et que le cinéma n’est pas équipé de dispositifs pour les malentendants. Le fait d’éviter les pièces de théâtre par peur de ne pas pouvoir suivre. Le fait de ne pas comprendre comme il faut au téléphone. Le fait de ne pas comprendre quand votre enfant vous parle dans la rue, ou quand votre médecin vous explique quelque chose en vous tournant le dos. Le fait de se sentir isolé lors de discussions de groupes.

Alors je m’adapte, je m’ajuste, et je me rends compte qu’il faut être vraiment créatif, mais que tout est possible quand même. La semaine prochaine, je parlerai d’Evelyn Glennie, dont le parcours et la personnalité m’ont enthousiasmée. Elle n’a pas laissé sa surdité l’empêcher d’être la première personne à devenir percussionniste classique soliste à temps plein, d’être nommée dame commandeur de l’Ordre de l’Empire britannique par la reine Elisabeth II pour ses services rendus à la musique, et d’avoir une carrière que de nombreux musiciens peuvent lui envier.

Alors bien sûr, il y a des ajustements constants à faire. Mais tout reste possible. Tout ce qui est important du moins, et c’est là l’essentiel pour une année, et une vie réussie.

Je vous souhaite à tous une excellente année 2015, avec l’énergie, la joie de vivre et l’enthousiasme nécessaires pour négocier tous les obstacles auxquels vous aurez à faire face.