Un livre d’illustration pour la Saint Valentin

Des mains pour dire je t'aime

J’ai reçu il y a quelque temps un mail d’une illustratrice, Pénélope, qui souhaitait m’inviter au vernissage de l’exposition qui a été organisée à l’occasion de la sortie de son livre, fin janvier. Malheureusement, le délai était un peu court pour me permettre d’aller à Paris, mais son projet a retenu mon attention. Elle m’a gentiment proposé de m’envoyer son livre, et me voici avec ce petit livre pas comme les autres entre les mains.

Des mains pour dire je t’aime

Le projet était de réaliser, avec une équipe de l’institut de jeunes sourds de Paris, un livre illustré sur le thème des mots doux. Comme Pénélope l’explique, ces mots doux n’existent pas en langue des signes alors ils les ont créés, et depuis ils ont été intégrés au vocabulaire de la langue des signes française. L’illustratrice souhaitait créer un livre qui soit destiné aux entendants et aux non-entendants, sans cloisonner les univers mais en les réunissant et en créant un échange. Génial ! Quelle belle idée !

Des mains pour dire je t'aime - petite fleur

L’illustration de « Petite fleur » avec le rabat ouvert

 

Des mains pour dire je t'aime - petite fleur rabat fermé

Illustration de « Petite fleur » avec le rabat fermé

Alors pour la Saint Valentin, il me paraît très juste de partager avec vous ce livre de mots d’amour. J’aime cette idée de créer un lien entre deux communautés qui sont souvent isolées l’une de l’autre. C’est aussi ce que j’essaie de faire : créer des liens entre malentendants et entendants pour que les malentendants puisse sortir de leur isolement.

Bien sûr, la langue des signes ne m’est pas familière, et je ne m’aventure donc pas sur ce terrain-là, sauf pour partager des projets comme celui-ci ! J’aime particulièrement l’idée de partager avec les entendants (et malentendants qui ne signent pas) la richesse et la poésie de la langue des signes.

Je ne peux que recommander à ceux d’entre vous qui sont sur Paris d’aller faire un tour à cette exposition, qui est à l’Institut National de Jeunes Sourds (Paris 5) depuis le 2 février et jusqu’au 18 mars.

Le dimanche 14 février de 11h à 13h, rencontre auteur au Divan jeunesse (Paris 15) – Bon, trop tard pour celle-ci !

A partir du 4 octobre exposition à la Bibliothèque Chaptal (Paris 9), rencontre auteur le jeudi 6 octobre de 19h à 21h.

Le livre sera disponible en librairie le 18 février.

Livre : grandir avec des parents sourds quand on entend…

 

Je suis tombée par hasard sur ce livre, qui m’a été chaudement recommandé. Je m’y suis jetée à corps perdu, et je l’ai lu en quelques jours. Il se lit vite. Très vite même. Les premières lignes donnent bien le ton :

« Mes parents sont sourds.
Sourds-muets.
Moi pas. »

Et de là part une myriade de petits chapitres, longs de quelques paragraphes ou de quelques pages, remplis d’anecdotes savoureuses et d’émotions brutes. la difficulté de grandir avec des parents sourds quand on entend. L’envie de pouvoir partager les mots que l’on apprend, et que l’on aime, avec ses parents, mais l’impossibilité de le faire. La honte d’avoir des parents « différents ».

Le livre est vite lu, mais pas vite oublié. Des passages entiers restent en mémoire, comme celui où la narratrice adolescente rentre de l’école en criant « Salut, bande d’enculés ! » Et sa mère, qui n’a rien entendu, bien sûr, l’embrasse avec tendresse.

Véronique Poulain met en évidence, d’une façon crue et directe, sans tabou, mais non sans tendresse, le fossé qui sépare le monde des entendants de celui des sourds. Et son malaise, en grandissant avec une audition « normale », et se rendant compte que ses parents ne sont pas comme tout le monde, est très bien montré, tout comme la fierté qu’elle éprouve malgré tout à leur égard, et qui lui permet de terminer le livre sur une note très positive.

Cette lecture m’a fait réfléchir. L’écart entre le monde des sourds et celui des entendants est évident. Ce sont deux cultures, avec une langue, et une façon d’être bien distinctes. Mais qu’en est-il du monde des malentendants ? De ceux qui ne parlent pas la langue des signes, mais qui ne parviennent pas non plus à s’insérer parfaitement dans la culture orale sans aide ? Nous ne sommes pas complètement sourds, et surtout nous ne connaissons pas la langue des signes. Du coup, la culture sourde nous est inaccessible. Les efforts qui sont faits pour rendre la culture compréhensible aux sourds, grâce à des pièces de théâtre ou autres événements doublés en langue des signes, ne nous aident en rien. Nous sommes d’ailleurs tout aussi démunis face à un sourd signant qu’un entendant.

Et pourtant, la culture entendante ne nous est pas tout-à-fait accessible non plus. Les films, la musique, les pièces de théâtre, les conversations de groupe sont difficiles, sinon impossibles à suivre. Nous sommes entre les deux. Le fossé entre nous et ceux qui entendent bien est moins important que celui que décrit Véronique Poulain, mais il est bien là : une fissure, qui reste invisible aux yeux des autres, tout comme notre handicap. Le défi est quotidien, tandis que nous tentons tant bien que mal de trouver notre place au sein d’une société dans laquelle le son est primordial.

Nous aussi, nous sommes confrontés à cette honte d’être différent, cette peur d’être à côté, d’être en décalage, d’être ridicule. C’est souvent si tentant de s’isoler, de s’éloigner des gens, de se réfugier dans les livres, ou dans sa vie intérieure. Mais j’ai remarqué une chose : j’ai envie de me sentir vivante, de sentir que j’appartiens à l’espèce humaine, et que je ne suis pas une île, perdue au milieu d’un océan déchaîné. Et pour cela, il faut que je détermine ce qui est important pour moi, et que je parvienne à le faire, coûte que coûte et quoi qu’il en soit. Tout comme Evelyn Glennie, il suffit d’être passionné par quelque chose pour ne plus se laisser abattre. Il y aura toujours des hauts et des bas. Mais tant que les hauts dominent, tout cela en vaut bien la peine…

Et vous, avez-vous déjà trouvé une passion, ou une façon d’être qui vous aide à avancer malgré votre handicap ou d’autres difficultés ? Ou bien, avez-vous accompagné ou aidé quelqu’un dans une situation similaire ? Quelle a été votre expérience ? Quels sont les éléments qui vous font retomber, et ceux qui vous aident à aller mieux ?