Notre audition est précieuse. Je ne m’en suis jamais autant rendu compte que depuis que j’en ai perdu la moitié. Et autant j’ai appris à protéger mon audition, ou ce qu’il en reste, autant je vois tous les jours des dizaines de personnes qui maltraitent la leur.
Imaginons une journée quelconque… Une belle journée d’automne, par exemple. Les arbres ont changé de couleur, et c’est une véritable symphonie de tons orangés, ocre, rouges et jaunes qui nous accompagne dès que nous mettons le nez dehors. Il fait frais, mais pas froid encore et le soleil nous réchauffe à travers notre petit manteau.
Ce jour-là, je sors de mon appartement, situé dans un quartier relativement calme du centre de la petite ville où j’habite. Je descends les escaliers, ouvre la porte de la résidence, et croise mon voisin, écouteurs vissés sur les oreilles. Le rap s’échappe de son casque à un tel volume qu’il ne m’entend pas quand je lui dis bonjour.
Dans la rue, je passe à côté de travaux. Un homme en veste de signalisation orange fluo entame le goudron, les deux mains sur les poignées du marteau piqueur qui le secoue comme un prunier. Il porte un casque anti-bruit jaune. Son collègue par contre, qui creuse à quelques mètres de là, n’en porte pas. Je l’observe avec plus d’attention en passant, et remarque qu’il ne porte aucune protection auditive, pas même des bouchons, et ce malgré le bruit dans lequel il travaille toute la journée. Un autre homme, un peu plus loin, porte son casque anti-bruit autour du cou et non sur ses oreilles, malgré la souffleuse qu’il utilise à pleine puissance pour rassembler les feuilles tombées le long du trottoir. J’éteins mes prothèses auditives d’un geste rapide de la main, et je presse le pas, histoire d’échapper aux décibels qui m’agressent.
J’arrive dans les locaux partagés où j’ai rendez-vous avec un ami. Tous les bureaux sont occupés par des personnes qui ont entre 20 et 40 ans. Chacun est devant son écran d’ordinateur et tous, sans exception, ont un casque sur les oreilles. Avec de la musique, un film, la radio. Du son, en permanence. Du son pour rester concentré, pour s’isoler.
Il s’agit là d’une infime partie des décibels auxquels nous sommes exposés chaque jour. Et j’ai la chance d’habiter dans une petite ville où les nuisances sonores ne sont pas trop importantes. Nous vivons dans un monde où le son est omniprésent, et souvent trop fort. Parce que dès 80 dB, c’est trop fort. Et un baladeur avec le volume à fond, c’est 100 dB.
Y a-t-il des conséquences à malmener son audition de la sorte ? Sans aucun doute. Cela va commencer par une immense fatigue auditive, puis une perte auditive, des acouphènes. Cela dépend des gens et de leur résistance au bruit, de la durée de leur exposition au bruit, et du volume sonore auquel ils sont exposés.
En France, les dernières estimations indiquent qu’environ 9% de la population sont atteints de déficience auditive. Ce chiffre regroupe les personnes qui doivent juste tendre l’oreille pour comprendre parfaitement leur interlocuteur (surdité légère), jusqu’aux personnes qui n’entendent aucun son (surdité totale). S’agit-il vraiment d’un chiffre fiable ? Rien n’est moins sûr, parce que nous n’avons pas de moyen simple et exact pour recenser le nombre de personnes malentendantes et sourdes, et de nombreuses personnes malentendantes ignorent tout de leur perte d’audition. Il est donc fort possible que le pourcentage réel soit bien plus élevé.
Va-t-il y avoir de plus en plus de malentendants ? Eh bien, si on ne change rien à nos habitudes, il y a de grandes chances que cela n’aille pas en s’améliorant. Or, nombreuses sont les pertes auditives peuvent être évitées. Voici quelques idées sur ce que nous pouvons mettre en place pour protéger nos oreilles et nous assurer que nos capacités auditives restent intactes le plus longtemps possible.
Quelques conseils pour protéger son audition :
- Protéger ses oreilles de l’exposition à des volumes sonores élevés
- Bouchons d’oreilles ou casque antibruit lors des expositions aux bruits forts (concerts, night clubs, festivals, soirées, travaux, etc.) et ce dès la plus tendre enfance. Les parents ont déjà la responsabilité de la santé auditive de leurs enfants.
- Bouchons d’oreilles spéciaux pour les musiciens (en particulier lorsque les instruments sont amplifiés)
- Lors d’une écoute au casque, baisser le volume au minimum audible et appréciable.
- Faire des pauses régulières sans bruit. Pas de casque vissé sur les oreilles toute la journée et encore pour s’endormir.
- Reposer ses oreilles après avoir été exposé à un fort volume sonore
- C’est la première chose à faire quand on a des bourdonnements d’oreille suite à un concert ou un traumatisme auditif.
- Le repos devrait être prolongé pendant au moins le double de la durée d’exposition au bruit.
- Dépister les pertes auditives dès que possible
- Passer un audiogramme au moindre doute
- Redoubler de vigilance au niveau de la protection
- Prêter attention aux acouphènes
- Les acouphènes peuvent être un premier signe de fatigue auditive ou de problèmes auditifs.
- Pour une perte auditive soudaine (totale ou non), consulter dès que possible
- Certaines pertes auditives liées à des traumatismes sonores peuvent être réversibles si elles sont traitées avant 7 jours.