Portrait : Evelyn Glennie, une icône ?

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J’ai découvert l’existence de cette musicienne il y a maintenant quelques années, en regardant sa conférence TED sur comment vraiment écouter (vous pouvez mettre les sous-titres en français sur cette vidéo). Evelyn Glennie, c’est avant tout une célèbre percussioniste. Elle est écossaise, c’est la première musicienne à avoir une carrière de percussioniste classique soliste. Elle a même été nommée Dame Commandeur de l’Ordre de l’Empire britannique par la reine Elisabeth II pour ses services rendus à la musique, et elle va avoir 50 ans cette année. Oh, et elle est sourde…

J’ai entendu parler d’elle à un moment où je me débattais avec ma perte auditive. Je venais de perdre encore 20% de mon audition, et avec 50% de perte auditive dans chaque oreille, je me faisais du souci pour l’avenir. J’étais aussi en deuil, et je pensais que je ne pourrais plus jamais faire de musique, que mes heures passées à chanter en m’accompagnant au piano, à écouter de la musique ou à jouer des sonates à la flûte à bec avec ma mère et mes frères, étaient pour toujours révolues. Et puis, j’ai regardé cette vidéo TED. J’ai entendu la musique que cette femme sourde parvenait à faire, sans jamais laisser son handicap l’empêcher d’être musicienne. Quelque chose a changé pour moi à ce moment-là.

J’ai fait quelques recherches sur Evelyn Glennie, et en regardant les divers films, vidéos et essais qu’elle a faits, j’ai compris que sa surdité avait peu d’importance pour elle. Elle n’aime d’ailleurs pas en parler aux journalistes, car cela ne change rien à la musicienne qu’elle est. Cependant, après s’être rendu compte que, si elle ne répondait pas aux questions sur son audition, les journalistes avaient tendance à inventer des choses juste pour pouvoir en parler, elle a écrit un essai à ce sujet. Son Hearing Essay, écrit en 1993, tente de rétablir la réalité de son vécu par rapport à sa surdité. Elle y explique qu’elle n’est pas totalement sourde, mais qu’elle a une surdité profonde. Cela signifie que la qualité du son qu’elle perçoit n’est pas assez bonne pour lui permettre une compréhension de la parole à partir du son seulement. Elle s’appuie donc énormément sur la lecture labiale pour obtenir le sens des paroles prononcées.

Evelyn Glennie commence à perdre l’audition à 8 ans, et devient sourde profonde à 12 ans. C’est aussi à cet âge-là qu’elle commence à prendre des cours de percussions. Elle décide alors de retirer ses appareils auditifs pour apprendre à écouter avec tout le corps plutôt que de se concentrer sur le son perçu (ou pas) par ses oreilles. Son professeur l’encourage, et elle finit par intégrer la prestigieuse Royal Academy Music de Londres, d’où elle sort diplômée à 19 ans.

Evelyn Glennie ne parle pas la langue des signes, et s’exprime parfaitement bien en anglais, avec un charmant accent écossais d’ailleurs. Dans son essai, elle explique aussi qu’elle peut utiliser le téléphone, si c’est surtout elle qui parle, et que son interlocuteur tape avec un stylo sur le micro pour communiquer d’après un code qui lui permet de comprendre quelques mots. Cela m’a donné des idées pour pouvoir continuer à utiliser le téléphone même si ma perte auditive s’accentue.

Au début de sa conférence TED, elle annonce que son objectif, c’est d’apprendre aux gens comment écouter. Quelle mission pour une personne atteinte de surdité profonde ! Après avoir regardé la vidéo de cette conférence, je me suis demandé si toute perte auditive n’était pas une chance, une opportunité pour apprendre à écouter. Un appel à écouter différemment, peut-être, mais aussi un encouragement (pour ne pas dire une obligation) à mettre plus d’attention sur un processus qui est sinon tellement naturel que personne n’y pense vraiment. Et en apprenant à vraiment écouter, on apprend à percevoir d’autres choses aussi, et à communiquer autrement. Et il est ensuite tout naturel de vouloir partager ou enseigner les compétences que l’on a acquises et développées en s’adaptant au handicap.

C’est peut-être pour cela qu’en sortant de la première sensibilisation que j’avais animée, il y a deux ans de cela, je me suis sentie si bien. Je venais de passer deux heures à parler à un groupe de personnes de ce que c’est qu’être malentendant, et de comment communiquer avec quelqu’un qui entend mal, et j’en suis sortie émue de la façon dont mon intervention avait été reçue, et remplie de joie d’avoir eu cette opportunité. J’étais à ma place. C’était comme si soudain, quelque chose justifiait ce handicap que j’avais eu tant de mal à accepter. Si je pouvais partager cette expérience avec d’autres, et en tirer quelque chose de positif et d’universel, alors cela valait le coup !

Evelyn Glennie a été pour moi une héroïne, une icône, un exemple. Peut-être parce qu’elle m’a aidé à découvrir que cette force que j’admirais chez elle, je l’avais aussi au fond de moi, et qu’il suffisait de pas grand chose pour la laisser s’exprimer. La force d’oublier le handicap. De vivre sa vie simplement, en s’adaptant à ce qui est, et en transformant nos faiblesses en atouts uniques. La force de réaliser ses rêves, et de répondre à ceux qui s’interrogent :

« Even so, no one really understands how I do what I do. Please enjoy the music and forget the rest. » (« Malgré cela, personne ne comprend vraiment comment je fais ce que je fais. Appréciez simplement la musique et oubliez le reste. »)

Les fêtes en famille : un cauchemar ?

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La période des fêtes approche à grands pas, et avec elle son lot de cadeaux à acheter, courses à faire, sapin à décorer, musique de Noël à entendre partout, dans les rues, les magasins, à la radio, et ce qu’on le veuille ou non, et films de Noël à la télévision. A moins d’être un ermite au fond d’une grotte sans accès internet, il est impossible d’ignorer la saison festive, ou de ne pas y penser. Et pour certains, c’est un moment privilégié de l’année, où l’on revoit avec bonheur les membres de la famille que l’on ne croise qu’une fois l’an, où l’on échange des cadeaux et prépare des repas de fêtes qui soulignent la convivialité de ces quelques jours passés en famille, et le plaisir de se retrouver.

Mais pour beaucoup, il s’agit là d’une période difficile. Car la famille, ce n’est pas toujours facile. De vieilles rancœurs peuvent refaire surface, des dynamiques familiales complexes et souvent négatives semblent nous étouffer à nouveau, et on se retrouve à devoir gérer des émotions qui nous bouleversent toujours autant que lorsque nous étions enfants. Les excès de nourriture et d’alcool nous laissent dans un état léthargique qui va de pair avec les soucis financiers dus à notre frénésie d’achats du mois de décembre. Et puis, on s’attend à ce que Noël, ce soit parfait. Les images qui nous bombardent dès le mois de novembre, chaque année, racontent toutes une histoire merveilleuse, des repas de famille dominés par le rire et la joie, des moments de partage pleins de tendresse, et de la compagnie appréciée. Alors que se passe-t-il lorsqu’on est seul pour les fêtes ? Ou lorsque la réunion avec la famille ne se passe pas aussi bien que prévu ? On se sent d’autant plus seul, coupable, triste, déprimé.

Au stress ressenti par la plupart des adultes avant et pendant la période des fêtes s’ajoute, pour les personnes qui n’entendent pas bien, un élément supplémentaire à prendre en compte : le bruit. Car la saison des fêtes est bruyante par essence. Partout, la musique de Noël hurle dans des haut-parleurs de mauvaise qualité et s’ajoute au tintement des clochettes, au bruit des sabots des poneys qui tirent des calèches, et aux pas des passants pressés qui retentissent sur les pavés. Et puis, il y a les repas de famille. Les enfants, excités par l’idée des cadeaux et les jus de fruits, bonbons et chocolats qu’ils ont avalés, courent, sautent et hurlent dans tous les sens. De nombreuses personnes se retrouvent réunies, et les discussions, mêlées à la musique de fond, forment un brouhaha indéchiffrable pour ceux qui ont perdu de l’audition. L’alcool fait baisser la concentration, et rend les conversations encore plus difficiles à suivre au milieu de ce magma sonore.

Alors on s’isole. Alors on bluffe. On fait comme si on comprenait, et avec une pirouette, on va se réfugier dans la cuisine, ou dans une autre pièce calme, en utilisant le prétexte d’aller chercher quelque chose d’important. On va faire la vaisselle. On trouve des excuses pour ne pas participer aux conversations. On se rend utile, plutôt. On prend l’air très occupé, passant d’une pièce à l’autre en espérant que personne ne nous adressera la parole. Ou bien, on évite même la réunion de famille. On prétexte une grippe ou une gastro, et on ne vient pas, pour ne pas infecter les autres, soit disant. Et on reste seul chez soi, à regarder des films sous-titrés en essayant de ressentir le moins possible la tristesse qui nous ronge.

Mais alors, comment faire pour mieux vivre cette période de l’année, et pour profiter de rattraper le temps perdu avec ces membres de la famille que l’on ne voit qu’à cette occasion ? J’ai trouvé, au fil des années, quelques astuces qui m’aident à tirer un meilleur parti de la saison des fêtes, et j’ai aussi beaucoup observé comment d’autres malentendants pouvaient gérer les difficultés. Voici quelques points qui vous aideront peut-être aussi.

  • En parler

La famille aussi oublie que l’on est malentendant. Et nos propres parents, enfants, oncles et tantes ou cousins, dans l’agitation générale, se mettent à parler à toute vitesse, pas assez fort, trop fort, sans nous regarder ou en mettant la main devant la bouche. Pendant les repas, les gens s’interrompent et on n’arrive plus à suivre qui parle, de quoi on parle, ni ce qui est dit. Bien sûr, ce n’est pas évident, au milieu d’une conversation qui fuse de droite à gauche, en plein repas de famille, de rappeler à la cantonade que l’on n’entend pas bien et que l’on n’arrive plus à suivre. Mais si notre relation est raisonnablement bonne avec au moins certains membres de sa famille, on peut leur rappeler dès le début de la soirée de faire attention. Le fait d’en parler rappelle notre difficulté et notre souffrance aux gens qui nous aiment, et leur donne l’opportunité de nous aider à suivre, en résumant ce qui vient d’être dit par exemple, ou en faisant attention à la façon dont ils parlent et en nous gardant inclus dans les conversations autant que possible.

  • Demander le soutien des enfants et de leurs parents

Pour limiter le bruit de fond, qui est si fatigant pour tout le monde, et d’autant plus pour ceux qui n’entendent pas bien, parlez aux parents des jeunes enfants, et aux enfants eux-mêmes ! De cette façon, les enfants pourront comprendre que c’est difficile pour vous de suivre les conversations s’ils font du bruit, et les parents pourront le leur rappeler régulièrement. Si c’est possible, demandez aux enfants d’aller jouer dans une autre pièce s’ils font du bruit, et d’être calmes s’ils sont dans la pièce où les adultes discutent. Tous les enfants (et tous les parents) ne prendront peut-être pas toujours en compte votre demande, mais certains le feront sûrement, et cela vous aidera déjà un peu.

  • S’appuyer sur la lecture labiale

Dans le bruit, ce n’est pas un secret. La compréhension orale est plus difficile, et on s’appuie naturellement davantage sur le visuel, et sur la lecture labiale. Tout le monde lit plus ou moins sur les lèvres, et les malentendants le font simplement plus que les autres. J’ai eu la chance de pouvoir suivre un cours de lecture labiale, assuré par l’association Diapasom, qui m’a énormément aidée à conscientiser le processus de lecture des sons sur les lèvres. Ce n’est pas magique, mais j’ai remarqué une amélioration de ma compréhension en milieu bruyant suite à cette formation. Alors si vous le pouvez, rapprochez-vous de votre association locale pour voir si une formation de ce genre est disponible.

Par contre, la lecture labiale, c’est fatigant. Cela demande une attention et une concentration extrêmement intenses, et j’ai du mal à m’appuyer principalement sur cet outil pendant plus d’une demi-heure. C’est là que l’astuce suivante est très utile.

  • Se ménager des pauses

Le vacarme est particulièrement épuisant, en raison de la concentration qu’on est obligé de déployer pour parvenir à comprendre ne serait-ce que des bribes de conversation. Au bout d’un certain temps, qui va varier d’une personne à l’autre suivant sa surdité, son état général et sa tolérance, il est important de sortir du bruit. Faites des pauses. Si vous commencez à avoir mal à la tête, ou à être irritable ou d’humeur changeante, il y a des chances que vous ayez dépassé votre seuil de tolérance au bruit. Sortez de la pièce bruyante, allez ranger la cuisine, lire un livre dans votre chambre, sortez faire une balade dans l’air hivernal ou faites une petite sieste. Prenez ce temps-là pour vous régénérer régulièrement, et quand vous retrouverez vos proches, vous serez reposé, de meilleure humeur, et plus à même de faire l’effort de suivre une conversation.

  • Trouver des moments calmes où parler à chacun en particulier

Mon père est malentendant depuis très longtemps, et sa perte auditive est importante. Il est appareillé, mais dans un environnement assourdissant comme sa maison peut l’être pendant la période des fêtes, il ne peut suivre aucune conversation. Alors il a trouvé une astuce pour parvenir à rester en contact avec chaque membre de sa famille, et à ne pas s’isoler complètement de ses proches : il s’arrange pour trouver un moment, au cours des quelques jours que nous passons ensemble, pour parler à chaque personne, dans le calme. Cela peut être une petite conversation sur le canapé du salon, ou pendant une visite de son jardin dehors, ou pendant qu’il fait la vaisselle et que l’autre aide à essuyer. Toutes les occasions sont bonnes pour trouver ce moment privilégié, et c’est une excellente manière de rester en contact avec chacun, et de ne pas se sentir exclu, isolé et déconnecté de toute la famille.

  • Ne pas se mettre la pression

Les fêtes, c’est souvent compliqué. Et quand on est malentendant, c’est encore plus compliqué. Mais c’est aussi une occasion de rencontre et de connexion, même quand on entend mal. On ne parviendra peut-être pas à saisir toutes les occasions de conversation et d’échange, ni à tout comprendre. Mais on en saisira quelques unes, et l’important c’est de faire en sorte qu’elles comptent. N’ayez pas des attentes trop élevées pour cette période. Ne vous mettez pas la pression. Soyez reconnaissant pour chaque moment qui se passe bien, et soyez doux avec vous-même pour chaque moment difficile. Pour ne pas s’isoler et rester un membre actif de la famille, on déploie des efforts considérables, bien plus importants que ce que les autres peuvent voir. Si vous choisissez de faire ces efforts-là, plutôt que de vous retirer de tout échange, alors bravo ! Vous méritez d’être reconnu, et encouragé.

 

Et vous, comment vivez-vous les fêtes ? Avez-vous plutôt tendance à vous réjouir ou à redouter la fin de l’année ? Avez-vous trouvé d’autres astuces qui vous aident à gérer les difficultés évoquées ? Ou avez-vous rencontré d’autres difficultés encore ? Comment les surmontez-vous ?

Les jours se suivent et ne se ressemblent pas

Il s’agit là d’un aspect de ma perte d’audition qui étonne, surprend, déconcerte et peut même énerver plusieurs personnes, y compris moi-même : je n’entends pas tous les jours pareil.

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La plupart du temps, j’entends « normalement« . Ce « normalement » signifie, pour moi, qu’il vaut mieux qu’il n’y ait pas trop de bruit de fond, que la personne (une personne à la fois, bien sûr) me parle bien en face, avec le visage éclairé et en articulant bien. Si la personne me tourne le dos, si l’eau coule ou l’aspirateur fonctionne, si je suis dans un café bruyant, alors je ne comprends généralement pas le sens de ce qui m’est dit et je fais répéter.

Et puis il y a des jours où je me réveille, et j’entends bien. Enfin, presque bien. Mieux que d’habitude en tout cas. J’entends le début de la musique du réveil, par exemple. Et les premières paroles marmonnées sur l’oreiller avant même d’avoir ouvert les yeux, je les comprends aussi. J’en oublie même de mettre mes appareils quelquefois, et malgré cela je parviens à comprendre des phrases chuchotées, mal prononcées, ou des paroles dites sans me regarder, et ce du premier coup ! C’est comme un petit miracle, à chaque fois. Parfois, j’ai l’impression que si j’allais chez l’ORL pour faire un audiogramme ce jour-là, j’en ressortirais avec une audition quasi-normale. Enfin, n’exagérons rien… Mais en tout cas, la différence par rapport aux jours normaux est assez importante pour étonner mes proches (et moi-même) à chaque fois.

Et puis il y a ces autres jours. Les jours où je n’entends plus rien. C’est l’impression que j’en ai en tout cas. Je mets plusieurs minutes à entendre le réveil, et ensuite tout est du même acabit. Je dois faire répéter chaque phrase 3 ou 4 fois, et j’ai l’impression de me promener dans un brouillard auditif constant qui m’empêche de me concentrer, d’entendre, de comprendre les sons que j’entends, et même de réfléchir. C’est comme si j’évoluais dans un magma sonore qui n’a aucun sens. Il me faut déployer des efforts immenses pour tenter de démêler les sons les uns des autres, et de comprendre ce qui m’est dit. C’est épuisant ! Et par conséquent, j’ai davantage tendance à lâcher prise et à ne plus faire attention aux sons, ce qui crée des situations délicates avec mes proches qui, eux, tentent toujours de communiquer avec moi.

Ces différents types de journées peuvent se succéder rapidement, avec un jour où j’entends bien, suivi immédiatement d’un jour où je ne comprends plus rien. Mais alors, pourquoi ? Je n’ai pas trouvé toutes les réponses à cette question. Mais j’ai observé certains éléments récurrents qui peuvent former une ébauche d’explication, à savoir que ma capacité à entendre varie énormément suivant l’état dans lequel je suis, et ce de plusieurs manières :

  • Mon état physique

Si je suis en parfaite forme physique, j’entends mieux. Sans aucun doute. Je m’en suis rendu compte maintes fois. Si je me suis couchée trop tard, si j’ai un peu bu ou même si j’ai trop mangé (ou mangé trop sucré et trop gras) la veille, mon corps est plus lent, prend plus de temps à bouger, et mon niveau de concentration tombe dans les chaussettes. Et si je n’arrive pas à me concentrer, je n’arrive pas à comprendre ce que j’entends. Mon corps est donc un élément essentiel pour mon audition. Si je suis malade, d’autant plus si j’ai un rhume ou autre virus qui affecte la sphère ORL, si j’ai mal quelque part, si j’ai faim ou si je suis fatiguée, j’entendrai forcément moins bien. Et c’est rassurant ! Parce que cela signifie que si je prends bien soin de moi, je peux directement influencer ma capacité à entendre. Et c’est vrai que les jours où j’ai bien dormi, où je vais courir le matin, et où je mange aussi sainement que possible, il y a plus de chances que j’entende mieux que les jours où ce n’est pas le cas.

  • Mon état émotionnel

Mais le physique n’est pas tout, et il y a d’autres facteurs qui vont aussi affecter mon audition de façon subjective. Mes émotions, par exemple. Si je suis en colère, ou que j’ai une émotion forte, quelle qu’elle soit, alors je n’écoute plus. De même si je suis stressée. Le stress semble bloquer ma capacité à écouter, et donc à entendre, et si quelqu’un me le fait remarquer, il faut que je fasse un effort considérable pour lâcher prise, oublier mon stress et me concentrer sur ce qui se passe, et sur la conversation qui se déroule. Il s’agit là d’un facteur plus difficile à contrôler, dans la mesure où les émotions se produisent souvent en réponse à des événements ou autres déclencheurs. Ce qui reste positif, c’est que même si je suis aux prises avec une émotion forte, il y a toujours un moment où j’arrive à la gérer et à revenir à mon état normal, et à ma capacité habituelle d’audition et d’écoute.

  • Mon état mental

Même si je me sens plutôt bien physiquement et émotionnellement,  il suffit que j’ai quelque chose en tête qui me prenne beaucoup d’espace mental pour ne plus être capable d’entendre convenablement. Un petit exemple pour illustrer ceci : Tous les mois de novembre, je participe au NaNoWriMo, le mois national d’écriture de roman. Il s’agit d’un challenge personnel qui consiste en l’écriture d’un roman de 175 pages environ, soit 50 000 mots, entre le 1er et le 30 novembre. Il va sans dire que, quand on se plonge dans un tel marathon d’écriture, on a tendance à penser, manger, respirer et transpirer roman. Mon espace mental est donc, tous les mois de novembre, bien occupé par les personnages, les intrigues et les rebondissements de l’histoire que je m’emploie à écrire. Et c’est un peu au détriment de mon audition, certains jours. Il y a bien d’autres occasions, au cours de l’année, où mon mental est occupé par quelque chose de façon tellement exclusive que j’en oublie de faire attention aux sons. Il suffit que je réfléchisse à un nouvel article de blog, que je sois penchée sur une traduction particulièrement difficile, ou que je me fasse du souci à propos de quelque chose, et mon attention va se tourner vers l’intérieur. Mais heureusement, il suffit d’un rappel, comme la petite voix flûtée de l’enfant qui répète la même phrase pour la vingtième fois, et qui va finir par me tirer par la manche, pour que je revienne au présent et que j’accorde à ce qui est dit l’attention nécessaire à ma compréhension.

Ainsi, plusieurs facteurs influencent sans aucun doute la compréhension de ce qui m’est dit. Cette fluctuation quotidienne de mon audition est souvent déroutante, mais je ne peux qu’être reconnaissante d’un aspect très positif de cette situation : sans les jours sans, il n’y aurait pas les jours avec, ces jours où je me sens comme habitée par des super-pouvoirs qui me permettent d’entendre ce que je n’entendais pas la veille. Et ces jours-là, où j’ai l’impression d’être portée par l’Univers, où tout me sourit et où j’en oublie complètement que je n’entends pas bien, ces jours-là valent la peine de tout le reste.

Et vous, avez-vous aussi des jours où vous entendez moins bien que d’autres ? Comment gérez-vous cette fluctuation ? Avez-vous trouvé d’autres raisons qui expliquent votre baisse d’audition certains jours ?

Et si vous êtes proche d’une personne malentendante, avez-vous déjà observé cet état de fait ?

Perte d’audition : est-ce possible d’éviter l’isolement ?

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C’est une situation assez courante pour moi. Quelquefois je ne m’en rends même pas compte. Je suis au café avec un groupe d’amis, la conversation est animée, les cafés s’enchaînent, et tout à coup je m’aperçois que cela fait une bonne demi-heure que j’ai décroché de la conversation, et que je suis perdue dans mes pensées. Ma concentration a des limites, et suivre une conversation de groupe me demande énormément d’énergie. Au bout d’un moment, je suis trop fatiguée et je n’arrive plus à faire les efforts nécessaires pour suivre la conversation. La conséquence : l’isolement.

Je suis invitée par un groupe d’amis à aller voir un film au cinéma. Le film n’est pas sous-titré, et le cinéma ne dispose d’aucun dispositif pour les malentendants. Je sais pertinemment que l’expérience sera désagréable pour moi tout autant que la personne à qui je demanderai de me raconter le film au fur et à mesure (et pour les autres qui seront gênés par les chuchotements intempestifs). Je décline l’invitation. La conséquence : l’isolement.

Je fais du yoga, du tai chi ou un autre sport en groupe. A la fin du cours, tout le monde se rassemble et discute autour du prof. Je n’arrive pas à suivre, et je préfère m’éclipser, prétextant devoir rentrer rapidement. Et puis, peut-être qu’au bout du compte, j’arrêterai d’aller aux cours, parce que le rappel de mon handicap sera omniprésent et douloureux. La conséquence : l’isolement.

Je suis dans la rue, en ville, avec ma famille. Mon enfant raconte sa journée d’école, tout en sautillant d’excitation. Il n’est pas assez grand pour avoir le visage au niveau de mes oreilles, loin s’en faut. Ce n’est pas possible pour moi d’entendre ce qu’il dit. Il est même probable que je ne me rende pas compte qu’il est en train de parler, et j’essaie de démarrer une discussion, interrompant ainsi la conversation qui est en train de se produire. Mon conjoint me le fait remarquer, et je ravale mes paroles, avec la honte de ne pas avoir compris ce qui se passait. Je continue donc à avancer, parallèle à la conversation mais sans pouvoir y participer. La conséquence : l’isolement.

Et si j’habite seule, je vais sûrement y réfléchir à deux fois avant d’accepter l’invitation aimable d’un collègue ou d’une voisine à une soirée où il y aura beaucoup de monde et de bruit, et où je sais pertinemment qu’il me sera difficile de communiquer. La conséquence : l’isolement.

Helen Keller, écrivaine américaine sourde et aveugle, l’a exprimé en disant :

«  La cécité me sépare des choses, la surdité me sépare des personnes. » 

En tant que personne malentendante, je me sens souvent séparée des autres, comme si un mur invisible nous empêchait de communiquer. Plusieurs études le confirment aussi. D’après une étude qualitative de l’Inpes sur les liens entre handicap auditif et santé, les chercheurs ont trouvé que :

«  Le discours des personnes sourdes ou malentendantes communiquant le plus souvent à l’oral est souvent empreint d’une grande souffrance psychologique. […] Pour beaucoup, l’isolement qui découle [des difficultés de communication] est renforcé ou produit par le manque d’accessibilité de l’environnement. »

Et une étude effectuée par la fondation Hear the World montre très clairement que le handicap auditif contribue au mal-être et à la dépression, surtout quand il n’est pas corrigé.

Alors que faire ? Sommes-nous pour autant condamnés, en tant que malentendants, à rester sur le banc de touche de la vie, observant ce qui se passe comme un film muet (ou presque) ? Je ne le pense pas. Voici les quelques astuces que j’ai trouvées pour rompre l’isolement dans la majorité des situations :

  • Se faire appareiller.

L’appareillage, ce n’est pas magique, mais ça aide. Vraiment. La première fois que j’ai discuté des possibilités d’appareillage avec mon audioprothésiste, une bouffée d’espoir m’a submergée. J’étais certaine que ces appareils auditifs de pointe allaient remplacer toutes les fréquences manquantes de mon audition, et me permettre de redevenir entendante. Alors, ça ne s’est pas passé exactement comme ça, mais il faut bien avouer qu’avoir des appareils auditifs, c’est mieux que de ne pas les avoir. Grâce aux appareils, j’entends certaines personnes que je devrais faire répéter autrement. Certaines situations deviennent plus faciles, ou moins fatigantes. Bien sûr, la condition, c’est de les mettre. Le cerveau a besoin de se réhabituer ou de s’habituer au niveau sonore normal, et c’est important de porter les appareils le plus possible.

  • Dire aux gens que l’on entend mal.

J’ai trouvé que plus j’assume mon handicap auditif, plus j’en parle aux gens que je rencontre, et plus c’est facile de ne pas m’isoler. De plus, cela donne lieu à des conversations très intéressantes sur l’audition, le handicap et comment ça marche. Les gens sont intéressés, la plupart du temps ! Pour cela, il vaut mieux en parler de façon très simple, sans donner l’impression que l’on est en train de se plaindre ou d’essayer de susciter la pitié. Une fois que j’ai dit aux gens que je suis malentendante, ils font tout pour m’inclure dans la conversation, et je n’ai plus envie ni besoin de m’isoler.

  • Rappeler aux gens que l’on entend mal.

Mais souvent, les gens oublient. Parce que cela ne se voit pas. Et ils arrêtent de faire attention, et ce serait très tentant pour moi de m’isoler à ce stade-là de la relation. De me dire : « Ah, ils ne font plus d’effort ! Eh bien tant pis ! » et de partir dans mon monde intérieur, séparé des autres par ce mur d’incompréhension. Et je l’ai déjà fait. Mais je me sens mieux si je rappelle aux personnes avec qui je suis que je suis malentendante et que je n’arrive plus à suivre la conversation parce qu’ils parlent trop vite, trop doucement ou trop indistinctement. Et immédiatement, ils s’excusent, et se remettent à faire des efforts.

  • Sortir de la zone de confort.

Pour moi, sortir de ma zone de confort, cela signifie me pousser à faire des choses que j’ai peur de faire parce que je crains que cela se passe mal en raison de mes problèmes d’audition. Par exemple, aller au théâtre. C’est souvent une expérience difficile parce que s’il s’agit d’une pièce basée sur les dialogues, je n’arrive pas à suivre assez bien pour en profiter vraiment. Mais il y a un tas d’autres spectacles desquels je peux profiter même si je n’entends pas tout ! Par exemple, les spectacles de cirque, ou les spectacles basés sur un humour de situation, où même si je ne comprends pas tout ce qui est dit, je passe quand même mon temps à rire. Mais si j’associe le théâtre à une expérience négative, alors je n’y vais plus, et je loupe ces spectacles qui me plaisent. C’est pour ça que, de temps en temps, je me « force » à sortir de ma zone de confort, et j’accepte d’aller à un concert, à un spectacle ou à un événement auquel j’éviterais normalement d’aller. Juste au cas où la magie opère et que cela en vaille la peine. Et c’est souvent le cas…

  • Faire ce que l’on aime.

Il s’agit là d’une astuce qui règle beaucoup de problèmes, et pas seulement celui de l’isolement. C’est une astuce de bien-être général. Quand je fais ce qui me plaît, c’est-à-dire que je passe du temps dans la journée à écrire, à être créative, à travailler sur ce blog ou autres, je me sens mieux. Et quand je me sens mieux, je ne vis pas mes problèmes d’audition de la même façon que lorsque je me sens mal, triste ou déprimée. Quand je fais ce que j’aime, et que je travaille sur des projets qui ont du sens pour moi, j’ai l’impression d’avancer, d’aller quelque part dans ma vie (même si je ne sais pas forcément où je vais pour autant). En conséquence, j’ai davantage de ressources et de résilience pour assumer mon handicap, en parler, le rappeler aux personnes que je côtoie, et ne pas me laisser abattre par les problèmes de communication. Quand je me sens bien, j’ai envie de partager, et j’ai l’énergie qu’il faut pour communiquer malgré les difficultés.

  • S’entourer de personnes réconfortantes.

Là encore, cette astuce est utile dans de nombreuses situations. Même si je me sens déprimée, ou abattue, et que j’ai tendance à m’isoler, mon entourage, s’il est encourageant et positif, va m’aider à passer par-dessus. Les personnes qui nous entourent jouent un rôle important dans notre vie : elles nous soutiennent ou nous découragent, elles nous aident à voir le côté positif des choses ou au contraire vont nous entourer de négativité. C’est pourquoi il est très important de s’entourer des bonnes personnes : celles qui nous soutiendront, sans nous juger, et qui nous écouteront avec empathie, avant de nous aider à passer par dessus les moments de déprime.

  • Ne pas se décourager.

Malgré tout cela, cela m’arrive de m’isoler. Quelquefois, l’isolement est un état que je recherche, comme un instant de répit : dans une soirée bruyante, au bout d’un moment, j’aurai besoin de sortir au calme, pour reposer les oreilles et reprendre des forces avant de pouvoir affronter à nouveau le bruit et le tourbillon des gens. Au milieu d’un mois particulièrement chargé, j’aurai besoin de passer une ou plusieurs soirées à lire un livre. Et puis, quelquefois, je m’isole parce que je n’arrive plus à assumer cette perte d’audition qui me fait perdre le contact avec des aspects de ma vie que j’aimais, comme certains domaines de la vie culturelle, la musique, les amis qui vivent à l’étranger et que je ne peux plus appeler parce que je ne les comprends plus assez bien au téléphone. Et je me terre, je refuse les invitations pendant un certain temps. Ne pas se décourager, pour moi, cela signifie que j’accepte que ces moments font partie de ma vie. Ce ne sont pas les moments les plus glorieux, ni les plus agréables à vivre, mais avec l’aide des astuces ci-dessus, ils finissent par passer, et je peux recommencer à communiquer, et à sortir de l’isolement. Comme le dit le proverbe japonais :

« Le succès c’est tomber sept fois, se relever huit. »

Perte d’audition : le dire ou pas ?

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Vous êtes chez le boulanger. Vous faites la queue derrière une dizaine de personnes pour vos croissants du dimanche, votre baguette ou autres pâtisseries. Vous êtes un peu perdu dans vos pensées, vous réfléchissez à votre liste de course, à ce qu’il vous reste à faire ou à une situation qui s’est produite plus tôt, lorsque tout à coup quelque chose se produit. La boulangère fait tomber un croissant, un enfant se met à crier, ou une altercation se produit dans la rue, et là, la personne qui est juste devant vous dans la file se tourne vers vous, et vous dit quelque chose en souriant. Bien sûr, vous n’en comprenez pas un mot, et vous demandez donc à la charmante dame au manteau rouge de répéter ce qu’elle vient de dire. Malheureusement, vous ne comprenez toujours pas, et la file avance. Vous espérez que la dame n’a fait que commenter la situation sans vraiment attendre de réponse, et vous faites un petit sourire entendu, avant de vous plonger dans l’étude minutieuse des pâtisseries du jour comme si votre vie en dépendait. Et puis, c’est au tour de la dame, et vous lui souriez quand elle repart avec son pain et son gâteau. Elle répond à votre sourire mais vous gardez un arrière-goût désagréable de ce qui vient de se passer. La communication n’est pas passée, vous avez bluffé et vous n’avez pas été honnête.

Alors doit-on être honnête et parler de sa perte d’audition tout le temps, à tout le monde ? Doit-on se promener avec un T-shirt qui dit : « Je suis malentendant, parlez plus fort (et surtout plus clairement, articulez, regardez-moi en face et ne soyez pas à contre-jour, ne mâchez pas de chewing-gum et s’il vous plaît, s’il vous plaît, ne me parlez pas depuis une autre pièce) » ?

Je ne pense pas. Enfin, vous le pouvez, bien sûr. Mais vous pouvez aussi faire autrement. Chaque situation est différente, et chaque personne est différente. Suivant comment vous vous sentez par rapport à votre perte auditive, vous arriverez plus ou moins facilement à en parler. J’ai rencontré des malentendants qui se présentaient comme étant malentendants ou sourds, et n’avaient aucun problème à parler de leur handicap à n’importe qui. D’autres personnes, en revanche, ont plus de mal à accepter la situation, et à donc en parler. Il peut aussi s’agir d’une différence de personnalité, car certaines personnes hésitent à parler d’elles-mêmes et de leurs problèmes alors que pour d’autres, c’est plus facile. Le risque est que les personnes qui osent moins en parler finissent par s’isoler et se renfermer, faisant de moins en moins d’effort pour chercher une communication qui reste difficile.

D’un autre côté, j’ai remarqué que mon humeur et mon état physique et général influent aussi sur ma capacité à parler de ma perte d’audition et à l’assumer. Si je me sens bien, j’ai moins de mal à dire aux gens, même à ceux que je croise dans un magasin – comme la caissière à qui je viens de faire répéter quatre fois le prix que je dois payer, que je suis malentendante. Après, l’information est plus ou moins bien reçue ou comprise. La plupart des gens ne savent pas ce que signifie être malentendant exactement, ni comment ajuster leur façon de parler en conséquence. Mais en général, ils parlent au moins plus fort et plus clairement, ce qui me permet de comprendre la phrase que je n’avais pas comprise, et c’est bien suffisant. Si je suis fatiguée, préoccupée ou déprimée par contre, c’est plus dur. Je bluffe davantage, je fuis les situations où des inconnus me parlent et j’ai tendance à m’isoler dans les conversations de groupe. Et je ne m’en rends généralement pas compte jusqu’à ce que je sois sortie de l’interaction, et que je m’aperçoive du malaise que je ressens. Il s’agit là d’un cercle vicieux, bien sûr, parce que plus j’ai de mal à en parler, moins la communication se passe bien, plus j’ai l’impression de ne rien comprendre lorsque les gens parlent, et plus je me sens mal.

Alors que faire ? Pour moi, plus j’arrive à dire aux autres que j’entends mal, mieux je me sens. Même si je suis dans un magasin, que je ne reverrai jamais la personne à qui je parle, et que la conversation n’est pas si importante. Si j’arrive à le dire sans que ce soit compliqué pour moi ni pour l’autre, c’est le mieux. Mais il y a, et il y aura encore de nombreuses situations où je n’arriverai pas à en parler, soit parce que je ne suis pas en assez bonne forme pour le faire, soit parce que la situation ne s’y prête pas, et pour tous ces cas-là, eh bien… tant pis. J’espère arriver à assumer mon handicap de mieux en mieux, mais je ne pense pas qu’il me soit vraiment nécessaire d’être parfaite ni de le devenir.

Et vous ? Comment gérez-vous ces situations de communication difficiles avec des inconnus ? Parlez-vous de votre handicap, ou pas ? Trouvez-vous cela difficile d’en parler ? Si vous côtoyez une ou des personnes malentendantes, comment se passe la communication autour de ce handicap ?

Et surtout, comment aimeriez-vous que cela se passe ?

 

Perte d’audition : 5 signes qui doivent vous alerter

Vous avez des doutes par rapport à votre audition ? Vous avez l’impression d’entendre moins bien qu’avant ? Vos proches vous ont déjà conseillé d’aller faire vérifier vos oreilles ?

Voici quelques signes qui, s’ils ne sont pas infaillibles, devraient vous mettre la ‘puce à l’oreille’ et vous inciter à aller consulter.

malentendant en difficulté

Pas toujours facile d’entendre moins bien…

1. Vous faites répéter.

Attention ! Tout le monde fait répéter les autres à l’occasion. Il suffit d’être distrait par un mouvement, qu’un bruit couvre momentanément la conversation, ou qu’on soit tout simplement fatigué pour avoir plus de mal à comprendre les paroles des personnes que l’on côtoie. Ce n’est donc pas la peine d’être à l’affût de la moindre incompréhension. Si par contre vous vous rendez compte que vous comprenez certaines personnes moins bien qu’avant, et ce de façon régulière, ou que vous faites répéter tout le monde à moins d’être absolument en face de la personne qui parle et sans aucun bruit autour, c’est là un premier signe à prendre en compte.

2.  Vous écoutez la télé, la radio ou votre lecteur MP3 plus fort.

Vous augmentez systématiquement le son de la télé même quand les enfants sont calmes ? Votre conjoint ou famille se plaint que vous écoutez la radio trop fort ? Et vous écoutez votre musique plus fort qu’il y a quelque temps ? Ces situations devraient aussi vous inciter à consulter. Vous pouvez faire un petit test pour confirmer cette première impression : laissez votre conjoint ou vos enfants régler le son de la télé ou de la radio à un volume confortable pour eux. Arrivez-vous à suivre une émission ou un film à ce volume-là ? Si ce n’est pas le cas, prenez rendez-vous pour un audiogramme.

3. Vous n’entendez plus un certain son.

C’est ce qui m’est arrivé avec les moustiques. Si vous n’entendez plus un certain chant d’oiseau, les bourdonnements d’insectes, si vous ne percevez plus le ronronnement de l’aération de la salle-de-bain ou celui de votre chat, alors il est parfaitement possible que vous ayez perdu de la capacité auditive au niveau de certaines fréquences. Cela peut peut avoir un impact plus ou moins important sur votre compréhension de la parole, et vous pouvez avoir perdu en précision à d’autres niveaux. Il est donc recommandé d’aller faire vérifier votre audition.

4. Vous avez des acouphènes.

Les acouphènes sont des sons que vous entendez qui semblent provenir de l’intérieur de l’oreille. Cela signifie que même si vous bouchez vos oreilles, vous les entendrez. Il s’agit en général de sons de faible volume, des bourdonnements ou des sifflements le plus souvent, qui peuvent être extrêmement désagréables et même empêcher le sommeil ou la concentration sur autre chose. Les acouphènes en eux-mêmes ne sont pas un signe de perte d’audition. Vous pouvez avoir des acouphènes pour de nombreuses autres raisons. Par contre, les acouphènes accompagnent souvent une perte auditive, et c’est pourquoi il est bon de faire vérifier votre audition. De nombreuses personnes vont être sujettes à des acouphènes ou des bourdonnements d’oreilles après un concert, une soirée en boîte de nuit, ou une exposition à un son très fort et prolongé. Dans ce cas-là, l’oreille peut avoir été endommagée. Si vous êtes dans un environnement bruyant, ou que vous allez à un concert ou festival de musique, pensez à protéger votre audition en utilisant des bouchons d’oreilles, en restant à l’écart des amplis, et en vous éloignant du bruit régulièrement. Et si vous avez des acouphènes persistants suite à un événement bruyant, allez voir votre ORL.

5. Vous ne reconnaissez plus certaines chansons.

Vous êtes au supermarché, et soudain votre conjoint se met à fredonner une mélodie. Vous le regardez avec perplexité, et il vous fait signe qu’il chantonne la chanson qui est en train de passer. Vous tendez l’oreille et entendez vaguement un rythme accentué à la batterie, et peut-être d’autres sons, mais vous ne parvenez pas à identifier la chanson. « Mais si, c’est titre d’une chanson que vous connaissez bien ! ». Vous tendez l’oreille, mais non. Pas moyen de reconnaître la chanson en question. Si cette situation vous arrive, ou si vous avez du mal à reconnaître certaines chansons ou musiques, ou à entendre certains instruments quand le système de sonorisation n’est pas d’excellente qualité, ou quand il y a du bruit autour, et surtout si les autres autour de vous semblent y parvenir sans problème, alors allez consulter.

Si vous vous êtes reconnu dans plusieurs des points ci-dessus, alors il est possible que vous ayez perdu de l’audition. Vous aurez peut-être envie d’ignorer cet article et de continuer votre vie comme si de rien n’était (je comprends, je l’ai fait aussi), mais si vous le pouvez, il est préférable de prendre rendez-vous avec votre ORL. Faites vérifier vos oreilles, faites faire un audiogramme. Au mieux vous serez rassuré, au pire vous pourrez affronter le problème directement. Vous n’êtes pas seul dans votre cas, et vous pourrez trouver de l’aide et une écoute bienveillante auprès d’une association de votre région, de certains forums ou de ce blog.

Et vous, avez-vous fait l’expérience de ces situations ? Ou bien vous êtes-vous rendu compte de votre perte d’audition d’une autre manière ?

Avez-vous remarqué ces signes chez un proche ? Comment avez-vous géré cette première étape de prise de conscience d’un problème auditif, chez vous ou chez un proche ?

Pourquoi ce blog ?

J’avais 28 ans. J’étais installée depuis plusieurs années à l’étranger, et j’avais un travail qui me plaisait assez. La vie semblait s’ouvrir à moi, pleine de promesses. Et puis par un beau jour d’été, je me suis rendu compte que, malgré les multiples piqûres qui démontraient bien que l’espèce n’était pas en voie de disparition, je n’entendais plus le vrombissement des moustiques. J’avais beau tendre l’oreille, rien. Pourtant ils étaient là, je sentais bien les mouvements d’air sur ma peau avant chaque piqûre, et les démangeaisons ne se faisaient pas oublier, elles non plus. Alors j’ai pris les choses calmement, et j’ai pensé, de façon très pragmatique, que c’était sûrement dû à quelque chose qui obstruait mon canal auditif, un bouchon de cérumen par exemple. Je me suis précipitée chez l’ORL, certaine que j’en ressortirais avec une audition comme avant.

Hélas, ce n’est pas tout-à-fait ce qui s’est passé. L’ORL m’a gentiment expliqué que non, je n’avais aucun bouchon de cérumen ni aucune obstruction dans les canaux auditifs. Et puis, il m’a fait passer un audiogramme. Et là, il m’a dit que j’avais perdu environ 30% de mon audition, des deux côtés. « Surdité évolutive congénitale », il a dit. Rien à y faire, donc. Et puis, il m’a conseillé de me faire appareiller.

Si vous avez déjà vécu ce cas de figure, vous avez peut-être, vous aussi, senti votre visage perdre ses couleurs pendant que de multiples émotions, cas de figures et scénarios s’emmêlaient dans vos neurones. Et puis, vous vous êtes peut-être entendu dire d’une voix inexpressive : « D’accord, merci docteur » en prenant l’ordonnance, pour ensuite la froisser et la jeter dans la première poubelle venue.

L’ORL avait de bons arguments, vraiment. « Vous savez, c’est mieux de se faire appareiller jeune. Ca permet de ne pas prendre de mauvaises habitudes, et de ne pas s’isoler. » Ou encore : « la technologie a beaucoup progressé ces dernières années, il existe maintenant des appareils quasiment invisibles qui sont très performants ! » Eh bien, peut-être, mais c’était hors de question. Je n’étais pas handicapée et je n’allais pas me comporter comme telle ni même accepter un tel diagnostic ou une telle recommandation. J’étais jeune, j’avais la vie devant moi, et quoi, je n’entendais plus les moustiques, ce n’était pas la fin du monde ! C’était même plutôt agréable de ne plus se faire réveiller par un bourdonnement désagréable et irritant. Dans mon cas de figure, je me suis débattue avec la colère, la peur, et l’incapacité pure et simple d’accepter ce handicap pendant deux bonnes années. Je me suis brouillée avec une amie qui me conseillait de franchir le pas de l’appareillage avec un peu trop d’insistance, et j’ai fait l’autruche pendant ces deux années.

Puis, un beau jour, je me suis dit : « Bon. Et si j’essayais ? » Et j’ai pris rendez-vous chez un autre ORL. J’avais de la chance, mon audition n’avait pas diminué depuis l’audiogramme précédent, et j’ai pu aborder la nouvelle étape de l’appareillage un peu plus sereinement. J’étais même pleine d’espoir, confiante que la technologie allait améliorer le problème de telle sorte qu’il en deviendrait indécelable. Là encore, les choses ne se sont pas vraiment passées comme cela.

J’ai eu des moments de déprime intense, tandis que je devais faire le deuil de certains pans de ma vie. Et j’ai aussi redécouvert certaines choses, activités, et certains sons, grâce à la technologie, mais aussi quelquefois au courage d’oser faire quelque chose qui me paraissait inaccessible (la musique, par exemple). J’ai trouvé des outils, des façons de penser et de voir les choses qui m’ont aidée à avancer – et je continue d’en trouver. J’ai commencé à partager mon parcours et mes connaissances sur le sujet dans le cadre de sensibilisations auprès d’agents du service public, à la mairie de ma petite ville, il y a deux ans. J’ai pris conscience que cela marchait très bien : les agents étaient ravis et parvenaient à vraiment appréhender certains tenants et aboutissants du handicap auditif, ce qui leur permettait de mieux gérer le contact avec des malentendants dans le cadre de leur travail et de leur vie. Qui plus est, j’avais l’impression que ce qui jusque là n’avait été qu’un problème devenait utile, et que cela me donnait quelque chose de positif à partager. C’est l’enthousiasme de ces premières sensibilisations qui m’a portée jusqu’au lancement de ce site et de ce blog. C’est cet enthousiasme qui me permet de continuer dans une idée de partage et de service.

Et vous, si vous êtes malentendant, comment avez-vous vécu l’annonce de la nouvelle ? Quelles stratégies avez-vous mises en place pour gérer la perte auditive ?

Si vous avez un proche ou un collègue malentendant, comment avez-vous réagi, et comment gérez-vous cette difficulté d’audition ?

Bienvenue sur le blog de Entendre l’Essentiel !

Bonjour et bienvenue sur ce blog !

J’aimerais utiliser cette plateforme pour partager avec vous mon vécu, mes expériences et mon ressenti en tant que malentendante. Je vous parlerai de mes réflexions et de mes espoirs, ainsi que de mes peurs, bien sûr, mais mon objectif est avant tout démarrer une conversation avec vous, mes lecteurs, qui êtes malentendants, ou touchés par le handicap auditif de près ou de loin (ou simplement intéressés).

Dans cette optique, vos commentaires, questions et retours seront toujours les bienvenus. Je partagerai avec vous les articles, histoires inspirantes et autres lectures que j’aurai trouvés, nous parlerons aussi technologie, avec les différentes aides à l’audition qui existent, et que j’ai pu tester ou non.

Je vous demanderai de temps à autre votre avis ou vous poserai peut-être des questions, que vous soyez malentendant vous-même ou que vous ayez des malentendants dans votre entourage.

N’hésitez donc pas à répondre, à partager votre façon de voir les choses ou de les vivre, vos réflexions, ou à me demander de parler d’un sujet qui vous tient à coeur. Après tout, ce blog est avant tout pour vous.

Les mises à jour seront régulières, au rythme d’une à deux fois par semaine.

Juste une précision : ma langue maternelle est le français et j’ai grandi et je suis restée dans une culture orale. Je ne parle donc pas la langue des signes, pour l’instant en tout cas, et je n’en parlerai donc pas en priorité, car je ne suis pas familière avec cette langue et cette culture. Si vous avez grandi dans cette culture ou que vous êtes bilingue, n’hésitez pas à apporter votre pierre à l’édifice et à participer aux discussions ! Votre point de vue est précieux quelle que soit votre situation.