Perte d’audition : le casse-tête de la communication avec les enfants

CommunicationEnfants123rf

 

Vous êtes dans la rue, vous marchez tranquillement, sa petite main dans la vôtre, quand soudain, elle se met à vous tirer le bras. Vous regardez vers le bas pour comprendre ce qui se passe, et vous voyez son visage levé vers le vôtre. Et catastrophe : elle vous parle ! Impossible de comprendre un mot de ce que votre petite fille vous dit, entre le brouhaha des voitures, le bruit des pas, les conversations du café avoisinant, etc.

La solution serait de vous arrêter, de vous accroupir à son niveau, pour pouvoir vraiment comprendre ce qu’elle vous dit. Alors vous le faites, vous vous arrêtez, vous regardez autour de vous pour ne pas vous mettre au milieu du chemin, vous posez vos sacs par terre, vous vous baissez, vous rattrapez votre sac à main qui glisse le long de votre épaule, vous la regardez, vous lui dites : « Qu’est-ce qu’il y a, ma chérie ? »

Et là elle vous dit quelque chose du genre : « Tu as vu l’arbre ? Il avait plus de feuilles ! »

Bon, c’est mignon, et tout, mais vous êtes pressée, vous avez encore des courses à faire à l’épicerie, et vous avez juste le temps de les faire avant le rendez-vous chez le docteur. Vous expliquez donc patiemment : « Oui, c’est vrai, mais là il faut qu’on se dépêche, Léonie. Sinon on va être en retard chez le docteur. »

Son petit visage devient tout sérieux, et elle hoche la tête. Vous vous relevez, rattrapez vos sacs et sa main, équilibrez le tout comme vous le pouvez, et trois pas plus loin, même chose.

Alors vous avez le choix : soit vous ignorez le discours de l’enfant complètement, faisant comme si elle n’avait pas parlé ; soit vous lui dites, sans essayer de comprendre ce qu’elle dit : « Tu me parleras tout à l’heure, ma puce. Là il faut qu’on y aille, vraiment ! » ; soit vous vous arrêtez à nouveau pour l’écouter, et vous vous mettez un peu plus en retard. Mais si vous choisissez d’ignorer ce qu’elle dit, et qu’en fait elle a un besoin urgent de faire pipi, ou un caillou dans la chaussure, ou autre, cela peut avoir des conséquences assez ennuyeuses, entre les vêtements et chaussures mouillés, et le hurlement de douleur accompagné de pleurs impossibles à calmer.

C’est compliqué, la communication avec les enfants, quand on entend mal.

Et ce, pour plusieurs raisons.

  • Le langage peu compréhensible

Tout adulte aura du mal à comprendre un petit enfant qui est en train d’apprendre à parler, sauf peut-être les parents dudit enfant (et encore).

Pour un adulte qui entend mal, c’est pire !

Un enfant qui est en phase d’apprentissage du langage a souvent du mal à prononcer certains mots ou certains sons. Il peut aussi remplacer certains sons par d’autres, ou avoir des difficultés à articuler.

Certains enfants parlent malgré tout très vite, avalant la moitié des mots au passage, produisant ainsi ce baragouinage adorable qui terrifie la personne malentendante à qui l’enfant s’adresse, et ce pour une bonne raison : c’est incompréhensible !

D’où la tendance, peut-être, à se tourner vers les parents de l’enfant pour demander une traduction. Mais si on se trouve être le parent malentendant de cet enfant, c’est plus compliqué…

  • Le timbre de voix

Un enfant a une voix plus aiguë, plus haut perchée.

Pour peu qu’on ait justement perdu ces fréquences-là, cela devient vraiment difficile de comprendre ce que l’enfant dit.

  • La taille de l’enfant

Par essence, un enfant est, en général, plus petit qu’un adulte.

Bien plus petit, dans certains cas.

Or, nous avons besoin que la personne parle assez près de nos oreilles (et de nos yeux), si nous voulons avoir une chance de comprendre ce qui est dit.

Si la voix vient d’une hauteur située entre nos genoux et notre taille, c’est vraiment compliqué !

Ca va si tout le monde est assis, et donc assez proche, ou si on est assis et que l’enfant est debout. Mais si tout le monde est debout (et, encore pire, en mouvement, en ville, ou dans un environnement bruyant), alors là, ça devient vite mission impossible !

  • Les mouvements

La plupart des enfants sont quasiment tout le temps en mouvement. Et ils s’arrêtent rarement de bouger pour parler !

Du coup, un enfant va facilement commencer une phrase en nous regardant, et la finir en nous tournant le dos parce qu’il a vu un pigeon, ou tout simplement qu’il est en train de courir autour de nous.

Mais une personne malentendante a besoin que les paroles soient dites sans bouger, autant que possible, pour faciliter le positionnement des oreilles (et des appareils le cas échéant) par rapport au son, ainsi que la lecture des lèvres et des expressions du visage, qui aide toujours énormément à la compréhension.

  • Les « secrets »

Je ne sais pas pourquoi, mais quand on est enfant, on aime bien murmurer des secrets à son parent ou à ses amis adultes (ou enfants).

On cache sa bouche avec sa main, on colle la bouche et la main à l’oreille de l’adulte, et on chuchote le message que l’on veut faire passer.

Et pour un malentendant, cette configuration relève du cauchemar pour la compréhension.

En gros, on entend : « Eh ! Je vais te dire un secret ! »

Puis : « Pchi pchi pchi pchi pchi. »

Et allez-y, essayez de dire à un enfant de vous dire son secret en parlant assez fort, en articulant bien et en vous regardant bien en face. Eh oui, ça n’a plus grand chose d’un secret !

 

L’appréhension de devoir communiquer avec des enfants a déjà pu me faire paniquer. J’aurais tendance à m’extraire ou me soustraire aux occasions où c’est nécessaire.

Mais au final, je me suis rendu compte qu’il suffit de leur expliquer que j’entends mal, et que j’ai besoin qu’ils fassent un effort pour me parler. Ensuite, je les fais répéter quand je ne comprends pas, et ça se passe plutôt bien !

Le plus important, c’est de ne pas les ignorer ou faire comme s’ils n’avaient rien dit (ce qui n’est pas toujours possible, quand je n’ai pas entendu qu’ils parlaient, par exemple). Et à partir du moment où il y a du respect dans les deux sens, toutes les difficultés peuvent être surmontées.

Et vous, comment gérez-vous la communication avec les enfants ? Et comment les enfants de votre entourage gèrent-ils cette difficulté ?

 

About Armelle

12 comments

  1. Ah un excellent sujet de conversation. Une chance pour moi est que le feeling passe bien auprès des enfants car je fais souvent le clown, passe par des mimiques. Et quand l’enfant me parle, je me mets au maximun à son niveau. Cela me fait de la gymnastique!! Par contre, c’est vrai que c’est pas simple pour certains enfants qui peuvent être vite vexé comme une de mes nièces, car elle croit que j’ai rien compris et qu’elle n’arrive pas à comprendre que ce n’est pas elle qui parle mal. Elle a une toute petite voix timide. Je me souviens d’une voix où je sentais qu’elle ne faisait pas d’efforts, je m’étais fâché. Evidemment, bouderie pendant une bonne heure puis est revenue en me parlant un peu plus fort en me regardant. 😀
    Cela nous demande encore plus d’énergie dans la patience, et ça marche aussi dans l’autre sens effectivement.
    Ma phrase calssique :  » Aide moi à mieux t’entendre si tu souhaites que je te répondes ». Tout dépend de l’âge de l’enfant aussi.
    Merci donc pour ce partage. 🙂

    • Ah bonne phrase en effet !

      Aide moi à mieux t’entendre si tu souhaites que je te réponde

      J’ai l’impression que plus l’enfant grandit, plus c’est facile (déjà, niveau taille, et puis la voix devient un peu plus grave, et plus forte, ils parlent mieux, etc.).
      Merci pour ton témoignage !

  2. Oh!là!là! Que ça me parle tous ça! Mon grand de 11 ans ne parlait pas en rentrant à l’école, il mimait pour se faire comprendre avec moi ,nous avions beaucoup de complicité, je comprenais le peu de mots qu’il disait mais mon mari m’a fait remarqué qu’il ne parlait pas bien! Moi je ne me rendais pas compte qu’il ne prononçait pas bien les mots. Quelques séances d’orthophoniste et de soutien à l’école et maintenant je ne peux plus l’arrêter de parler…timide il parle pas beaucoup en classe mais beaucoup à la maison et trop vite… »bouffe » les mots…nous devons le reprendre constamment…il a une petite voix…galère pour moi!
    Mon second de 3 ans et en plein apprentissage! Ne mime pas, ne parlait pas il y a quelques mois! Il criait…il hurlait pour se faire comprendre…ne voulait pas répéter ce que je lui disais…je perdais patience…colère, cri…la crise quoi… sa maîtresse a désamorcé le soucis en le prenant en soutien…il parle de mieux en mieux et de mon côté j’ai découvert le langage des signes pour bébé et nous sommes à notre 3 ième séances…les relations s’apaisent…beaucoup d’émotions pour moi qui fait mes premiers pas dans un monde que je ne connais pas et auquel j’appartiens pourtant mais on ne m’avait jamais dit que je pouvais y aller! Une complicité retrouvée avec mon « grand » bébé! Son premier signe: bisou!

    Bisou à vous!

    • Génial ! Merci de partager votre vécu à ce propos ! Ce n’est pas évident d’être parent malentendant d’enfants entendants, tout comme le contraire ne doit pas être facile non plus.
      Le langage des signes pour bébé me paraît vraiment être une excellente idée. Et je suis ravie de votre complicité retrouvée !
      Je trouve qu’on devrait apprendre la langue des signes à l’école. Ce serait tellement utile dans plein de situations, y compris pour les entendants !

  3. C’est grâce à l’animatrice de l’atelier des signes pour bébé que je découvre votre blog avec grand plaisir. Oui depuis le début des séances je m’aperçoit que même les entendants parlent avec leurs mains! C’est rigolo! Vendredi chorale de l’école de mon fils ainé, il y avait du monde et un brouhaha énorme avant de commencer le spectacle et là j’observe les enfants et les enseignantes qui s’exprimaient avec les mains et leur expression de visage…certes un langage très simple et pas au point! LOL…je me rappelle jeune fille quand je prenais le métro sur Paris, d’une scène géniale où une personne sourde était restée sur le quai et son copain était déjà dans le métro qui partait en sens inverse de l’autre côté…ils continuaient à communiquer en langage des signes,alors que moi avec mes copains, on se disait au revoir sur le quai et un petit coucou de la main à travers la vitre et là… le monde à l’envers…un autre monde…je ne pouvais pas m’empêcher de me dire « la chance »…Oui je suis convaincue que ce langage serait utile pour tous!

    • Je suis ravie que les informations de mon blog vous aient été transmises ! Et juste par curiosité, où faites-vous cet atelier des signes pour bébé ? Est-ce une association qui s’en occupe ? Et c’est vrai qu’il suffit qu’il y ait du bruit autour de nous pour que nous soyons perdus si nous ne nous exprimons qu’à l’oral. Je remarque que finalement, dans les environnements bruyants, je m’en sors mieux que certains entendants parce que je lis mieux sur les lèvres ! Heureusement que nous trouvons des façons de compenser.

  4. Je suis malentendante sévère (environ 97 % de perte bilatérale) avec port de prothèses auditives surpuissantes et je suis maman de 2 grands enfants maintenant : 16 et 12 ans. Je me retrouve beaucoup dans ce texte : en plus d’apprendre à devenir mère, j’ai appris à communiquer avec mes enfants. Mon fils a su très bien s’adapter à la situation : il articule très bien et pose sa voix. En revanche, ma fille, a eu un retard de langage important et ne sait pas articuler. Tout est rentré dans l’ordre maintenant. J’ai du m’adapter et compenser énormément. Mes enfants sont autonomes et parfois il y arrive qu’il y ait des « clash » car je n’ai pas compris du premier coup mais ils m’apportent beaucoup tout comme je leur apporte aussi.

    • Merci beaucoup de votre témoignage ! C’est très enrichissant de voir comment chaque personne parvient à s’adapter, et les familles aussi ! Je suis ravie que vous vous soyez retrouvée dans mon texte. Merci de votre soutien !

  5. Bonjour Armelle
    je reviens vers votre blog…donc l’atelier des signes pour bébé est à Parempuyre c’est une association qui aura bientôt un an. Vous connaissez surement! Notre animatrice est entendante ,elle a découvert les signes pour bébé et elle n’arrête plus,elle diffuse la culture sourde qu’elle aime beaucoup elle fait le lien avec les « deux mondes », elle forme d’autres personnes…elle a des amis sourds qui parlent le langage des signes ,ce qui n’est pas du tout mon cas…c’est très troublant, étonnant et génial! Voici le site ,l’association est aussi sur facebook http://signe-et-dis-moi.e-monsite.com/
    A Bientôt!

    • Merci beaucoup de votre réponse ! Cette association a l’air très intéressante, et l’animatrice semble être vraiment passionnée. Je vais regarder s’il y a une association équivalente près de chez moi, sait-on jamais !

  6. Bonjour moi le soucis est que j’ai des enfants de 15 ans qui ont un parler qui parle fort au de but et qui baisse la voix au dire et a mesure qu’il parle. Mon mari m’aide beaucoup et on a une fille de 3ans qui adore me parler aux oreilles ça l’amuse beaucoup.par contre je me retrouve beaucoup dans tout les textes que j’ai lu, je me sent mal de faire répéter et me sent mal avec du monde. J’ai rendez vous chez mon orl et me dit que ce sont des bouchons de cire qui font ça. Et j’ai peur d’y aller car je vais être seule avec lui et j’ai peur de pas comprendre ce qu’il me dit. D’après vous avec le covid pourrais je demander à ce que mon mari m’accompagne ou pas ?

    • Bonjour et désolée de l’immense retard de ma réponse. Votre commentaire s’est perdu sur le blog, je le découvre maintenant.
      J’imagine que la situation a dû évoluer pour vous, avec les enfants qui grandissent.
      Cette peur de mal ou de ne pas comprendre, dont vous parlez, est la raison pour laquelle nous nous isolons et nous perdons petit à petit le contact avec l’extérieur, et même avec nos proches. Je vous encourage, même si c’est effrayant, à regarder les choses en face, telles qu’elles sont. Si vous avez en effet une perte auditive, allez voir l’orl. Peut-être que ce sont des bouchons de cérumen, auquel cas, c’est facile à traiter. S’il y a une perte auditive, vous pourrez alors avoir de l’aide pour mieux entendre.
      Les années COVID ont été difficiles pour tous les malentendants qui lisent sur les lèvres. J’ai observé que la plupart du temps, en expliquant la situation aux personnel médical, ils enlèvent le masque pour me permettre de les comprendre.
      La plupart des personnes sont également bienveillantes quant à la possibilité pour la personne en difficulté d’être accompagnée par un proche.
      J’espère que tout s’est bien passé pour vous et je vous souhaite une bonne continuation

Laissez un commentaire !

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.