Les outils qui aident : les appareils auditifs

appareils auditifs

 

Quand on perd l’audition, on trouve de nombreuses façons de s’adapter. On regarde plus. On devient plus sensible aux émotions. On observe les autres, les situations et les lieux bien plus qu’avant. On s’appuie sur les autres sens pour compenser le handicap. Et il arrive que l’on s’appuie tellement sur ses capacités qu’on en arrive à oublier qu’il existe des technologies qui peuvent nous aider, au quotidien, à mieux entendre et à mieux communiquer. Parmi les quelques outils que j’utilise au quotidien, les appareils auditifs viennent en première place.

Et les prothèses auditives, c’est toute une histoire ! Une histoire très personnelle pour chaque malentendant. Il s’agit là d’une étape décisive à franchir dans l’acceptation de sa perte auditive. Ce n’est pas évident de passer du stade « Je n’entends pas bien, pouvez-vous répéter ? » (ou même « Je fais comme si j’avais entendu, tout va bien ») à « Je suis malentendant et je suis appareillé. »

Or, il est important de se faire appareiller assez tôt. Pourquoi ? Même avec une surdité légère, le cerveau perd l’habitude de percevoir certains sons. Plus on attend, plus la perte auditive est sévère au moment de l’appareillage, et plus difficile (et long) sera le temps d’adaptation, car le cerveau doit se réhabituer à percevoir ces sons, et doit souvent réapprendre à les identifier !

Mais quel que soit le moment où vous franchissez finalement le cap, il est important de suivre certaines règles pour que tout se passe pour le mieux :

– D’abord, obtenez l’aide d’un professionnel. N’essayez pas d’acheter des appareils auditifs à 200 € ou moins sur Amazon ! Cela ne vous aidera pas beaucoup. En effet, votre surdité est unique : vous entendez moins certaines fréquences que d’autres, et le fait d’augmenter simplement le volume pour tous les sons, et toutes les fréquences, ne vous donnera pas le confort d’écoute que vous recherchez, et cela risque au contraire d’endommager un peu plus votre audition ! Un audioprothésiste saura vous conseiller, et surtout pourra régler les appareils de façon à compenser votre perte auditive particulière.

– Si vous aviez essayé des appareils il y a plusieurs années, et que cela ne vous avait pas convenu pour une raison ou pour une autre, réessayez ! La technologie a vraiment fait un bond depuis quelques années, et les problèmes qui existaient il y a 10 ans, 5 ans ou même 2 ans pourraient bien avoir disparu. Allez voir un autre audioprothésiste, peut-être, d’autant plus si ça ne s’était pas très bien passé la dernière fois. Choisissez quelqu’un qui se trouve assez près de chez vous, parce que vous lui rendrez visite très régulièrement pendant la phase de réglage des appareils, privilégiez un professionnel avec qui vous vous sentez en confiance, et demandez un essayage gratuit !

– Rappelez-vous que ce n’est pas magique. Si vous venez de sortir de chez l’audioprothésiste et que tout est trop fort, que certains sons vous gênent ou que vos appareils sifflent, ne vous inquiétez pas ! Ne jetez pas vos appareils au fond d’un tiroir pour autant. Votre cerveau doit se réhabituer au niveau sonore normal, et doit recommencer à faire le tri entre les informations sonores qu’il n’avait plus l’habitude de gérer à ce volume. Il est même possible que vous deviez réapprendre à identifier certain bruits ou sons, ainsi que leur provenance. Cela prend un peu de temps. Si au bout de quelques jours, l’écoute est toujours inconfortable, retournez voir votre audioprothésiste et apportez-lui le maximum d’indications précises sur ce qui vous gêne (« J’ai du mal avec le bruit des talons dans la rue », « je ne supporte pas quand quelqu’un siffle », etc.). De cette façon, il pourra affiner le réglage de vos appareils. Cette phase de mise au point peut durer plusieurs semaines, soyez donc patient !

– Si vous avez une surdité des deux oreilles (pour autant que chaque oreille entende au moins un peu), et même si une oreille entend mieux que l’autre, faites appareiller les deux oreilles autant que possible. Cela permet un équilibre sonore au niveau du cerveau, et le temps d’adaptation sera d’autant plus court et moins difficile si vous n’avez pas à vous battre contre une perception déséquilibrée entre les deux oreilles. Vous trouverez plus d’informations sur ce sujet ici.

Il est important de savoir que les prothèses auditives ne sont pas l’instrument merveilleux qui résoudra absolument tous vos problèmes d’audition dans toutes les situations et qui vous permettra de faire comme si vous entendiez parfaitement bien en premier lieu. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Lorsque j’ai eu mes premiers appareils, j’ai rêvé que cela me permettrait de ne pas avoir à divulguer mon handicap (cette « faiblesse »). Tout comme une personne myope qui porte des lentilles n’a pas besoin d’en parler, je pensais pouvoir être dispensée des longues explications embarrassantes pour justifier un quiproquo ou une incompréhension. J’ai été très déçue de me rendre compte que, dans un environnement bruyant, je ne comprends toujours pas tout, et que je décroche rapidement des conversations de groupe malgré l’appareillage.

Et j’ai dû apprendre à en parler. Expliquer aux gens qui m’entourent et que je rencontre que je n’entends pas bien, et que s’ils me parlent en cachant leur bouche, ou en me tournant le dos, ou en étant à l’autre bout de la pièce, ou s’il y a beaucoup de bruit, je ne les comprendrai pas, même avec mes prothèses auditives. Et au fur et à mesure que j’assume mieux ma perte auditive, je me rends compte que je dois quand même beaucoup à mes appareils. Certaines conversations me sont maintenant accessibles, et même si la situation est difficile à cause du vacarme environnant, ce sont des conversations dont j’aurais été exclues dès le départ avant d’être appareillée. Les conversations en tête à tête sont aussi bien plus confortables. Plus besoin de tendre l’oreille et de faire un effort de concentration aussi intense pour comprendre mon interlocuteur. Pour moi, les appareils représentent le confort auditif que je ne pourrais pas avoir sans. Et à chaque fois qu’il est temps d’en changer, la technologie a tellement évolué qu’elle me permet un confort encore plus important, même si ma perte auditive s’est accentuée. 

Alors j’apprends à vivre avec, avec le rituel de les sortir de leur petit boîtier chauffant le matin, et de les y remettre le soir, qui est devenu presque aussi automatique que le brossage de dent quotidien. Et je suis très reconnaissante que ces petits objets puissent avoir un si grand impact dans ma vie, même s’ils ne « corrigent » pas ma perte auditive.

Et vous ? Êtes-vous appareillé ? Comment avez-vous fait, et vécu, le choix de porter des prothèses auditives ou non ? Quelle est votre relation avec vos appareils ? Et si vous avez un ou des malentendants, appareillés ou non, dans votre entourage, comment voyez-vous cette aide technologique ? Êtes-vous conscient que l’appareillage ne résout pas tous les problèmes d’audition ? Avez-vous déjà conseillé à des proches de se faire appareiller ? N’hésitez pas à commenter pour partager votre expérience !

Portrait : Evelyn Glennie, une icône ?

Evelyn-glennie

J’ai découvert l’existence de cette musicienne il y a maintenant quelques années, en regardant sa conférence TED sur comment vraiment écouter (vous pouvez mettre les sous-titres en français sur cette vidéo). Evelyn Glennie, c’est avant tout une célèbre percussioniste. Elle est écossaise, c’est la première musicienne à avoir une carrière de percussioniste classique soliste. Elle a même été nommée Dame Commandeur de l’Ordre de l’Empire britannique par la reine Elisabeth II pour ses services rendus à la musique, et elle va avoir 50 ans cette année. Oh, et elle est sourde…

J’ai entendu parler d’elle à un moment où je me débattais avec ma perte auditive. Je venais de perdre encore 20% de mon audition, et avec 50% de perte auditive dans chaque oreille, je me faisais du souci pour l’avenir. J’étais aussi en deuil, et je pensais que je ne pourrais plus jamais faire de musique, que mes heures passées à chanter en m’accompagnant au piano, à écouter de la musique ou à jouer des sonates à la flûte à bec avec ma mère et mes frères, étaient pour toujours révolues. Et puis, j’ai regardé cette vidéo TED. J’ai entendu la musique que cette femme sourde parvenait à faire, sans jamais laisser son handicap l’empêcher d’être musicienne. Quelque chose a changé pour moi à ce moment-là.

J’ai fait quelques recherches sur Evelyn Glennie, et en regardant les divers films, vidéos et essais qu’elle a faits, j’ai compris que sa surdité avait peu d’importance pour elle. Elle n’aime d’ailleurs pas en parler aux journalistes, car cela ne change rien à la musicienne qu’elle est. Cependant, après s’être rendu compte que, si elle ne répondait pas aux questions sur son audition, les journalistes avaient tendance à inventer des choses juste pour pouvoir en parler, elle a écrit un essai à ce sujet. Son Hearing Essay, écrit en 1993, tente de rétablir la réalité de son vécu par rapport à sa surdité. Elle y explique qu’elle n’est pas totalement sourde, mais qu’elle a une surdité profonde. Cela signifie que la qualité du son qu’elle perçoit n’est pas assez bonne pour lui permettre une compréhension de la parole à partir du son seulement. Elle s’appuie donc énormément sur la lecture labiale pour obtenir le sens des paroles prononcées.

Evelyn Glennie commence à perdre l’audition à 8 ans, et devient sourde profonde à 12 ans. C’est aussi à cet âge-là qu’elle commence à prendre des cours de percussions. Elle décide alors de retirer ses appareils auditifs pour apprendre à écouter avec tout le corps plutôt que de se concentrer sur le son perçu (ou pas) par ses oreilles. Son professeur l’encourage, et elle finit par intégrer la prestigieuse Royal Academy Music de Londres, d’où elle sort diplômée à 19 ans.

Evelyn Glennie ne parle pas la langue des signes, et s’exprime parfaitement bien en anglais, avec un charmant accent écossais d’ailleurs. Dans son essai, elle explique aussi qu’elle peut utiliser le téléphone, si c’est surtout elle qui parle, et que son interlocuteur tape avec un stylo sur le micro pour communiquer d’après un code qui lui permet de comprendre quelques mots. Cela m’a donné des idées pour pouvoir continuer à utiliser le téléphone même si ma perte auditive s’accentue.

Au début de sa conférence TED, elle annonce que son objectif, c’est d’apprendre aux gens comment écouter. Quelle mission pour une personne atteinte de surdité profonde ! Après avoir regardé la vidéo de cette conférence, je me suis demandé si toute perte auditive n’était pas une chance, une opportunité pour apprendre à écouter. Un appel à écouter différemment, peut-être, mais aussi un encouragement (pour ne pas dire une obligation) à mettre plus d’attention sur un processus qui est sinon tellement naturel que personne n’y pense vraiment. Et en apprenant à vraiment écouter, on apprend à percevoir d’autres choses aussi, et à communiquer autrement. Et il est ensuite tout naturel de vouloir partager ou enseigner les compétences que l’on a acquises et développées en s’adaptant au handicap.

C’est peut-être pour cela qu’en sortant de la première sensibilisation que j’avais animée, il y a deux ans de cela, je me suis sentie si bien. Je venais de passer deux heures à parler à un groupe de personnes de ce que c’est qu’être malentendant, et de comment communiquer avec quelqu’un qui entend mal, et j’en suis sortie émue de la façon dont mon intervention avait été reçue, et remplie de joie d’avoir eu cette opportunité. J’étais à ma place. C’était comme si soudain, quelque chose justifiait ce handicap que j’avais eu tant de mal à accepter. Si je pouvais partager cette expérience avec d’autres, et en tirer quelque chose de positif et d’universel, alors cela valait le coup !

Evelyn Glennie a été pour moi une héroïne, une icône, un exemple. Peut-être parce qu’elle m’a aidé à découvrir que cette force que j’admirais chez elle, je l’avais aussi au fond de moi, et qu’il suffisait de pas grand chose pour la laisser s’exprimer. La force d’oublier le handicap. De vivre sa vie simplement, en s’adaptant à ce qui est, et en transformant nos faiblesses en atouts uniques. La force de réaliser ses rêves, et de répondre à ceux qui s’interrogent :

« Even so, no one really understands how I do what I do. Please enjoy the music and forget the rest. » (« Malgré cela, personne ne comprend vraiment comment je fais ce que je fais. Appréciez simplement la musique et oubliez le reste. »)

Comment ne pas surmonter les obstacles

2014-03-24 18.13.03

 

Mi-janvier déjà. Si ce n’est pas déjà fait, il est grand temps de faire le bilan de l’année passée, et de réfléchir à ce que nous souhaitons faire, obtenir et vivre en 2015. Le temps humide et gris se prête à l’introspection. Cette période n’est pas toujours facile, et si l’on veut être honnête avec soi-même, il faut parvenir à prendre assez de distance avec les désirs que nous avons intégrés de la société, de la famille ou des médias, et à aller chercher au fond de soi ce que l’on veut vraiment. Cette réflexion nous amène aussi à regarder en face les obstacles et les handicaps que nous affrontons, et à réfléchir à ce que nous en faisons.

J’ai reçu la semaine dernière un email qui parlait justement de surmonter les obstacles, et les handicaps : Rachel Z. Cornell est aveugle au sens de la loi (désolée, son site en lien sous son nom est en anglais). Ce qui ne l’empêche pas de vivre une vie riche et satisfaisante, d’écrire très régulièrement sur son blog et d’aider ses nombreux clients à atteindre leurs objectifs. Dans son article, elle explique qu’elle n’a pas « surmonté » son handicap, mais qu’elle a appris à le négocier. Et ce n’est pas la même chose. Des aides techniques et une canne blanche lui permettent de vivre au quotidien dans un monde basé sur le visuel. Mais le handicap est toujours là et ne sera jamais vraiment « surmonté » ou « dépassé ».

Pour moi, ce sont les appareils auditifs, un casque audio de bonne qualité, et les sous-titres qui me permettent de vivre dans un monde d’entendants. Cela ne « corrige » pas vraiment ma perte auditive, mais ces outils me permettent de suivre à peu près tout ce que je veux suivre. Est-ce que, pour autant, je « surmonte » mon handicap auditif ? Non. En général j’oublie qu’il est là, mais de temps en temps je le reprends en pleine face, et je me sens frustrée, en colère ou déprimée.

Mais tout est une question de perspective. Une perte auditive, aussi sévère et brusque soit-elle, ne sonne pas le glas d’une vie enrichissante et heureuse. Bien sûr, certains aspects du handicap sont vraiment détestables. Le fait de ne plus aller au cinéma si le film n’est pas sous-titré et que le cinéma n’est pas équipé de dispositifs pour les malentendants. Le fait d’éviter les pièces de théâtre par peur de ne pas pouvoir suivre. Le fait de ne pas comprendre comme il faut au téléphone. Le fait de ne pas comprendre quand votre enfant vous parle dans la rue, ou quand votre médecin vous explique quelque chose en vous tournant le dos. Le fait de se sentir isolé lors de discussions de groupes.

Alors je m’adapte, je m’ajuste, et je me rends compte qu’il faut être vraiment créatif, mais que tout est possible quand même. La semaine prochaine, je parlerai d’Evelyn Glennie, dont le parcours et la personnalité m’ont enthousiasmée. Elle n’a pas laissé sa surdité l’empêcher d’être la première personne à devenir percussionniste classique soliste à temps plein, d’être nommée dame commandeur de l’Ordre de l’Empire britannique par la reine Elisabeth II pour ses services rendus à la musique, et d’avoir une carrière que de nombreux musiciens peuvent lui envier.

Alors bien sûr, il y a des ajustements constants à faire. Mais tout reste possible. Tout ce qui est important du moins, et c’est là l’essentiel pour une année, et une vie réussie.

Je vous souhaite à tous une excellente année 2015, avec l’énergie, la joie de vivre et l’enthousiasme nécessaires pour négocier tous les obstacles auxquels vous aurez à faire face.

Je suis Charlie

#Je suis Charlie

 

C’est avec une immense tristesse que j’ai appris hier, comme la majorité des Français, la mort de 12 personnes lors de l’attentat de Charlie Hebdo. Choquée et incrédule, j’ai compris que quatre grands dessinateurs, Cabu, Wolinski, Tignous et Charb, avaient perdu la vie. Alors moi aussi, je me suis réveillée avec une gueule de bois carabinée ce matin.

J’avais prévu un autre article pour mon blog cette semaine, mais impossible de le poster après ça. Les tirs résonnent encore et me donnent la migraine et la nausée. Difficile de penser à autre chose aujourd’hui. Mais après la minute de silence, les hommages continuent de pleuvoir. De nombreux textes et dessins m’ont mis les larmes aux yeux. Je suis émue de voir tant de gens se mobiliser pour apporter un message d’espoir. L’envie de continuer, ensemble, solidaires, libres de s’exprimer, est plus forte. Je suis émue de voir que Charlie Hebdo continue, plus fort que jamais. Je suis émue que mes amis dessinateurs continuent aussi à dessiner, dénoncer, et montrer que l’humour, comme l’amour, est plus fort que la haine.

Et il n’en tient qu’à nous de réagir avec la grâce du maire d’Oslo suite au massacre perpétré en 2011 :

Fabian Stang plus de générosité

Je suis Charlie. Nous sommes tous Charlie.