Le malentendu suprême

ira7 by xvire1969 http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/

 

J’ai récemment appris qu’une personne de mon entourage avait du mal à savoir comment être avec moi, parce qu’elle me trouvait froide et distante.

Ca m’a fait un choc.

Si je pouvais me définir, ce ne serait jamais comme étant quelqu’un de froid. Et encore moins de distant.

En fait, j’aime beaucoup les gens.

J’aime les découvrir, et me faire surprendre par les facettes de leur personnalité.

J’aime participer à des conversations, et avoir le sentiment que j’appartiens à un groupe. J’aime me sentir entourée.

Comme tout un chacun sûrement ?

J’aime aussi parler de tout et de rien avec un groupe d’amis, juste pour la joie d’être ensemble et de rire ensemble.

Mais c’est épuisant. Une simple conversation entre amis, où chacun pimente la conversation de son humour, où on s’interrompt et où on rit, ça n’a l’air de rien. Mais moi, je suis perdue dès la première blague que je n’ai pas saisie.

Très vite, je ne sais plus qui parle, et encore moins de quoi on parle.

Et allez-y, dans une conversation comme ça, essayez d’interrompre la discussion pour demander de répéter ce qui vient d’être dit… Sachant qu’il faudra répéter chaque blague et chaque intervention pour que je puisse suivre, ce qui tue la légèreté de l’échange aussi efficacement qu’un bon seau d’eau glacée.

Alors je ne le fais pas.

Je pars dans mes pensées, je sirote mon café, je me dis que ce n’est pas si grave, que rien d’important n’a été dit.

Mais en fait c’est faux.

Parce que ces petites conversations sans importance, parsemées de rires et de bons mots, sont le ciment des amitiés. C’est ce qui fait qu’on a envie d’être ensemble, de se retrouver sur une terrasse de café, de partager des soirées et de faire des pique-niques.

Et là encore, je n’ai pas trouvé de solution.

Faut-il, comme certains me l’ont conseillé, simplement laisser tomber et me consoler en me disant que si les autres ne font pas l’effort de passer par dessus leur impression, c’est qu’ils n’en valent pas la peine ?

Pas si sûr.

Dois-je pour autant passer mon temps à tenter de leur montrer, d’une façon ou d’une autre, que je ne suis pas celle qu’ils pensent ?

Non plus, parce qu’il y aura toujours des moments où une personne me dira bonjour dans la rue, et je ne la verrai pas. Or si je ne la vois pas, je ne l’entendrai pas non plus, et je ne répondrai pas à son salut. Et en réalité, je n’ai aucun pouvoir sur ce qu’elle pensera alors de moi.

J’en arrive à penser que tout le monde en est là. Pour moi, c’est un peu plus visible parce que mon handicap auditif forme un obstacle concret dans la communication.

Mais il peut y avoir une myriade d’autres obstacles moins permanents : la timidité, la mauvaise humeur d’un jour, la fatigue, les préoccupations, etc.

Au bout du compte, le mieux que je puisse faire, c’est d’expliquer aux autres ce que je vis.

Malgré cela, il y aura sûrement toujours des gens qui me trouveront indifférente ou qui interprèteront certains de mes comportements comme un complexe de supériorité. Je ne pourrai pas expliquer à TOUS CEUX que je croise que ce n’est pas le cas, que c’est juste que j’entends mal.

Par contre, je peux rester vigilante quant à mes propres impressions, et faire attention de ne pas interpréter constamment les réactions des autres comme un jugement contre moi.

Et faire confiance que mes amis feront toujours l’effort de passer par-dessus cet obstacle.

 

 

 

Comment survivre à une réunion professionnelle

business meeting

Autant vous prévenir dès le départ, il s’agit là d’un sujet pour lequel je n’ai pas trouvé de réponses vraiment satisfaisantes. Pas encore.

J’aurais envie de vous dire : Les réunions professionnelles, eh bien si vous le pouvez, évitez-les !

Il s’agit en effet d’un des contextes les plus difficiles que j’ai rencontrés, parce que la conversation de groupe s’y complique d’enjeux professionnels.

Bien sûr, ce n’est pas toujours possible d’éviter ces situations, qu’il s’agisse de réunions d’équipe, de colloques, de formations, de rencontres professionnelles plus ou moins formelles ou de rendez-vous avec des clients.

D’abord, parce que notre avenir professionnel peut en dépendre largement. Cela n’est jamais bien vu, au travail, de ne « pas avoir l’esprit d’équipe », ou d’être « quelqu’un de froid et distant » qui « reste dans son coin ». Or, notre handicap auditif peut nous isoler des autres qui nous percevront alors de cette façon. Notre bilan annuel peut même en pâtir, et avec cela nos perspectives de carrière.

Ensuite, parce que des gens comptent sur nous et notre participation. La plupart des entreprises fonctionnent avec des réunions, car c’est la meilleure façon de partager des idées, de trouver des solutions ou de faire le point sur des projets. Quand on entend bien, du moins.

Parce que quand on entend pas bien, les réunions se transforment vite en cauchemar.

Pourquoi ?

Eh bien, parce qu’il s’agit d’un groupe de personnes dans une salle souvent trop grande, au plafond trop haut ou à l’acoustique déficiente. Certaines personnes sont timides et parlent en murmurant presque, ou en mettant la main devant la bouche, ou sans articuler. D’autres s’interrompent, augmentant ainsi la difficulté qu’un malentendant peut avoir à suivre la conversation. La salle résonne souvent, amplifiant ainsi tous les bruits annexes. Et il y aura toujours des collègues qui seront trop loin de la personne qui entend mal, ou qui seront en contre-jour, et il sera impossible de lire sur leurs lèvres.

Au bout du compte, la réunion demandera un effort de concentration incroyablement épuisant au malentendant, pour des résultats de compréhension bien inférieurs à ce qui serait nécessaire pour vraiment participer.

Alors comment faire ?

Voici les stratégies que j’ai pu tester. Elles sont toutes imparfaites, bien sûr, mais permettent de quitter la réunion en étant moins déprimé que si on ne les applique pas du tout.

  • En parler à la personne qui anime la réunion

Si l’on participe à une formation ou à un colloque, par exemple, il est très utile de parler au formateur ou au conférencier de son handicap. Cela permet de se mettre devant, le plus près possible de la personne qui parlera la plupart du temps.

En attirant l’attention du formateur ou conférencier sur notre difficulté à entendre, on lui donne en outre l’occasion de faire attention à nous, de mieux contrôler la façon dont il parle et de s’assurer régulièrement de notre compréhension.

  • En parler aux collègues

Lors d’une réunion participative, cela peut être bien de dire ou rappeler aux collègues que l’on entend mal. Il vaut mieux aussi leur demander de parler assez fort et clairement, pour qu’ils puissent faire un effort conscient.

Malheureusement, les efforts ne sont souvent pas soutenus plus de quelques minutes. Les gens oublient.

Alors, faut-il interrompre constamment la réunion pour dire que l’on n’arrive pas à suivre ? C’est une prise de position difficile…

  • Influencer le choix de la salle

Si c’est possible, demandez aux organisateurs de la réunion de choisir la meilleure salle possible au niveau acoustique.

Une salle plus petite, avec des plafonds plus bas, une salle qui ne résonne pas trop grâce à des panneaux acoustiques par exemple, permettra une meilleure transmission du son, et donc une meilleure compréhension pour un malentendant.

De même, un groupe assis autour d’une table ronde pas trop grande sera plus facile à comprendre que des personnes éparpillées autour de tables disposées en U ou en carré.

  • Choisir sa place

Il y a plusieurs stratégies pour choisir sa place : on peut s’installer au milieu, de façon à voir tout le monde, ou à côté/en face de la personne qui va parler le plus, à côté de la personne qui parle le moins fort, de façon à avoir le maximum de personnes du côté où on entend le moins bien, etc.

A vous de tester et de voir ce qui vous convient le mieux, sachant que le choix de la place peut aider, mais les résultats ne seront pas magiques pour autant.

  • Utiliser la télécommande des appareils

Si vous avez une télécommande avec vos appareils, c’est le moment de l’utiliser. Les réunions professionnelles sont une des rares occasions où j’utilise la mienne.

C’est vraiment là que j’apprécie la possibilité de régler le volume suivant la personne qui parle, et de diminuer les aigus lorsqu’il y a des bruits qui claquent (stylos posés sur la table, bruits de chaises, etc.), ou de les augmenter pour améliorer la compréhension.

  • S’appuyer sur les supports visuels

S’il y a une présentation projetée, un ordre du jour imprimé ou autre support visuel, cela permet au malentendant de suivre grosso modo les conversations.

Si les réunions auxquelles vous assistez ne s’appuient sur aucun élément visuel, demandez-en, car cela vous aidera énormément à vous raccrocher à ce qui est dit.

  • Le Saint Graal : le compte rendu écrit

En dernier recours, demandez qu’une personne prenne des notes, et fasse un compte rendu écrit de la réunion. C’est là que vous pourrez vraiment comprendre les grandes lignes de ce qui a été dit. Un compte rendu vous permettra aussi de faire vos retours par courriel si nécessaire.

Tous ces éléments peuvent aider à la compréhension lors d’une réunion professionnelle. Mais cela ne permettra pas une compréhension parfaite de la réunion.

Certaines aides technologiques, comme des micros déportés, ou des salles équipées de micros, peuvent aider à une meilleure compréhension, mais je ne les ai pas encore testées.

Le mieux reste encore, d’après mon expérience, d’accepter qu’on ne comprendra pas tout, et d’en parler avec les personnes responsables pour limiter les conséquences que cela peut avoir sur notre carrière. Puis de privilégier les rencontres en petits groupes ou en face à face.

Je continue à aller à des réunions professionnelles, même si je sais que je ne comprendrai pas tout. Il arrive que je ne parvienne à suivre aucune des discussions du groupe, ou presque. Mais je m’arrange toujours pour pouvoir parler à quelques personnes en tête à tête, avant ou après la rencontre, de telle sorte que ces réunions ne soient jamais une perte de temps, et toujours l’occasion de faire du réseau, et de rester en contact avec les autres dans mon domaine. Voire de prendre des rendez-vous pour des rencontres en plus petits groupes, afin de discuter de thèmes précis.

Et vous, comment gérez-vous les réunions professionnelles auxquelles vous participez ? Avez-vous trouvé d’autres moyens d’en tirer le maximum ?

Et si vous travaillez avec des malentendants, comment les incluez-vous dans vos réunions ?

Vivre avec un malentendant, ou l’apprentissage de la patience – 2ème partie

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Être conjoint de malentendant, c’est adopter un rôle complexe et pas toujours facile. En plus des frustrations liées aux éléments que j’ai évoqués la semaine dernière, comme les efforts à faire constamment pour se faire comprendre, ou les disputes qui découlent directement ou indirectement du handicap, le conjoint doit accepter une réalité lourde de sens :

Le conjoint, pour peu qu’il n’ait pas lui aussi des soucis d’audition, entend mieux que le malentendant.

C’est une lapalissade, certes.

Mais la conséquence de cet état de fait, c’est que naturellement, la personne malentendante va avoir tendance à s’appuyer sur son conjoint dans différentes situations.

Et cela peut poser problème.

  • Le conjoint-intermédiaire

Ainsi, dans les situations sociales, le conjoint va parfois devenir le traducteur ou l’intermédiaire de la personne malentendante.

En effet, c’est plus facile demander à son conjoint de répéter ce qui vient d’être dit par une tierce personne que l’on connaît peu, que de le demander directement à la tierce personne en question. Peut-être parce que faire répéter, c’est déjà un aveu de notre handicap, et qu’il faut ensuite donner des explications, et se justifier d’une partie de soi que l’on aimerait ne pas avoir à dévoiler. Pas tout de suite, en tout cas.

Et quelquefois, c’est plus rassurant de se cacher derrière son conjoint que d’assumer cette perte d’audition qui pourrait être jugée comme étant une tare ou un problème par quelqu’un que l’on ne connaît pas, ou pas beaucoup, et qui nous intimide peut-être.

De même lors de rendez-vous chez le docteur. Ou pour les appels téléphoniques que l’on reçoit. Et si l’on n’y prend pas garde, le conjoint finit par être celui qui fait le lien entre la personne malentendante et la tierce personne ou le monde extérieur.

Le problème, c’est que plus on s’appuie sur notre conjoint pour avoir accès au monde extérieur, et moins on arrive à communiquer de façon autonome. Au bout du compte, la tentation est grande d’arrêter de voir des gens, de prendre des rendez-vous, ou de faire des activités, si notre conjoint n’est pas disponible.

Et en perdant notre autonomie, on perd aussi notre force, notre respect de nous-même, notre goût de l’aventure, et notre envie d’aller vers les autres.

  • Le conjoint défenseur ou protecteur

Notre conjoint peut aussi être notre meilleur défenseur dans les situations difficiles. En particulier si quelqu’un nous juge, nous dénigre, sous-estime notre handicap ou qu’on se moque de nous de façon ou d’une autre. Son sang ne fait qu’un tour à la moindre remarque pernicieuse ou à la moindre attitude méprisante à notre égard.

Souvent, dans ces situations, on ne perçoit pas la remarque désobligeante qui nous a été adressée, ou on ne se rend pas compte de l’intention qu’il y a derrière, et on n’y réagit donc pas. Mais quand un conjoint se met à bouillir d’indignation et réagit encore plus qu’on ne l’aurait fait si on avait compris ce qui a été dit, il y a là quelque chose de profondément rassurant. Cela montre que notre conjoint est avant tout de notre côté.

Bien sûr, tous les couples ont leur histoire, et tous les conjoints ne sont pas protecteurs.

  • Ce qui peut déraper – les milieux toxiques

Dans certains couples, certaines familles ou entourages, le handicap auditif d’une personne est vu avant tout comme une source de frustration. Le malentendant peut ne pas être pris en compte comme une personne à part entière par son entourage, et on va se permettre, par exemple, de parler de lui (de façon négative) pendant qu’il est là, sachant qu’il ne comprendra pas ce qui est dit.

Le malentendant peut aussi être infantilisé. Un mari qui considère que sa femme malentendante est incapable d’aller à la banque toute seule, par exemple. Si le mari a honte de la perte d’audition de sa femme, ne la prend pas au sérieux ou ne l’assume pas, il peut la faire passer pour plus stupide qu’elle n’est, au lieu de simplement parler de cette perte d’audition (ou de la laisser en parler).

La lassitude de devoir toujours répéter les choses peut aussi pousser la personne qui entend bien à parler sèchement, à montrer son énervement de diverses façons, et même à devenir condescendante ou méprisante avec son conjoint malentendant.

Tous ces comportements rendent l’environnement du malentendant toxique. Ce n’est pas facile d’assumer une perte d’audition, et de vivre avec au quotidien. Mais quand on est constamment infantilisé, méprisé ou l’objet de la colère et de l’énervement de son entourage, c’est encore plus difficile de le vivre bien.

Le malentendant peut lui aussi se sentir frustré de ne pas entendre comme il faut, et devenir aigri, abrupt et agressif dans ses interactions avec son entourage.

Chacun est différent dans son appréhension du handicap, qu’il en soit lui-même affecté ou non.

Le fait que la communication entre deux conjoints ou deux membres d’un foyer ne coule pas de source ajoute un obstacle à la relation. Cet obstacle peut être géré de différentes façons.

Plus on parvient à prendre les difficultés avec humour et légèreté, et plus c’est facile. Mais ce n’est pas toujours possible. Certains jours sont plus compliqués que d’autres et je me suis rendu compte que c’est important d’accepter les émotions douloureuses qui accompagnent les moments difficiles.

Et un conjoint qui apporte son soutien et son amour pendant ces moments éprouvants, c’est peut-être une des choses les plus apaisantes qui soit.

Vivre avec un malentendant, ou l’apprentissage de la patience – 1ère partie

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Ce n’est pas toujours facile d’être malentendant.

Ca peut être lourd, fatigant, déprimant.

Mais ce n’est pas évident non plus d’être dans l’entourage immédiat d’un malentendant. Le conjoint, en particulier, doit aussi affronter et gérer ce handicap.

C’est aussi le cas des enfants, parents, colocataires ou autres personnes qui vivent au quotidien avec la personne malentendante. Je parlerai avant tout du rôle du conjoint dans cette petite série de deux articles, mais ce que j’évoque peut être transposé sans difficulté à toute personne très proche du malentendant.

Il y a plusieurs raisons à ces difficultés :

  • Les efforts constants à faire pour se faire comprendre

Parler comme il faut, attirer l’attention avant de parler, ne pas cacher sa bouche, se mettre bien en face, et en général être conscient à tout moment que l’autre entend mal.

Il faut y penser à chaque fois que l’on essaie de communiquer, que l’on soit seuls ou en groupe, à la maison ou dehors.

Mais des fois, on oublie. On parle en tournant le dos, en faisant la vaisselle ou depuis une autre pièce. Et il faut répéter. Et répéter encore.

Et puis, des fois, la personne malentendante oublie aussi qu’elle entend mal, et pose une question à l’autre qui est à l’autre bout de la maison, sans se rendre compte (jusqu’à ce que ce soit trop tard) qu’elle ne pourra pas entendre sa réponse. Et ça donne quelque chose comme :

– Dis, t’as mis où le papier du loyer ?
– Sur la table du salon (l’autre personne répond depuis là où elle est)
– Ah je t’entends pas…

Ben oui, forcément !

Et il y a les jours où on est tellement fatigué ou préoccupé que c’est trop difficile de parler fort et clairement, de faire attention, de penser à tout. Et il faut répéter chaque phrase, au moment où on a le moins d’énergie pour le faire. Alors on s’énerve. On sait très bien que ce n’est pas de la faute de la personne si elle entend mal. Mais chaque effort demande tellement d’énergie que la frustration fait surface malgré tout.

Et comme par hasard, ce sont souvent à ces moments-là que l’autre, fatigué lui aussi, entend encore moins bien, et fait répéter encore plus.

  • Les disputes inutiles

J’ai remarqué qu’une partie non-négligeable des disputes qui peuvent se produire dans mon foyer ont un point d’origine commun : j’ai mal compris quelque chose.

Il suffit que je loupe un mot, ou le sens d’une phrase, et je vais répondre d’une certaine façon. Ma réponse ne correspond pas aux attentes de l’autre et, pour peu que j’aie parlé avec conviction et que ma réponse soit vraisemblable, l’autre peut mal le prendre, et là, ça dégénère.

De même si ce que j’ai (mal) compris m’énerve directement.

Genre :

– Ah quand même, t’exagères, de dire ça ! C’est pas vrai !
– Mais,… comment ça ?
– Euh, mais alors, qu’est-ce que t’as dit, en fait ?

Et ça, c’est si par chance ma réaction est vraiment incompréhensible pour l’autre par rapport à ce qui avait été dit à la base.

Parce qu’il arrive qu’on parte dans une dispute, pour se rendre compte une demi heure plus tard qu’elle n’avait absolument pas lieu d’être parce qu’on était tout à fait d’accord, en fait.

C’est épuisant.

Pour l’autre, et pour moi.

J’ai aussi vu des couples où la dispute éclate parce que la personne malentendante a manqué une information primordiale à un moment donné.

– Pourquoi tu ne m’as pas dit que les Untel venaient manger demain ?
– Mais je te l’ai dit ! Hier midi, après leur coup de fil !
– Mais non, tu me l’as pas dit ! Ou alors j’avais pas compris ça, moi !

C’est la faute à qui ? Au malentendant, de ne pas avoir dit qu’il n’avait pas compris ce qui avait été dit ? Il y a de fortes chances qu’il ne s’en soit même pas rendu compte.

Au conjoint entendant, de ne pas s’être assuré que la personne malentendante avait tout bien compris de son message ? Pas si évident.

Bien sûr, et heureusement, on peut mettre des choses en place pour éviter, ou diminuer la fréquence de ces moments difficiles. Mettre les rendez-vous importants par écrit, noter les choses, vérifier la compréhension de l’autre, etc. Mais cela ne résout pas toujours tout, et on n’atteint pas un degré de zénitude extrême du jour au lendemain.

La semaine prochaine je parlerai de plusieurs autres rôles que le conjoint peut être amené à jouer, avec ce qui peut déraper, et comment garder son indépendance autant que possible.

A la pêche aux idées…

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Le début de cette semaine était brumeux. Un brouillard dense, blanchâtre et opaque, qui empêchait toute visibilité et rendait la respiration difficile.

Et tandis que je réfléchissais au thème à aborder cette semaine, dans ce blog, j’ai eu l’impression que le brouillard avait envahi jusqu’à mon cerveau. Mes méninges en surchauffe n’arrivaient à se fixer sur aucune idée pertinente. Et malgré les nombreuses possibilités (j’ai plusieurs listes !), aucun thème ne retenait mon attention.

Alors je me suis dit :

Il est peut-être temps sortir de mes idées, de m’ouvrir, et de vous demander à vous, mes lecteurs, ce que vous souhaitez lire !

Quels sont les thèmes que vous aimeriez que j’aborde ?

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez ?

Connaissez-vous une personne sourde ou malentendante (ou autrement handicapée) qui vous inspire, et dont vous aimeriez que je parle ?

Un livre ou un film que vous aimeriez que je chronique ?

Une technologie que vous aimeriez que j’évoque ?

Une ou des émotions que vous devez affronter ?

Souhaitez-vous que je traite plus en profondeur un thème que j’ai déjà évoqué ?

C’est l’occasion de me faire passer vos suggestions, et de contribuer à mon blog !

Vous pouvez me répondre en commentant sur cet article, ou en m’envoyant un email sur ma page de contact. Je répondrai à toutes les suggestions autant que possible.

Communiquer en groupe : l’enfer, c’est les autres ?

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« Tu viens demain ? »

Une petite question anodine, posée par un ami rencontré par hasard dans la rue. Une petite question qui déclenche chez moi de nombreuses interrogations et émotions, qu’il me faut gérer avant de pouvoir y répondre.

Qu’il s’agisse d’une rencontre avec des amis dans un café, d’une soirée prévue chez quelqu’un, ou même peut-être d’un repas, cela ne change pas grand chose.

Est-ce que je vais arriver à comprendre ?

Est-ce que je vais avoir l’énergie et la concentration de suivre ce qui est dit ?

Est-ce que ça vaut le coup d’y aller ?

Est-ce que je ne vais pas rentrer déprimée, me sentant exclue et seule ?

Aurai-je l’impression d’avoir perdu mon temps ?

Et toutes ces questions tournent en quelques secondes dans mon esprit surchauffé, jusqu’à ce que je parvienne à répondre, en général « oui » parce que malgré tout, je n’aime pas abandonner avant d’avoir essayé.

Mais une fois arrivée sur le lieu de rencontre en question, c’est un véritable parcours du combattant qui commence.

  • Le bruit

C’est la première chose.

Parce qu’une rencontre avec plusieurs personnes, c’est bruyant. Même si on se retrouve chez quelqu’un, que l’ambiance est calme et qu’il n’y a pas de musique en arrière-plan. Il suffit que l’on démarre une conversation où tout le monde s’enthousiasme, rit ou se passionne, pour que le niveau de décibels augmente.

Alors si en plus, on se retrouve dans un café, dans un restaurant, que la musique est forte ou simplement qu’il y a du bruit, alors cela complique drôlement la compréhension pour moi.

  • Les conversations croisées

Qui dit groupe de personnes dit des conversations qui s’entrechoquent, se croisent et se développent en parallèle.

Le brouhaha du groupe devient complètement incompréhensible, et même anxiogène, si je me retrouve prise au milieu de plusieurs conversations. A part m’extraire du groupe et me déplacer pour pouvoir tenter de suivre une seule conversation, ou converser avec une seule personne, je n’ai pas beaucoup d’options.

  • La lecture sur les lèvres est difficile

L’environnement est souvent trop sombre, mal éclairé, ou avec des contre-jours qui sont autant d’obstacles à la lecture labiale. Et s’il y a plusieurs personnes, elles ne pourront pas toutes être bien placées pour que je puisse voir leur visage et leurs lèvres.

Or, les mouvements des lèvres et du visage de l’interlocuteur sont une composante essentielle de la compréhension de la parole pour moi.

  • Les personnes sont trop éloignées

Quand on est en groupe, que l’on soit assis autour d’une table, debout dans une salle ou sur des canapés autour de tables basses, il y aura toujours une ou plusieurs personnes qui seront trop éloignées de moi, ou trop mal placées par rapport à moi pour que je comprenne ce qu’elles disent.

Il y aura aussi toujours des personnes qui parleront trop doucement, trop vite, ou pas assez clairement pour que je puisse suivre ce qu’elles disent, même si elles sont à côté de moi.

  • Qui parle ?

Dans une conversation naturelle à plusieurs, les gens s’interpellent, s’interrompent et les paroles fusent de l’un à l’autre. Et moi, j’ai du mal à savoir qui parle. Ou de quoi on parle, d’ailleurs.

Si je me concentre très fort sur une personne proche de moi, qui parle assez distinctement et dont je peux voir le visage, j’arrive à comprendre presque tout ce qu’elle dit. Mais si le sujet de la conversation n’est pas répété, eh bien, j’aurai compris l’opinion de cette personne sur… un sujet inconnu.

Les moments où je suis au milieu d’un groupe sont ceux où j’ai le plus conscience de mon isolement. Et quelquefois, c’est vraiment douloureux. Mais la plupart du temps, je parviens à faire en sorte que l’expérience en vaille le coup.

Comment ?

Alors déjà, j’évite les lieux bruyants autant que possible. Si je sais que la soirée est dans une salle de concert, qu’il va y avoir de la musique, ou que le lieu va être très bruyant pour une raison ou pour une autre, j’y réfléchis à deux fois avant d’y aller. Si mon objectif est de voir un concert, alors je m’arme de mes bouchons d’oreille et j’y vais. Et tant pis si je ne peux pas trop communiquer. Mais si l’objectif est de voir les gens et de leur parler, alors je sais que ce n’est pas la peine.

Ensuite, une fois sur place, je me rapproche physiquement des gens avec qui j’entame une conversation. C’est plus facile s’il s’agit d’un lieu où l’on peut circuler librement. Dans le cas où on est assis autour d’une table, j’aurai tendance à parler avec mes voisins directs uniquement (d’où l’importance de bien les choisir !).

Si je peux, je parle de mon problème d’audition. Cela peut se faire sous la forme d’un « J’ai décroché, là. Vous parlez de quoi ? » lancé à la cantonade. C’est ce que je ferai si je suis avec un groupe d’amis qui me connaissent et sont au courant de mon handicap.

Je peux aussi simplement expliquer à la personne avec qui je parle que je suis malentendante et que j’ai besoin qu’elle parle clairement et en me regardant pour que je la comprenne.

Si c’est possible, je privilégie la conversation avec une personne à la fois.

J’ai remarqué que du coup, j’ai tendance à avoir des conversations profondes et relativement intimes. Cela me demande tellement de concentration de suivre une conversation dans un environnement bruyant ou dans un groupe, qu’il faut que ça en vaille la peine ! Alors j’évite les bavardages insignifiants ou superficiels.

Et en dernier lieu, je passe par l’écrit. C’est là où c’est bien pratique d’avoir son smartphone à portée de main, avec une application de notes facile à utiliser. C’est comme si j’avais une ardoise, et le rétroéclairage permet de s’en servir même dans les lieux sombres.

Bien sûr, je n’utiliserais pas l’écrit pour mener toute une conversation avec quelqu’un que je connais peu. Mais c’est bien pratique, surtout quand l’environnement est très bruyant, de pouvoir échanger quelques mots avec mes proches de cette façon.

Au bout du compte, même si les situations de groupe restent difficiles pour moi, je m’arrange toujours pour avoir au moins une ou deux conversations significatives, qui me permettent de repartir le sourire aux lèvres, sachant que ma présence n’aura pas été totalement inutile ou invisible.

Et vous, comment gérez-vous les situations de groupe ? Comment les malentendants de votre entourage se comportent-ils en groupe ? Avez-vous trouvé des astuces qui vous aident à mieux communiquer ?

L’outil ultime du malentendant : le smartphone

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Quand on réfléchit aux outils qui peuvent aider un malentendant, on ne pense pas toujours aux objets courants, que tout le monde possède et utilise, ou presque. Et pourtant, le smartphone, ou téléphone intelligent, est un des outils que j’utilise au quotidien, et qui m’aide dans bien des situations en lien avec ma perte auditive.

De nombreuses raisons en font un compagnon de choix, qui ne me quitte jamais.

  • La « coolitude » de l’objet

Le smartphone est un des objets technologiques les plus répandus à l’heure actuelle. La plupart des personnes qui ont une vie sociale et professionnelle active en ont un.

Pouvoir l’utiliser pour faciliter la compréhension quand on est malentendant, c’est un des éléments qui nous projette de l’état de « personne handicapée avec prothèses auditives » à celui de « personne à la pointe du progrès technologique ».

Le côté jeune, actif, dans le vent, nous aide à nous intégrer dans un monde largement basé sur la technologie.

  • La magie de la communication écrite

La possibilité de recevoir un texto ou un email à la place d’un appel téléphonique rend la communication bien plus facile. Finis ces moments de sueur froide où je répond au téléphone et ne parviens pas à identifier la personne, ou l’organisme, qui m’appelle.

« Pourriez-vous m’envoyer un email s’il vous plaît ? J’entends très mal au téléphone. »

Et la plupart du temps, la communication arrive ainsi par écrit, le smartphone m’y donne un accès immédiat, et la compréhension du message est assurée sans effort de ma part.

Et ça, il faut bien le dire, c’est très reposant.

  • La qualité du son numérique

Les smartphones actuels de bonne qualité possèdent des composantes électroniques qui assurent un excellent son numérique.

Cela me permet de recevoir ou de passer un appel, alors qu’avec un téléphone fixe, cela n’est plus possible. Après, même avec le smartphone, il faut certaines conditions pour que je puisse comprendre une personne au téléphone, et il s’agit presque toujours de conversations courtes, avec un objectif pratique.

La période où je passais des heures au téléphone avec famille et amis, à parler de tout et de rien, est maintenant bel et bien révolue. Mais heureusement, il reste toujours d’autres moyens de communication (Dieu merci, Skype existe !).

  • L’accès à la musique (avec un bon casque)

Grâce au son numérique, j’arrive même à écouter un peu de musique ! Il me faut un bon casque, bien sûr, mais une fois le casque adéquat trouvé, le son du smartphone est assez clair pour m’aider à saisir une partie de la richesse sonore de certaines musiques.

Bien mieux que le son de ma chaîne hifi, ou le son des haut-parleurs de la voiture ou de l’ordinateur, en tout cas.

  • Et bientôt : La possibilité d’avoir des appels transcrits par écrit

Les smartphones deviennent de plus en plus pertinents pour les personnes malentendantes, grâce à la myriade d’applications que l’on peut installer dessus.

La preuve : Un entrepreneur sourd est en train de développer une application qui pourra transcrire « instantanément sur votre smartphone les propos de votre interlocuteur pendant qu’il parle. »

La technologie de transcription de la voix a beaucoup progressé ces dernières années, et une application de ce genre permettra à de nombreux malentendants de pouvoir recommencer à téléphoner sans crainte.

Je l’attends moi-même avec beaucoup d’impatience !

  • Et déjà : une télécommande pour les appareils auditifs

Depuis peu, certains appareils auditifs sont compatibles avec un smartphone. Un utilisateur a d’ailleurs détaillé les fonctionnalités de ses aides auditives qui sont couplées avec son iphone.

Bien sûr, cela ne concerne pas toutes les prothèses auditives, ni même tous les smartphones pour l’instant. Apple a été le premier à rendre son iphone compatible. Mais des applications sont en cours de développement pour les autres plateformes mobiles, et l’année 2015 devrait apporter de grandes avancées à ce sujet.

Mais pourquoi faire, me demanderez-vous peut-être ? Pourquoi coupler des aides auditives avec un smartphone ? N’est-ce pas un gadget inutile ?

Eh bien, j’ai toujours eu une télécommande avec mes appareils, depuis mon premier appareillage en 2009. Cette télécommande peut être utilisée pour augmenter ou diminuer le volume, pour augmenter ou diminuer les aigus, ou pour changer de programme.

smart control

Voici à quoi ressemble ma télécommande actuelle.

La télécommande améliore-t-elle le confort auditif ? Sans aucun doute. Mais je ne m’en sers quasiment jamais.

Pourquoi ? Je n’y pense pas. Les appareils sont dans mes oreilles et je les y oublie volontiers. Du coup, la plupart du temps, je n’ai pas le réflexe télécommande, parce que je ne pense ni à mes appareils, ni à ma perte d’audition.

Et puis, c’est voyant, de sortir une télécommande étrange de son sac pour subitement pianoter dessus. Ma télécommande actuelle émet des lumières bleues et rouges à chaque fois que je modifie un réglage, autant dire que ce n’est pas très discret.

Pianoter sur un smartphone, par contre, tout le monde le fait constamment.

Or, les appareils auditifs compatibles proposent une application à télécharger sur le téléphone, qui remplace la télécommande peu pratique des fabricants d’aides auditives. Depuis l’interface de l’application, on peut changer le volume, les aigus, les programmes, et bien d’autres fonctions encore.

  • Et même : un micro déporté à moindre coût !

Ca, c’est la cerise sur le gâteau ! Le smartphone peut devenir un micro déporté, lorsqu’il est couplé avec les appareils auditifs.

Concrètement, cela signifie que le micro du smartphone peut être utilisé pour saisir les paroles d’une personne ou d’un groupe de personne, et le son est retransmis directement dans les appareils auditifs.

En gros, au lieu de se pencher vers ses interlocuteurs, on leur passe le téléphone, et voilà ! Cela permet une amélioration non négligeable de la qualité d’écoute.

Je m’étais renseignée, il y a quelques années, sur les coûts associés aux systèmes de micros déportés, compatibles avec les aides auditives. Ils se chiffraient en milliers d’euros.

Et là, avec un smartphone à 500 euros, on a une technologie similaire qui, même si elle n’atteint peut-être pas le niveau de qualité des micros spécialisés, est accessible à bien plus de malentendants, et peut contribuer grandement à un meilleur confort d’écoute.

Une chose est sûre, mes prochains appareils auditifs seront connectés !

Perte d’audition : le ridicule ne me tuera pas

honte

 

Imaginez… Une soirée entre amis, tout le monde papote autour de la table, et la conversation se concentre sur un de vos amis, qui vient de rentrer d’un voyage autour du monde. Chacun le presse de questions, il raconte quelques anecdotes. Vous saisissez quelques mots ici et là, guère plus, mais soudain vous décidez de participer à la conversation.
– Mais alors, tu es allé au Cambodge finalement ?
Une gêne épaisse semble tomber sur l’assemblée tandis que votre ami baisse le regard, et bafouille :
– Euh, oui, c’est ce que je viens de raconter.
Et vous vous rendez compte que cela fait dix minutes qu’il ne parle que de cela.

Tout comme la blague ou le bon mot que vous sortez, fier d’avoir suivi la conversation d’assez près pour intervenir à bon escient. Mais votre femme/ami/collègue vient de dire exactement la même chose, et vous le fait remarquer.

Ou bien la conversation surréaliste avec une personne que vous venez de rencontrer :
– Et toi tu fais quoi dans la vie ?
– Ah oui, j’aime bien le rock aussi !
– Euh ah d’accord…
Une bonne âme vous répètera alors peut-être la question d’origine, vous remettant ainsi dans le droit chemin et vous couvrant de honte par la même occasion.

C’est peu dire qu’une perte d’audition vous mettra un jour ou l’autre dans une situation de ridicule. C’est quasiment inévitable, à moins de devenir totalement asocial, et d’éviter la compagnie des autres autant que possible. D’ailleurs, c’est le choix que certaines personnes célèbres, comme Beethoven, ou Jean-Jacques Rousseau, ont fait, suite à leur perte d’audition : ils se sont éloignés des autres au point d’en devenir misanthropes. Et c’est une possibilité, en effet. S’isoler. Elle est souvent tentante, à un moment ou à un autre. Ce serait tellement plus facile de ne pas avoir à faire tous ces efforts pour comprendre les autres, avec le risque de tomber à côté de la plaque malgré tout. Autant rester seul chez soi, avec ses livres, ses films et la télévision sous-titrée !

  • L’humour

Malgré tout, même quand je suis submergée par cette émotion, il arrive toujours un moment où j’ai de nouveau envie, et besoin de voir d’autres personnes, et de partager des choses. Alors je trouve des astuces pour gérer le ridicule. J’en ai trouvé une qui marche très bien : l’humour. Certes, ce n’est pas toujours facile d’avoir assez de distance pour pouvoir rire de soi. Mais quand je me sens bien, que j’assume ma perte d’audition, que j’en parle, alors j’arrive aussi à en rire. Cela détend toutes les situations, et le ridicule devient drôle, et non honteux.

  • Le détachement

Quand je n’arrive pas à me sentir assez bien pour rire de la situation, alors je tente de m’en détacher. Une grande respiration, et j’essaie de penser à quelque chose de positif. Je laisse glisser la situation embarrassante qui vient de se produire, et je lâche prise. Là encore, je n’y arrive pas toujours. Mais il arrive que non seulement je réussisse à me détacher du ridicule, mais que j’en profite même pour utiliser une autre astuce :

  • Les explications

C’est l’occasion de passer par dessus la honte et le ridicule, et d’expliquer simplement ce que ma perte d’audition signifie. Ce que je vis au quotidien, en quelque sorte. Cela permet à l’autre de mieux comprendre, et cela m’aide aussi à me sentir plus sûre de moi, et à continuer à prendre des risques conversationnels, quitte à être ridicule à l’occasion.

  • De la douceur

Astuce ultime dans ma boîte à outils : si je ne me sens pas assez bien pour rire de la situation embarrassante dans laquelle je viens de me mettre, si je n’arrive pas à m’en détacher, si je n’ai pas la force d’expliquer à l’autre ce que je ressens, et si au bout du compte je me sens juste seule, honteuse, en colère contre moi-même et mon incapacité à suivre les conversations, et victime de ce handicap complètement arbitraire et injuste, alors j’essaie d’être aussi douce que possible avec moi-même. Peut-être est-ce le moment de quitter cette soirée, de rentrer chez moi et de prendre un bon bain, ou de siroter une tisane en lisant un livre qui m’inspire et me détend. Et plus tard, quand je serai calmée, je pourrai me pardonner. Lâcher prise de ce moment.

Et je peux ensuite repartir, prête à affronter d’autres moments qui ne seront peut-être pas tous évidents à gérer. Mais pour chaque situation difficile, le risque que je prend, en étant au contact des autres malgré mon handicap, me récompense par de nombreux moments intenses de partage, de conversations profondes et intéressantes, et de rencontres enrichissantes. Et cela vaut le coup.

Et vous, comment vivez-vous ces situations ? Les sentiments de ridicule, et de honte, ne touchent pas que les malentendants, bien sûr. Avez-vous trouvé d’autres astuces pour gérer ces émotions ?

Livre : grandir avec des parents sourds quand on entend…

 

Je suis tombée par hasard sur ce livre, qui m’a été chaudement recommandé. Je m’y suis jetée à corps perdu, et je l’ai lu en quelques jours. Il se lit vite. Très vite même. Les premières lignes donnent bien le ton :

« Mes parents sont sourds.
Sourds-muets.
Moi pas. »

Et de là part une myriade de petits chapitres, longs de quelques paragraphes ou de quelques pages, remplis d’anecdotes savoureuses et d’émotions brutes. la difficulté de grandir avec des parents sourds quand on entend. L’envie de pouvoir partager les mots que l’on apprend, et que l’on aime, avec ses parents, mais l’impossibilité de le faire. La honte d’avoir des parents « différents ».

Le livre est vite lu, mais pas vite oublié. Des passages entiers restent en mémoire, comme celui où la narratrice adolescente rentre de l’école en criant « Salut, bande d’enculés ! » Et sa mère, qui n’a rien entendu, bien sûr, l’embrasse avec tendresse.

Véronique Poulain met en évidence, d’une façon crue et directe, sans tabou, mais non sans tendresse, le fossé qui sépare le monde des entendants de celui des sourds. Et son malaise, en grandissant avec une audition « normale », et se rendant compte que ses parents ne sont pas comme tout le monde, est très bien montré, tout comme la fierté qu’elle éprouve malgré tout à leur égard, et qui lui permet de terminer le livre sur une note très positive.

Cette lecture m’a fait réfléchir. L’écart entre le monde des sourds et celui des entendants est évident. Ce sont deux cultures, avec une langue, et une façon d’être bien distinctes. Mais qu’en est-il du monde des malentendants ? De ceux qui ne parlent pas la langue des signes, mais qui ne parviennent pas non plus à s’insérer parfaitement dans la culture orale sans aide ? Nous ne sommes pas complètement sourds, et surtout nous ne connaissons pas la langue des signes. Du coup, la culture sourde nous est inaccessible. Les efforts qui sont faits pour rendre la culture compréhensible aux sourds, grâce à des pièces de théâtre ou autres événements doublés en langue des signes, ne nous aident en rien. Nous sommes d’ailleurs tout aussi démunis face à un sourd signant qu’un entendant.

Et pourtant, la culture entendante ne nous est pas tout-à-fait accessible non plus. Les films, la musique, les pièces de théâtre, les conversations de groupe sont difficiles, sinon impossibles à suivre. Nous sommes entre les deux. Le fossé entre nous et ceux qui entendent bien est moins important que celui que décrit Véronique Poulain, mais il est bien là : une fissure, qui reste invisible aux yeux des autres, tout comme notre handicap. Le défi est quotidien, tandis que nous tentons tant bien que mal de trouver notre place au sein d’une société dans laquelle le son est primordial.

Nous aussi, nous sommes confrontés à cette honte d’être différent, cette peur d’être à côté, d’être en décalage, d’être ridicule. C’est souvent si tentant de s’isoler, de s’éloigner des gens, de se réfugier dans les livres, ou dans sa vie intérieure. Mais j’ai remarqué une chose : j’ai envie de me sentir vivante, de sentir que j’appartiens à l’espèce humaine, et que je ne suis pas une île, perdue au milieu d’un océan déchaîné. Et pour cela, il faut que je détermine ce qui est important pour moi, et que je parvienne à le faire, coûte que coûte et quoi qu’il en soit. Tout comme Evelyn Glennie, il suffit d’être passionné par quelque chose pour ne plus se laisser abattre. Il y aura toujours des hauts et des bas. Mais tant que les hauts dominent, tout cela en vaut bien la peine…

Et vous, avez-vous déjà trouvé une passion, ou une façon d’être qui vous aide à avancer malgré votre handicap ou d’autres difficultés ? Ou bien, avez-vous accompagné ou aidé quelqu’un dans une situation similaire ? Quelle a été votre expérience ? Quels sont les éléments qui vous font retomber, et ceux qui vous aident à aller mieux ?

Les outils qui aident : les appareils auditifs

appareils auditifs

 

Quand on perd l’audition, on trouve de nombreuses façons de s’adapter. On regarde plus. On devient plus sensible aux émotions. On observe les autres, les situations et les lieux bien plus qu’avant. On s’appuie sur les autres sens pour compenser le handicap. Et il arrive que l’on s’appuie tellement sur ses capacités qu’on en arrive à oublier qu’il existe des technologies qui peuvent nous aider, au quotidien, à mieux entendre et à mieux communiquer. Parmi les quelques outils que j’utilise au quotidien, les appareils auditifs viennent en première place.

Et les prothèses auditives, c’est toute une histoire ! Une histoire très personnelle pour chaque malentendant. Il s’agit là d’une étape décisive à franchir dans l’acceptation de sa perte auditive. Ce n’est pas évident de passer du stade « Je n’entends pas bien, pouvez-vous répéter ? » (ou même « Je fais comme si j’avais entendu, tout va bien ») à « Je suis malentendant et je suis appareillé. »

Or, il est important de se faire appareiller assez tôt. Pourquoi ? Même avec une surdité légère, le cerveau perd l’habitude de percevoir certains sons. Plus on attend, plus la perte auditive est sévère au moment de l’appareillage, et plus difficile (et long) sera le temps d’adaptation, car le cerveau doit se réhabituer à percevoir ces sons, et doit souvent réapprendre à les identifier !

Mais quel que soit le moment où vous franchissez finalement le cap, il est important de suivre certaines règles pour que tout se passe pour le mieux :

– D’abord, obtenez l’aide d’un professionnel. N’essayez pas d’acheter des appareils auditifs à 200 € ou moins sur Amazon ! Cela ne vous aidera pas beaucoup. En effet, votre surdité est unique : vous entendez moins certaines fréquences que d’autres, et le fait d’augmenter simplement le volume pour tous les sons, et toutes les fréquences, ne vous donnera pas le confort d’écoute que vous recherchez, et cela risque au contraire d’endommager un peu plus votre audition ! Un audioprothésiste saura vous conseiller, et surtout pourra régler les appareils de façon à compenser votre perte auditive particulière.

– Si vous aviez essayé des appareils il y a plusieurs années, et que cela ne vous avait pas convenu pour une raison ou pour une autre, réessayez ! La technologie a vraiment fait un bond depuis quelques années, et les problèmes qui existaient il y a 10 ans, 5 ans ou même 2 ans pourraient bien avoir disparu. Allez voir un autre audioprothésiste, peut-être, d’autant plus si ça ne s’était pas très bien passé la dernière fois. Choisissez quelqu’un qui se trouve assez près de chez vous, parce que vous lui rendrez visite très régulièrement pendant la phase de réglage des appareils, privilégiez un professionnel avec qui vous vous sentez en confiance, et demandez un essayage gratuit !

– Rappelez-vous que ce n’est pas magique. Si vous venez de sortir de chez l’audioprothésiste et que tout est trop fort, que certains sons vous gênent ou que vos appareils sifflent, ne vous inquiétez pas ! Ne jetez pas vos appareils au fond d’un tiroir pour autant. Votre cerveau doit se réhabituer au niveau sonore normal, et doit recommencer à faire le tri entre les informations sonores qu’il n’avait plus l’habitude de gérer à ce volume. Il est même possible que vous deviez réapprendre à identifier certain bruits ou sons, ainsi que leur provenance. Cela prend un peu de temps. Si au bout de quelques jours, l’écoute est toujours inconfortable, retournez voir votre audioprothésiste et apportez-lui le maximum d’indications précises sur ce qui vous gêne (« J’ai du mal avec le bruit des talons dans la rue », « je ne supporte pas quand quelqu’un siffle », etc.). De cette façon, il pourra affiner le réglage de vos appareils. Cette phase de mise au point peut durer plusieurs semaines, soyez donc patient !

– Si vous avez une surdité des deux oreilles (pour autant que chaque oreille entende au moins un peu), et même si une oreille entend mieux que l’autre, faites appareiller les deux oreilles autant que possible. Cela permet un équilibre sonore au niveau du cerveau, et le temps d’adaptation sera d’autant plus court et moins difficile si vous n’avez pas à vous battre contre une perception déséquilibrée entre les deux oreilles. Vous trouverez plus d’informations sur ce sujet ici.

Il est important de savoir que les prothèses auditives ne sont pas l’instrument merveilleux qui résoudra absolument tous vos problèmes d’audition dans toutes les situations et qui vous permettra de faire comme si vous entendiez parfaitement bien en premier lieu. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Lorsque j’ai eu mes premiers appareils, j’ai rêvé que cela me permettrait de ne pas avoir à divulguer mon handicap (cette « faiblesse »). Tout comme une personne myope qui porte des lentilles n’a pas besoin d’en parler, je pensais pouvoir être dispensée des longues explications embarrassantes pour justifier un quiproquo ou une incompréhension. J’ai été très déçue de me rendre compte que, dans un environnement bruyant, je ne comprends toujours pas tout, et que je décroche rapidement des conversations de groupe malgré l’appareillage.

Et j’ai dû apprendre à en parler. Expliquer aux gens qui m’entourent et que je rencontre que je n’entends pas bien, et que s’ils me parlent en cachant leur bouche, ou en me tournant le dos, ou en étant à l’autre bout de la pièce, ou s’il y a beaucoup de bruit, je ne les comprendrai pas, même avec mes prothèses auditives. Et au fur et à mesure que j’assume mieux ma perte auditive, je me rends compte que je dois quand même beaucoup à mes appareils. Certaines conversations me sont maintenant accessibles, et même si la situation est difficile à cause du vacarme environnant, ce sont des conversations dont j’aurais été exclues dès le départ avant d’être appareillée. Les conversations en tête à tête sont aussi bien plus confortables. Plus besoin de tendre l’oreille et de faire un effort de concentration aussi intense pour comprendre mon interlocuteur. Pour moi, les appareils représentent le confort auditif que je ne pourrais pas avoir sans. Et à chaque fois qu’il est temps d’en changer, la technologie a tellement évolué qu’elle me permet un confort encore plus important, même si ma perte auditive s’est accentuée. 

Alors j’apprends à vivre avec, avec le rituel de les sortir de leur petit boîtier chauffant le matin, et de les y remettre le soir, qui est devenu presque aussi automatique que le brossage de dent quotidien. Et je suis très reconnaissante que ces petits objets puissent avoir un si grand impact dans ma vie, même s’ils ne « corrigent » pas ma perte auditive.

Et vous ? Êtes-vous appareillé ? Comment avez-vous fait, et vécu, le choix de porter des prothèses auditives ou non ? Quelle est votre relation avec vos appareils ? Et si vous avez un ou des malentendants, appareillés ou non, dans votre entourage, comment voyez-vous cette aide technologique ? Êtes-vous conscient que l’appareillage ne résout pas tous les problèmes d’audition ? Avez-vous déjà conseillé à des proches de se faire appareiller ? N’hésitez pas à commenter pour partager votre expérience !