Avant, je n’osais pas le dire. Maintenant, j’ose. C’est même souvent une des premières choses que je dis quand je rencontre quelqu’un. Par contre, comment est-ce reçu, perçu, compris ?
Je me suis rendu compte assez vite que la plupart des gens, quand je dis « Je suis malentendante », n’ont aucune notion de ce que j’entends par là. Qu’est-ce que cela implique, pour eux ? Comment doivent-il ajuster leur façon de communiquer pour que je puisse les comprendre ? Cela reste très flou. Le Bucodes SurdiFrance a créé une brochure sur ce sujet qui est très bien conçue, mais à laquelle tout le monde n’a malheureusement pas encore eu accès. Je vais donc tenter ici d’expliquer plus précisément ce que je veux dire quand je dis que je suis malentendante. Et tout d’abord :
- Je n’entends pas bien.
Cela signifie que, même si je suis appareillée, certaines fréquences ne passent pas aussi bien que d’autres, déformant du même coup vos paroles. À cause de cela, c’est difficile de comprendre ce que vous dites si vous ne faites pas un effort de clarté. Qu’est-ce que cela signifie exactement ? Eh bien tout d’abord que : -
Ce n’est pas la peine de hurler.
Si vous parlez trop fort ou si vous criez, vous aurez tendance à déformer davantage les sons, rendant ainsi la compréhension encore plus difficile pour moi. De plus, le fait d’être en face de quelqu’un qui crie peut me faire paniquer. Et dans ce cas, je risque de me bloquer et de ne plus rien comprendre à ce que vous dites. Parlez donc assez fort pour que je perçoive les sons, bien sûr, mais le plus important, c’est : -
Parlez clairement.
Articulez correctement, sans exagérer les mouvements de votre bouche non plus. Si vous amplifiez votre diction outre mesure, j’aurai plus de mal à lire sur vos lèvres, et je pourrais même avoir l’impression que vous êtes en train de vous moquer de moi. C’est important que vos paroles soient aussi claires et nettes que possible. S’il vous plaît, évitez de parler la bouche pleine, ou de mâcher un chewing-gum en même temps. Et si vous avez une barbe, alors il faudra que vous fassiez encore plus attention de parler très distinctement. Au besoin, parlez plus lentement, surtout si vous avez tendance à parler très vite d’habitude. -
Regardez-moi quand vous parlez.
Je lis aussi sur vos lèvres, et sur vos expressions faciales. Ma compréhension est basée sur un mélange de ce que j’entends et de ce que je vois. Autant dire que si je ne vois pas vos lèvres parce que vous mettez votre main ou votre stylo devant, que vous avez une barbe épaisse ou une moustache longue qui cache tous les mouvements de vos lèvres, ou que vous n’êtes pas en face de moi, il y a de grandes chances que je ne comprenne pas ce que vous dites. Si vous plongez dans votre sac à main tout en me parlant, vous pouvez être sûre que je n’aurai pas compris vos paroles. De même si vous vous tournez pour faire quelque chose derrière moi. Ou que vous me parlez en étant dos à moi. C’est si vous êtes en face de moi ou légèrement de trois quart que je vous comprendrai le mieux. -
Évitez d’être à contre-jour.
Pour les mêmes raisons, si vous êtes à contre-jour, je risque d’être éblouie. Votre visage étant dans l’ombre, je ne pourrai pas voir vos lèvres ni l’expression de votre visage, et je vous comprendrai moins bien. Si c’est le cas, échangez votre place avec la mienne pour que je puisse vous voir correctement, ou tournez-vous légèrement pour que votre visage soit éclairé. -
Rapprochez-vous.
Je sais que ce n’est pas toujours facile, surtout si on ne se connaît pas beaucoup. Nous avons tous tendance à avoir envie de préserver notre bulle d’espace personnel, mais si vous êtes assis sur un canapé à un bout de la pièce et que je suis à l’autre bout, je ne vous entendrai pas. Si je vois que vous êtes en train de me parler, je me rapprocherai automatiquement de vous, en vous faisant répéter ce que vous venez de dire, mais si je ne peux pas me déplacer pour une raison quelconque, alors venez plus près de moi. Et s’il y a du bruit dans la pièce, le rapprochement sera d’autant plus important qu’il est certain que je ne vous comprendrai pas sans cela. -
Changez de formulation.
Si cela fait trois fois que je vous demande de répéter une phrase, alors il est possible que je fasse un blocage sur un mot ou un groupe de sons. Quel que soit le nombre de fois que vous répétez, même si vous parlez clairement, en face de moi et que vous faites attention, il arrive un point où ce n’est plus la peine d’insister. En général, dans ces cas-là, il suffit d’exprimer ce que vous vouliez dire avec d’autres mots, car cela me permettra de passer par dessus mon blocage. -
N’oubliez pas.
Ce point là est plus difficile. Mon problème d’audition ne se voit pas, et ne s’entend pas. C’est donc très probable qu’à un moment donné, vous aurez oublié que je n’entends pas bien (je l’oublie moi-même régulièrement !), et que vous recommencerez à parler vite, doucement, et sans me regarder. Cela arrive à tout le monde. Et c’est aussi mon rôle de vous le rappeler. Mais si, alors que vous avez oublié, je vous dis ou vous montre que je n’ai pas compris ou que je n’arrive pas à suivre, alors essayez de vous rappeler et de faire un effort. Ce n’est pas toujours évident de le dire et d’en parler ouvertement, et encore moins de le répéter. C’est plus facile de me dire qu’en fait ce n’est pas important pour vous, et que votre simple oubli est un comportement délibéré, même si je me doute que ce n’est pas le cas. Si vous faites un effort à chaque fois que vous vous en souvenez, vous me montrerez que c’est important pour vous que je vous comprenne, et que vous faites tout pour cela.
Ce sont là les huit points qui sont les plus importants pour moi. J’essaie d’en parler aux gens que je côtoie, parce que c’est trop facile de m’isoler, de faire comme si et de passer à côté de toutes les conversations si je ne dis rien. C’est aussi très facile de devenir paranoïaque et de penser que les gens ne font pas attention à moi exprès… Pour casser cette tendance, j’en parle, et je le rappelle autant que possible.
Et pour vous, si vous êtes malentendant aussi, y a-t-il des points que j’ai mentionnés qui ne sont pas importants pour vous ? Ou d’autres dont je n’ai pas parlé, qui vous paraissent essentiels ? Comment demandez-vous aux gens de vous parler ? Avez-vous trouvé d’autres astuces qui fonctionnent pour vous ?
Et si vous côtoyez des malentendants, aviez-vous conscience de tous les points ci-dessus ? Avez-vous été dans des situations où d’autres comportements ont été utiles pour communiquer avec vos proches malentendants ?