Être malentendant en voiture

difficile de communiquer en voiture

Imaginez un peu le scénario :

Vous entrez dans la voiture. C’est vous qui conduisez, et vous prenez place derrière le volant, tandis que votre conjoint/ami/enfant s’assied à la place du passager. Vous démarrez, et le trajet commence. Votre interlocuteur vous parle, et bien sûr, vous avez du mal à l’entendre, à cause du bruit du moteur et du fait que vous êtes en train de regarder la route, et non ses lèvres/son visage.

Réflexe : vous vous tournez vers le passager pour tenter d’entendre (et de lire) ce qui est dit, mais pendant ce temps, vous ne regardez pas la route.

Un coup de klaxon vous ramène à la route, mais le bruit soudain vous fait peur et vous faites un petit écart. La voiture qui vous double doit faire un écart elle aussi pour vous éviter, et vous vous faites klaxonner d’autant plus.

Votre interlocuteur, pendant ce temps-là, panique et vous réprimande, mais vous ne parvenez pas à comprendre ce qui est dit, et l’ensemble des stimuli qui arrivent en même temps vous fait perdre pied.

C’est un scénario catastrophe, certes, mais tellement plausible pour quiconque entend mal.

L’environnement de la voiture pose en effet plusieurs problèmes pour un malentendant. Et cela peut avoir des conséquences plus ou moins graves ou même dramatiques, suivant la situation.

Le bruit en voiture

D’abord, le bruit ! Parce qu’à moins d’être dans une voiture électrique ou hybride extrêmement silencieuse, le bruit du moteur est déjà un vrai frein à une communication orale avec un malentendant. Et plus on va vite, pire c’est ! La conversation sur l’autoroute peut vite tourner au dialogue de sourds !

Et c’est sans compter le bruit de la ventilation, qu’il s’agisse du chauffage ou de la climatisation, ou des fenêtres ouvertes ! Et imaginez si on rajoute un peu de musique à tout ça, ou même une conversation entre plusieurs personnes, la cacophonie devient insupportable pour une personne qui entend mal.

Le manque de contact visuel

Quand on est en voiture, le conducteur est censé regarder la route avant tout. Si la personne malentendante est aussi celle qui conduit, elle va avoir tendance à se tourner vers son interlocuteur pour mieux comprendre ce qu’il dit, grâce à la lecture labiale, et à l’interprétation des expressions faciales, ce qui risque de faire peur à son interlocuteur qui préfèrerait qu’elle se concentre sur la route devant elle.

Si la personne malentendante est du côté passager, elle verra le conducteur de profil, ce qui généralement ne lui donne pas une assez bonne visibilité pour bien comprendre ce qui est dit.

Et si la personne est à l’arrière, alors elle pourra discuter éventuellement avec la personne à côté d’elle, s’il y en a une, mais pas avec le conducteur ou le passager qui sont devant (ou alors, avec beaucoup de difficultés). De même, une personne malentendante à l’avant aura beaucoup de mal à comprendre ce qui se passe derrière.

Alors la communication en voiture… Comment dire. Eh bien si votre fiancé(e) est malentendant(e), ne pensez pas qu’une longue balade en voiture vous permettra d’avoir cette conversation romantique dont vous rêviez depuis plusieurs jours. Cela risque plutôt de donner quelque chose du genre :

« Dis, chéri, tu sais quoi ?
– Hein ? Tu dis quoi ?
– Je voulais juste te demander quelque chose ?
– Ah, oui, attends ! Il faut que je me concentre sur la route, là.
– Oui bien sûr… »

Et plusieurs minutes (et virages) plus tard :
« Tu voulais me dire quoi ?
– Ah ! Regarde la route ! Tu as failli te prendre le trottoir, là.
– Mais tu me parles ! Tu sais bien qu’il faut que je te regarde pour te comprendre !
– OK, ben regarde la route alors, on se parlera plus tard »

Puis, le reste du trajet en silence.

Ou alors :

« Dis chéri, tu te rappelle de nos vacances à l’Ile d’Oléron ?
– Quoi ? Qu’est-ce qui est rond ?
– Non, je parle de l’ILE D’OLERON !
– Ah, euh oui, et quoi ? Tu veux y aller ?
– Pas forcément, mais je pensais à nos vacances là-bas.
– Des rapaces ? Non, je crois pas en avoir vu là-bas.
– Non, nos VACANCES !
– Mais on est pas en vacances, là.
– Ah laisse tomber, on parlera quand on sera arrêtés.
– J’espère bien, qu’on va pas se faire arrêter !
– … »

Le stress

Et tout ça, ça peut être stressant ! Très stressant, même. Chacune des conversations et situations ci-dessus est à même de faire exploser le stressomètre de toute personne normalement constituée.

Quand on conduit, on se retrouve isolé parce que toute conversation nous distrait de notre conduite et met tout le monde en danger, et quand on est passager, on se retrouve isolé aussi (mais moins quand même), parce que c’est difficile de suivre une conversation. Mais si on était juste isolé, va encore !

Le truc, c’est que tout ce qui se passe autour de nous attire notre attention. Par exemple, une conversation entre passagers peut être la source d’éclats de voix qui nous demanderont un effort d’identification. Ou bien, on aura l’impression qu’on nous parle quand ce n’est pas le cas. Du coup, on a tendance à être constamment sur le qui-vive. Comme on a du mal à comprendre et à interpréter ce qui se passe, un cri ou un rire d’enfant à l’arrière nous fait le même effet que si notre compagnon ou compagne du côté passager venait de crier « Attention ! »

Et puis, un rien peut nous faire sursauter. J’ai remarqué que je me sens souvent plus sereine quand je suis seule dans la voiture que quand nous sommes plusieurs. Parce qu’il y a moins de bruit, et surtout pas de bruit provenant de sources que je ne contrôle pas. Donc peu de choses peuvent me surprendre, provenant de l’intérieur de l’habitacle, du moins. Et je peux me concentrer entièrement sur la route et sur ce qui se passe en dehors de la voiture. Un long trajet en voiture est bien plus fatigant pour moi si nous sommes plusieurs dans la voiture que si je suis seule, surtout si c’est moi qui conduit.

Comment faire ?

Heureusement, tous ces défis peuvent être relevés.

Etablir des règles

C’est une des premières choses à faire : parler aux autres passagers de la voiture et mettre les choses au points.

Si vous êtes dans ce cas-là, alors il est important que vous expliquiez aux autres ce dont vous avez besoin.

Il peut s’agir de choses simples comme :

  • Si on met de la musique, on ne parle pas. On arrête la musique (ou on diminue fortement le volume) AVANT de parler.
  • Pas d’éclats de voix ou de cris dans la voiture
  • Eviter les jeux vidéos qui font du bruit ou autres sources sonores qui peuvent faire peur (Ne pas écouter Carmina Burana au volant non plus…)
  • Attirer l’attention de la personne malentendante (en la touchant par exemple) avant de lui parler, surtout si elle est au volant (allez-y doucement pour ne pas la faire sursauter non plus)

Il peut y avoir d’autres règles à mettre en place, c’est à chaque personne de déterminer ce qui est le plus important pour elle. L’idée, ce n’est pas d’instaurer un système rigide où aucune spontanéité n’est possible, mais de rendre l’environnement de la voiture le moins stressant possible pour la personne malentendante.

Si vous faites du co-voiturage, il peut être intéressant (et important) de prévenir vos passagers (et/ou votre conducteur) de votre perte auditive, et d’expliquer ce qu’elle implique pour vous lors d’un trajet en voiture.

La technologie

La technologie peut aussi aider à rendre les trajets en voiture moins pénibles.

Par exemple, vous aurez peut-être la possibilité de régler un programme Voiture sur vos appareils auditifs. Je l’ai fait récemment, et il s’agit d’un programme qui, au lieu de concentrer l’action des micros vers l’avant lorsqu’il y a du bruit, garde les micros ouverts vers l’avant et vers l’arrière, et s’adapte suivant si les sons proviennent de l’arrière, de l’avant ou des deux en même temps. Le confort d’écoute est bien amélioré grâce à ce programme. Cela n’est pas parfait, bien sûr, mais c’est mieux.

Une autre possibilité, en particulier si vous êtes avec une seule autre personne dans la voiture, c’est d’utiliser un système de micro déporté (comme le Conviveo de Tinteo ou même le Teo Duo que j’avais testé dans cette configuration avec un micro cravate). Ce système permet de concentrer le son de la voix de l’autre grâce à un micro, permettant ainsi une meilleure compréhension lors d’une conversation.

Bien sûr, rien de tout cela n’est parfait, mais c’est toujours mieux que rien !

Et vous, comment faites-vous en voiture ? Avez-vous trouvé des astuces qui fonctionnent bien pour vous ?

De l’importance des sous-titres

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Je me rappelle avec émotion de l’époque où je pouvais suivre un programme à la télévision, et même à la radio, sans aucun problème. Les pièces radiophoniques de France Inter, que j’écoutais avec ma mère pendant qu’elle cousait. Et les programmes, films et séries en allemand, puis en anglais, quand j’habitais à l’étranger. Aucun souci ! Je n’avais pas besoin de regarder l’écran pour pouvoir suivre, et même les spectacles des humoristes étaient accessibles, y compris ceux qui parlent super vite (et même en anglais/allemand ! Ah là là. Soupir).

Et puis, petit à petit, j’ai eu plus de mal. J’ai arrêté d’écouter la radio. J’ai mis la télévision plus fort, et j’ai commencé à lire sur les lèvres des acteurs et des présentateurs. Et puis il est arrivé un moment où j’utilisais tellement la lecture labiale que je n’arrivais plus à regarder un film doublé. Parce que je lisais un texte en anglais sur les lèvres, et j’entendais (mal) un texte en français et mon cerveau était perdu entre les deux.

J’ai commencé à mettre les sous-titres. C’est arrivé, fort heureusement, à la même période que celle où les sous-titres se sont généralisés sur les chaînes de télévision, avec les box et la TNT. Et les sous-titres, ça me sauve la vie !!

Ca me permet de suivre là où mes oreilles ne suivent plus. Mes yeux prennent le relais, et m’assurent une compréhension quasi totale de ce qui se produit.

Pour peu, bien sûr, qu’il y en ait, des sous-titres. Et que ceux qui sont présents soient corrects, un minimum bien orthographiés, et synchronisés avec la vidéo.

Parce que voilà, il n’y a rien de pire que de consulter le programme TV, de trouver un bon film sur une chaîne hors France Télévision, TF1 ou M6, de préparer le pop-corn et de s’installer à l’heure dite, pour découvrir que le film n’est pas sous-titré. Car s’il n’est pas sous-titré, eh bien tant pis, je passe à autre chose ! Parce que ça me demandera trop d’efforts d’essayer de suivre, tout en demandant à mon entourage à intervalles réguliers : « qu’est-ce qu’il a dit ? », « qu’est-ce qui s’est passé ? », ce qui court sur le nombril de tout le monde (moi y compris) assez rapidement.

J’ai appris récemment, grâce à l’excellent article d’Emmanuelle de Mon Accessibilité Sourde, que la loi prévoit que seules « les chaînes dont l’audience moyenne annuelle est supérieure à 2,5% de l’audience totale des services de télévision rendent accessible la totalité de leurs programmes ». Cela signifie que si on veut regarder quelque chose sur NT1, Arte ou autre, eh bien on a de grandes chances (entre 40 et 80% de chances) de tomber sur un programme non sous-titré.

Or, qui dit programme non sous-titré dit : je zappe.

Et c’est vraiment dommage quand je me faisais une joie de regarder un programme, un documentaire ou un film d’art et d’essai sur Arte par exemple. Et puis, ça m’énerve (surtout quand c’est sur Arte ! COMMENT ?! La culture ne m’est pas accessible !? AAAARGH !!). En général je grommelle puissamment, tout en changeant de chaîne. C’est vrai que tous les programmes devraient être disponibles en audiodescription ET avec les sous-titres !

Mais même quand il y a les sous-titres, cela peut être difficile. Par exemple, quand un programme ou film contient vraiment beaucoup de paroles. Le temps de lire les sous-titres, et on n’a pas eu le temps de voir l’image, et du coup on n’a pas une compréhension totale de ce qui se produit. J’ai la chance de lire vite, et du coup cela m’arrive très rarement de ne pas parvenir à suivre l’histoire parce que la lecture des sous-titres est trop prenante, mais cela peut arriver ! Il arrive aussi que les sous-titres soient mal programmés, et qu’ils disparaissent avant qu’on ait eu le temps de les lire.

Et puis, il y a les fois où les sous-titres, pour une raison ou pour une autre, cachent la moitié de l’image. Charmant !

Après, il y a aussi les émissions en direct, qui sont donc forcément sous-titrées en direct. Outre l’orthographe (voire la grammaire) quelquefois fantaisiste (on les comprend, le métier de sous-titreur en direct ne doit pas être évident), le manque de synchronisation est souvent gênant. C’est difficile de suivre un reportage si les sous-titres ne correspondent absolument pas à l’image. J’ai donc tendance à éviter au maximum les programmes en direct. Si vraiment j’ai envie d’en suivre un, j’enlève les sous-titres et je mets mon casque télé, qui me permet encore de suivre plus ou moins, même si c’est beaucoup plus fatigant qu’avec les sous-titres (et que j’en loupe certainement la moitié).

Dans la grande majorité des cas, tout de même, les sous-titres me rendent un contenu accessible, alors que sans cela je n’aurais pas pu le suivre. Et il n’y a pas qu’à la télévision que les sous-titres sont importants : au cinéma, par exemple, le son des bruitages a tendance à recouvrir le son des voix. Si le film est sous-titré, plus de problème ! Malheureusement, ce sont souvent les films étrangers qui seront sous-titrés, et non les films français. J’ai découvert au Canada qu’il existe des dispositifs qui permettent à un malentendant d’avoir accès aux sous-titres de n’importe quel film, quel que soit sa langue. Hélas, je n’ai encore pas trouvé de cinéma qui propose ce système en France (encore moins dans ma petite ville de province…).

Au théâtre ou à l’opéra aussi, les sous-titres (ou sur-titres) sont très utiles. A Montréal, les opéras sont sur-titrés en français et en anglais, alors que le texte est chanté en italien ou en allemand, par exemple. Cela permet à tout le monde de suivre l’histoire sans avoir à tenter de lire le livret au fur et à mesure. Si les pièces de théâtre étaient sur-titrées sur un écran au dessus de la scène, par exemple, j’irais bien plus souvent au théâtre. Parce que dans l’état actuel des choses, payer entre 20 et 40 euros pour ne pas être sûre de comprendre ce dont on parle, cela me tente moyen.

Et puis, bien sûr, pour toutes les vidéos sur internet, les sous-titres c’est ultra utile !! Mon conseil : si vous faites un blog vidéo, une chaîne YouTube, ou n’importe quelles vidéos sur internet, sous-titrez les !! Parce que les sous-titres automatiques, c’est souvent du grand n’importe quoi, surtout si la personne qui parle n’a pas une diction parfaite. Et sans sous-titres, eh bien… il y a un tas de gens qui n’auront pas accès à votre vidéo.  Imaginez, rien qu’en France, il y a 7 millions de personnes malentendantes ! Autant vous dire qu’en rajoutant simplement des sous-titres, votre vidéo, votre programme de formation en ligne ou autre support en ligne pourra parler à bien davantage de personnes !

En tout cas, j’apprécie beaucoup les vidéos sous-titrées, quel que soit leur support. Parce que le simple geste de sous-titrer des paroles est une preuve de respect pour moi, et pour tous ceux qui entendent mal.

 

Comment ça ? Moi ? Je parle trop ?

 

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Il y a quelque temps, une connaissance me disait :

De toute façon, les malentendants parlent tout le temps ! Ils veulent toujours être au centre de l’attention et ils n’écoutent jamais.

Et ensuite, le coup de grâce :

C’est le cas de tous ceux que je connais !

Ouille…

Difficile pour moi de ne pas le prendre personnellement. Parce que je suis dans le même panier que tous ceux dont cette personne parle…

Vraiment ? Je parle tant que ça ? Je ne suis pas capable d’écouter ?

Puis, la personne a rajouté :

Peut-être que c’est plus facile pour eux de parler que d’écouter, et que c’est pour ça…

Alors j’ai eu envie d’écrire cet article.

Parce que, oui, il m’arrive d’avoir des comportements qui sont ou peuvent être mal perçus. Et c’est souvent bien malgré moi.

  • Parler pour ne pas écouter

Il y a en effet les situations où je parle parce que ça m’évite d’avoir à faire un effort incroyable pour entendre.

Mais en fait c’est plutôt rare. Les moments où je parle beaucoup sont plus souvent les moments où j’ai quelque chose à dire, quelque chose qui m’exalte assez pour en parler avec animation.

Il y a aussi de nombreux moments où je reste en retrait dans une conversation, soit parce que je n’arrive pas à suivre, en effet, mais aussi parce que je n’ai pas forcément de choses à rajouter à la conversation, ou alors, mais oui, ça arrive aussi, simplement parce que j’écoute les autres.

Ce n’est pas facile pour moi d’écouter. Cela me demande un gros effort de concentration. Et je n’y arrive pas tout le temps, d’autant moins quand je suis dans une situation de groupe.

Mais je fais souvent cet effort malgré tout.

  • Interrompre les autres

Il y a aussi les moments où j’interromps les gens sans faire exprès

Ça arrive dans un groupe, si je ne me rends pas compte qu’une personne est déjà en train de parler, et je démarre une conversation par dessus.

Il y a aussi certaines personnes que je n’entends vraiment pas, soit en raison de la  fréquence de leur voix, ou parce qu’elles n’articulent pas et parlent très doucement (ou un mélange des deux), et je ne me rends même pas compte qu’elles sont en train de parler !

En général, une bonne âme m’arrête pour me dire que quelqu’un était déjà en train de parler, et je me tais, la honte au front, après m’être confondue en excuses.

Si personne ne me dit rien, je vois en général à la tête des gens que j’ai fait une gaffe, et je me rends compte assez vite de ce qui se passe.

Cela fait partie des situations les plus difficiles à assumer pour moi, parce que je n’aime pas heurter les autres, et je le fais bien involontairement.

  • Parler trop fort

Cela m’arrive souvent d’être en train de parler à quelqu’un, et la personne fait un geste de la main avec une grimace pour me demander de baisser le volume.

Je me rends alors compte que j’étais en train de parler très fort, dans une situation où c’était peut-être un peu gênant (pour moi et/ou pour l’autre).

Ce n’est pas évident pour moi de contrôler le volume de ma voix. J’ai tendance à parler aussi fort que j’aimerais qu’on me parle, j’imagine, et c’est trop fort pour la plupart des gens.

Il me semble aussi que quand la personne en face de moi parle particulièrement doucement, j’ai tendance à hausser la voix, comme si cela pouvait entraîner l’autre à en faire de même.

Malheureusement, non seulement ça ne marche pas, mais ça embête ou gêne l’autre, et je finis par me sentir très embarrassée de ma voix.

  • Chuchoter trop fort

C’est une variante du point précédent… C’est difficile pour moi d’avoir une conversation privée alors que je suis entourée de personnes qui ne sont pas censées l’entendre. Parce que si je parle vraiment au volume de chuchotement typiquement admis, je ne m’entends pas. Ce n’est donc pas naturel pour moi.

Quant à entendre la réponse de l’autre…

En conséquence, le petit commentaire murmuré à l’oreille de l’ami alors que tout le monde est silencieux devient vite source de fou-rire général. Parce que bien évidemment, tout le monde l’aura entendu.

Heureusement, j’assume mes commentaires la plupart du temps et je ris de bon cœur avec les autres quand ça se produit, mais cela peut vite devenir très gênant. (Je n’ai qu’à pas faire de commentaires en aparté, me direz-vous. Certes.)

Difficile aussi pour une autre personne de me dire quelque chose en privé alors qu’il y a d’autres gens autour. Je ne comprends jamais un murmure du premier coup, et plus je demanderai de répéter, plus cela attirera l’attention des autres. Autant pour la petite confidence partagée facilement, en passant.

  • Répondre à côté

C’est moins embarrassant, et plus flagrant, mais une mauvaise compréhension de la conversation qui se déroule, ou de la situation peut m’amener à répondre ou à réagir complètement à l’envers de ce qui est attendu.

La plupart du temps, mon entourage rétablit bien vite la situation, m’expliquant ce qui s’est réellement dit, pour que je puisse m’ajuster, mais ce n’est pas toujours évident d’accepter avec grâce le fait que je viens de mettre les pieds dans le plat, ou d’être complètement à côté de la plaque.

Toujours cette histoire de ridicule, décidément !

Et vous, quelles sont vos situations embarrassantes, que vous soyez malentendant, sourd ou entendant ? Avez-vous aussi des comportements qui choquent ou heurtent les autres involontairement ? Comment réagissez-vous à ces situations ?

Perte d’audition : la question de l’identité

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Je me suis posée beaucoup de questions sur ce sujet, ces derniers temps.

Qui suis-je, moi qui perds l’audition ? Mon handicap me définit-il, au moins en partie ?

A partir de quel moment la perte d’audition devient-elle une partie de moi, indissociable de ce que je suis ?

La réponse à ces questions est bien sûr très personnelle, et ne sera pas la même d’une personne à l’autre.

Le fait est que, quand je rencontre quelqu’un, et si je veux que la communication se passe bien, il m’est nécessaire de parler de mon handicap, de l’annoncer, de l’expliquer. Et je deviens, aux yeux de l’autre, Armelle la malentendante, ou celle qui entend mal. C’est surtout le cas pour ceux que je connais peu ou que je viens de rencontrer. Comme si ce handicap devenait ma caractéristique principale, avant ma façon d’appréhender le monde ou ma tendance à m’intéresser à des milliers de choses à la fois.

D’un autre côté, il m’arrive fréquemment d’oublier que j’entends mal. Des fois j’en oublie même de mettre mes appareils. Comme si je n’avais pas vraiment intégré cet inconvénient que sont mes oreilles défaillantes, comme si cela me caractérisait si peu que je pouvais parfaitement ne pas en tenir compte.

Et pourtant…

 

Je trouve cette question épineuse. Qui étais-je quand j’entendais bien ? Et qui suis-je devenue maintenant que j’entends beaucoup moins bien ?

Mon identité a-t-elle changé ?

Toutes mes réponses à ces questions me semblent doubles et paradoxales.

Oui, j’ai changé. Mes réactions ne sont plus les mêmes, ma façon de percevoir le monde n’est plus la même, mes conversations sont différentes aussi. Je n’entre plus dans les discussions sur la pluie et le beau temps, ni dans le badinage sans intérêt. Je suis vite perdue dans une conversation amusante et superficielle qui fuse dans un groupe, et je préfère me concentrer sur une conversation plus profonde et significative, avec un seul interlocuteur de préférence.

 

C’est peut-être moins léger que je ne l’ai été à l’époque où la communication était facile.

C’est peut-être plus intense pour les autres, qui suivent ou ne suivent pas.

Mais en fait, ça correspond assez à qui j’ai toujours été. Il y a juste une phase d’approche en moins, et c’est plus immédiat.

Car en même temps, je suis restée la même.

Bien sûr, j’ai grandi, j’ai vieilli, mûri, et changé d’avis sur plein de choses.

Mais au fond, je suis toujours une personne qui s’intéresse aux autres, et qui n’a pas envie de rester à la surface des choses.

La perte d’audition m’a fait évoluer plus vite, m’a rendue plus directe peut-être.

Pour autant, le handicap fait-il de moi une personne plus courageuse parce que je fais, ou continue à faire, certaines choses ?

Parce que je continue à faire de la musique, coûte que coûte et malgré tout ? Parce que je continue à me mettre dans des situations où je rencontre de nouvelles personnes ? Où je parle des langues étrangères ? Où je me mets en difficulté ?

Certes, cela me demande plus d’efforts qu’à une personne qui entend bien. Mais pour moi, c’est une question de survie.

Parce que si je ne fais plus toutes ces choses, et que je reste enfermée chez moi sans faire autre chose que de regarder la télévision avec les sous-titres, je me sens couler. Et je n’aime pas cette sensation.

Alors naturellement, et même si je n’y arrive pas constamment, je fais ce dont j’ai besoin pour me sentir bien. Et je ne me sens pas particulièrement audacieuse pour autant.

En fait, il est difficile de répondre à cette question de l’identité pour la bonne raison qu’on oublie. J’ai oublié, déjà, qui j’étais avant d’entendre mal.

Peut-être que, si j’entendais bien, je parlerais moins fort, j’écouterais les autres à longueur de journée, j’irais au cinéma toutes les semaines et je serais au courant des dernières révélations musicales.

Mais cela fait maintenant 10 ans que je vis avec ce handicap. Il fait partie de moi. J’aimerais bien pouvoir dire qu’il ne dicte pas qui je suis. Et dans une certaine mesure, c’est le cas.

Mais il m’influence, il détermine certaines de mes décisions et de mes réactions, et aussi ma façon de voir les choses et de me projeter dans le futur.

Au bout du compte, il est indissociable de ce que je suis.

Bien sûr, le fait de devenir malentendante ne m’a pas complètement transformée en quelqu’un que je n’aurais jamais pu être autrement, mais cela m’a modelée, a accentué certains traits que j’avais, et en a estompé d’autres.

Et c’est maintenant une des facettes de mon identité, qui ne se résume bien sûr pas à ça !

 

Et vous, comment percevez-vous votre identité en tant que malentendant ou sourd ? Avez-vous l’impression que le handicap définit l’identité de ceux que vous côtoyez ? Ou pas du tout ?

N’hésitez pas à participer à la discussion !

Comment survivre à une réunion professionnelle

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Autant vous prévenir dès le départ, il s’agit là d’un sujet pour lequel je n’ai pas trouvé de réponses vraiment satisfaisantes. Pas encore.

J’aurais envie de vous dire : Les réunions professionnelles, eh bien si vous le pouvez, évitez-les !

Il s’agit en effet d’un des contextes les plus difficiles que j’ai rencontrés, parce que la conversation de groupe s’y complique d’enjeux professionnels.

Bien sûr, ce n’est pas toujours possible d’éviter ces situations, qu’il s’agisse de réunions d’équipe, de colloques, de formations, de rencontres professionnelles plus ou moins formelles ou de rendez-vous avec des clients.

D’abord, parce que notre avenir professionnel peut en dépendre largement. Cela n’est jamais bien vu, au travail, de ne « pas avoir l’esprit d’équipe », ou d’être « quelqu’un de froid et distant » qui « reste dans son coin ». Or, notre handicap auditif peut nous isoler des autres qui nous percevront alors de cette façon. Notre bilan annuel peut même en pâtir, et avec cela nos perspectives de carrière.

Ensuite, parce que des gens comptent sur nous et notre participation. La plupart des entreprises fonctionnent avec des réunions, car c’est la meilleure façon de partager des idées, de trouver des solutions ou de faire le point sur des projets. Quand on entend bien, du moins.

Parce que quand on entend pas bien, les réunions se transforment vite en cauchemar.

Pourquoi ?

Eh bien, parce qu’il s’agit d’un groupe de personnes dans une salle souvent trop grande, au plafond trop haut ou à l’acoustique déficiente. Certaines personnes sont timides et parlent en murmurant presque, ou en mettant la main devant la bouche, ou sans articuler. D’autres s’interrompent, augmentant ainsi la difficulté qu’un malentendant peut avoir à suivre la conversation. La salle résonne souvent, amplifiant ainsi tous les bruits annexes. Et il y aura toujours des collègues qui seront trop loin de la personne qui entend mal, ou qui seront en contre-jour, et il sera impossible de lire sur leurs lèvres.

Au bout du compte, la réunion demandera un effort de concentration incroyablement épuisant au malentendant, pour des résultats de compréhension bien inférieurs à ce qui serait nécessaire pour vraiment participer.

Alors comment faire ?

Voici les stratégies que j’ai pu tester. Elles sont toutes imparfaites, bien sûr, mais permettent de quitter la réunion en étant moins déprimé que si on ne les applique pas du tout.

  • En parler à la personne qui anime la réunion

Si l’on participe à une formation ou à un colloque, par exemple, il est très utile de parler au formateur ou au conférencier de son handicap. Cela permet de se mettre devant, le plus près possible de la personne qui parlera la plupart du temps.

En attirant l’attention du formateur ou conférencier sur notre difficulté à entendre, on lui donne en outre l’occasion de faire attention à nous, de mieux contrôler la façon dont il parle et de s’assurer régulièrement de notre compréhension.

  • En parler aux collègues

Lors d’une réunion participative, cela peut être bien de dire ou rappeler aux collègues que l’on entend mal. Il vaut mieux aussi leur demander de parler assez fort et clairement, pour qu’ils puissent faire un effort conscient.

Malheureusement, les efforts ne sont souvent pas soutenus plus de quelques minutes. Les gens oublient.

Alors, faut-il interrompre constamment la réunion pour dire que l’on n’arrive pas à suivre ? C’est une prise de position difficile…

  • Influencer le choix de la salle

Si c’est possible, demandez aux organisateurs de la réunion de choisir la meilleure salle possible au niveau acoustique.

Une salle plus petite, avec des plafonds plus bas, une salle qui ne résonne pas trop grâce à des panneaux acoustiques par exemple, permettra une meilleure transmission du son, et donc une meilleure compréhension pour un malentendant.

De même, un groupe assis autour d’une table ronde pas trop grande sera plus facile à comprendre que des personnes éparpillées autour de tables disposées en U ou en carré.

  • Choisir sa place

Il y a plusieurs stratégies pour choisir sa place : on peut s’installer au milieu, de façon à voir tout le monde, ou à côté/en face de la personne qui va parler le plus, à côté de la personne qui parle le moins fort, de façon à avoir le maximum de personnes du côté où on entend le moins bien, etc.

A vous de tester et de voir ce qui vous convient le mieux, sachant que le choix de la place peut aider, mais les résultats ne seront pas magiques pour autant.

  • Utiliser la télécommande des appareils

Si vous avez une télécommande avec vos appareils, c’est le moment de l’utiliser. Les réunions professionnelles sont une des rares occasions où j’utilise la mienne.

C’est vraiment là que j’apprécie la possibilité de régler le volume suivant la personne qui parle, et de diminuer les aigus lorsqu’il y a des bruits qui claquent (stylos posés sur la table, bruits de chaises, etc.), ou de les augmenter pour améliorer la compréhension.

  • S’appuyer sur les supports visuels

S’il y a une présentation projetée, un ordre du jour imprimé ou autre support visuel, cela permet au malentendant de suivre grosso modo les conversations.

Si les réunions auxquelles vous assistez ne s’appuient sur aucun élément visuel, demandez-en, car cela vous aidera énormément à vous raccrocher à ce qui est dit.

  • Le Saint Graal : le compte rendu écrit

En dernier recours, demandez qu’une personne prenne des notes, et fasse un compte rendu écrit de la réunion. C’est là que vous pourrez vraiment comprendre les grandes lignes de ce qui a été dit. Un compte rendu vous permettra aussi de faire vos retours par courriel si nécessaire.

Tous ces éléments peuvent aider à la compréhension lors d’une réunion professionnelle. Mais cela ne permettra pas une compréhension parfaite de la réunion.

Certaines aides technologiques, comme des micros déportés, ou des salles équipées de micros, peuvent aider à une meilleure compréhension, mais je ne les ai pas encore testées.

Le mieux reste encore, d’après mon expérience, d’accepter qu’on ne comprendra pas tout, et d’en parler avec les personnes responsables pour limiter les conséquences que cela peut avoir sur notre carrière. Puis de privilégier les rencontres en petits groupes ou en face à face.

Je continue à aller à des réunions professionnelles, même si je sais que je ne comprendrai pas tout. Il arrive que je ne parvienne à suivre aucune des discussions du groupe, ou presque. Mais je m’arrange toujours pour pouvoir parler à quelques personnes en tête à tête, avant ou après la rencontre, de telle sorte que ces réunions ne soient jamais une perte de temps, et toujours l’occasion de faire du réseau, et de rester en contact avec les autres dans mon domaine. Voire de prendre des rendez-vous pour des rencontres en plus petits groupes, afin de discuter de thèmes précis.

Et vous, comment gérez-vous les réunions professionnelles auxquelles vous participez ? Avez-vous trouvé d’autres moyens d’en tirer le maximum ?

Et si vous travaillez avec des malentendants, comment les incluez-vous dans vos réunions ?

Vivre avec un malentendant, ou l’apprentissage de la patience – 2ème partie

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Être conjoint de malentendant, c’est adopter un rôle complexe et pas toujours facile. En plus des frustrations liées aux éléments que j’ai évoqués la semaine dernière, comme les efforts à faire constamment pour se faire comprendre, ou les disputes qui découlent directement ou indirectement du handicap, le conjoint doit accepter une réalité lourde de sens :

Le conjoint, pour peu qu’il n’ait pas lui aussi des soucis d’audition, entend mieux que le malentendant.

C’est une lapalissade, certes.

Mais la conséquence de cet état de fait, c’est que naturellement, la personne malentendante va avoir tendance à s’appuyer sur son conjoint dans différentes situations.

Et cela peut poser problème.

  • Le conjoint-intermédiaire

Ainsi, dans les situations sociales, le conjoint va parfois devenir le traducteur ou l’intermédiaire de la personne malentendante.

En effet, c’est plus facile demander à son conjoint de répéter ce qui vient d’être dit par une tierce personne que l’on connaît peu, que de le demander directement à la tierce personne en question. Peut-être parce que faire répéter, c’est déjà un aveu de notre handicap, et qu’il faut ensuite donner des explications, et se justifier d’une partie de soi que l’on aimerait ne pas avoir à dévoiler. Pas tout de suite, en tout cas.

Et quelquefois, c’est plus rassurant de se cacher derrière son conjoint que d’assumer cette perte d’audition qui pourrait être jugée comme étant une tare ou un problème par quelqu’un que l’on ne connaît pas, ou pas beaucoup, et qui nous intimide peut-être.

De même lors de rendez-vous chez le docteur. Ou pour les appels téléphoniques que l’on reçoit. Et si l’on n’y prend pas garde, le conjoint finit par être celui qui fait le lien entre la personne malentendante et la tierce personne ou le monde extérieur.

Le problème, c’est que plus on s’appuie sur notre conjoint pour avoir accès au monde extérieur, et moins on arrive à communiquer de façon autonome. Au bout du compte, la tentation est grande d’arrêter de voir des gens, de prendre des rendez-vous, ou de faire des activités, si notre conjoint n’est pas disponible.

Et en perdant notre autonomie, on perd aussi notre force, notre respect de nous-même, notre goût de l’aventure, et notre envie d’aller vers les autres.

  • Le conjoint défenseur ou protecteur

Notre conjoint peut aussi être notre meilleur défenseur dans les situations difficiles. En particulier si quelqu’un nous juge, nous dénigre, sous-estime notre handicap ou qu’on se moque de nous de façon ou d’une autre. Son sang ne fait qu’un tour à la moindre remarque pernicieuse ou à la moindre attitude méprisante à notre égard.

Souvent, dans ces situations, on ne perçoit pas la remarque désobligeante qui nous a été adressée, ou on ne se rend pas compte de l’intention qu’il y a derrière, et on n’y réagit donc pas. Mais quand un conjoint se met à bouillir d’indignation et réagit encore plus qu’on ne l’aurait fait si on avait compris ce qui a été dit, il y a là quelque chose de profondément rassurant. Cela montre que notre conjoint est avant tout de notre côté.

Bien sûr, tous les couples ont leur histoire, et tous les conjoints ne sont pas protecteurs.

  • Ce qui peut déraper – les milieux toxiques

Dans certains couples, certaines familles ou entourages, le handicap auditif d’une personne est vu avant tout comme une source de frustration. Le malentendant peut ne pas être pris en compte comme une personne à part entière par son entourage, et on va se permettre, par exemple, de parler de lui (de façon négative) pendant qu’il est là, sachant qu’il ne comprendra pas ce qui est dit.

Le malentendant peut aussi être infantilisé. Un mari qui considère que sa femme malentendante est incapable d’aller à la banque toute seule, par exemple. Si le mari a honte de la perte d’audition de sa femme, ne la prend pas au sérieux ou ne l’assume pas, il peut la faire passer pour plus stupide qu’elle n’est, au lieu de simplement parler de cette perte d’audition (ou de la laisser en parler).

La lassitude de devoir toujours répéter les choses peut aussi pousser la personne qui entend bien à parler sèchement, à montrer son énervement de diverses façons, et même à devenir condescendante ou méprisante avec son conjoint malentendant.

Tous ces comportements rendent l’environnement du malentendant toxique. Ce n’est pas facile d’assumer une perte d’audition, et de vivre avec au quotidien. Mais quand on est constamment infantilisé, méprisé ou l’objet de la colère et de l’énervement de son entourage, c’est encore plus difficile de le vivre bien.

Le malentendant peut lui aussi se sentir frustré de ne pas entendre comme il faut, et devenir aigri, abrupt et agressif dans ses interactions avec son entourage.

Chacun est différent dans son appréhension du handicap, qu’il en soit lui-même affecté ou non.

Le fait que la communication entre deux conjoints ou deux membres d’un foyer ne coule pas de source ajoute un obstacle à la relation. Cet obstacle peut être géré de différentes façons.

Plus on parvient à prendre les difficultés avec humour et légèreté, et plus c’est facile. Mais ce n’est pas toujours possible. Certains jours sont plus compliqués que d’autres et je me suis rendu compte que c’est important d’accepter les émotions douloureuses qui accompagnent les moments difficiles.

Et un conjoint qui apporte son soutien et son amour pendant ces moments éprouvants, c’est peut-être une des choses les plus apaisantes qui soit.

Vivre avec un malentendant, ou l’apprentissage de la patience – 1ère partie

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Ce n’est pas toujours facile d’être malentendant.

Ca peut être lourd, fatigant, déprimant.

Mais ce n’est pas évident non plus d’être dans l’entourage immédiat d’un malentendant. Le conjoint, en particulier, doit aussi affronter et gérer ce handicap.

C’est aussi le cas des enfants, parents, colocataires ou autres personnes qui vivent au quotidien avec la personne malentendante. Je parlerai avant tout du rôle du conjoint dans cette petite série de deux articles, mais ce que j’évoque peut être transposé sans difficulté à toute personne très proche du malentendant.

Il y a plusieurs raisons à ces difficultés :

  • Les efforts constants à faire pour se faire comprendre

Parler comme il faut, attirer l’attention avant de parler, ne pas cacher sa bouche, se mettre bien en face, et en général être conscient à tout moment que l’autre entend mal.

Il faut y penser à chaque fois que l’on essaie de communiquer, que l’on soit seuls ou en groupe, à la maison ou dehors.

Mais des fois, on oublie. On parle en tournant le dos, en faisant la vaisselle ou depuis une autre pièce. Et il faut répéter. Et répéter encore.

Et puis, des fois, la personne malentendante oublie aussi qu’elle entend mal, et pose une question à l’autre qui est à l’autre bout de la maison, sans se rendre compte (jusqu’à ce que ce soit trop tard) qu’elle ne pourra pas entendre sa réponse. Et ça donne quelque chose comme :

– Dis, t’as mis où le papier du loyer ?
– Sur la table du salon (l’autre personne répond depuis là où elle est)
– Ah je t’entends pas…

Ben oui, forcément !

Et il y a les jours où on est tellement fatigué ou préoccupé que c’est trop difficile de parler fort et clairement, de faire attention, de penser à tout. Et il faut répéter chaque phrase, au moment où on a le moins d’énergie pour le faire. Alors on s’énerve. On sait très bien que ce n’est pas de la faute de la personne si elle entend mal. Mais chaque effort demande tellement d’énergie que la frustration fait surface malgré tout.

Et comme par hasard, ce sont souvent à ces moments-là que l’autre, fatigué lui aussi, entend encore moins bien, et fait répéter encore plus.

  • Les disputes inutiles

J’ai remarqué qu’une partie non-négligeable des disputes qui peuvent se produire dans mon foyer ont un point d’origine commun : j’ai mal compris quelque chose.

Il suffit que je loupe un mot, ou le sens d’une phrase, et je vais répondre d’une certaine façon. Ma réponse ne correspond pas aux attentes de l’autre et, pour peu que j’aie parlé avec conviction et que ma réponse soit vraisemblable, l’autre peut mal le prendre, et là, ça dégénère.

De même si ce que j’ai (mal) compris m’énerve directement.

Genre :

– Ah quand même, t’exagères, de dire ça ! C’est pas vrai !
– Mais,… comment ça ?
– Euh, mais alors, qu’est-ce que t’as dit, en fait ?

Et ça, c’est si par chance ma réaction est vraiment incompréhensible pour l’autre par rapport à ce qui avait été dit à la base.

Parce qu’il arrive qu’on parte dans une dispute, pour se rendre compte une demi heure plus tard qu’elle n’avait absolument pas lieu d’être parce qu’on était tout à fait d’accord, en fait.

C’est épuisant.

Pour l’autre, et pour moi.

J’ai aussi vu des couples où la dispute éclate parce que la personne malentendante a manqué une information primordiale à un moment donné.

– Pourquoi tu ne m’as pas dit que les Untel venaient manger demain ?
– Mais je te l’ai dit ! Hier midi, après leur coup de fil !
– Mais non, tu me l’as pas dit ! Ou alors j’avais pas compris ça, moi !

C’est la faute à qui ? Au malentendant, de ne pas avoir dit qu’il n’avait pas compris ce qui avait été dit ? Il y a de fortes chances qu’il ne s’en soit même pas rendu compte.

Au conjoint entendant, de ne pas s’être assuré que la personne malentendante avait tout bien compris de son message ? Pas si évident.

Bien sûr, et heureusement, on peut mettre des choses en place pour éviter, ou diminuer la fréquence de ces moments difficiles. Mettre les rendez-vous importants par écrit, noter les choses, vérifier la compréhension de l’autre, etc. Mais cela ne résout pas toujours tout, et on n’atteint pas un degré de zénitude extrême du jour au lendemain.

La semaine prochaine je parlerai de plusieurs autres rôles que le conjoint peut être amené à jouer, avec ce qui peut déraper, et comment garder son indépendance autant que possible.

A la pêche aux idées…

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Le début de cette semaine était brumeux. Un brouillard dense, blanchâtre et opaque, qui empêchait toute visibilité et rendait la respiration difficile.

Et tandis que je réfléchissais au thème à aborder cette semaine, dans ce blog, j’ai eu l’impression que le brouillard avait envahi jusqu’à mon cerveau. Mes méninges en surchauffe n’arrivaient à se fixer sur aucune idée pertinente. Et malgré les nombreuses possibilités (j’ai plusieurs listes !), aucun thème ne retenait mon attention.

Alors je me suis dit :

Il est peut-être temps sortir de mes idées, de m’ouvrir, et de vous demander à vous, mes lecteurs, ce que vous souhaitez lire !

Quels sont les thèmes que vous aimeriez que j’aborde ?

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez ?

Connaissez-vous une personne sourde ou malentendante (ou autrement handicapée) qui vous inspire, et dont vous aimeriez que je parle ?

Un livre ou un film que vous aimeriez que je chronique ?

Une technologie que vous aimeriez que j’évoque ?

Une ou des émotions que vous devez affronter ?

Souhaitez-vous que je traite plus en profondeur un thème que j’ai déjà évoqué ?

C’est l’occasion de me faire passer vos suggestions, et de contribuer à mon blog !

Vous pouvez me répondre en commentant sur cet article, ou en m’envoyant un email sur ma page de contact. Je répondrai à toutes les suggestions autant que possible.

L’outil ultime du malentendant : le smartphone

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Quand on réfléchit aux outils qui peuvent aider un malentendant, on ne pense pas toujours aux objets courants, que tout le monde possède et utilise, ou presque. Et pourtant, le smartphone, ou téléphone intelligent, est un des outils que j’utilise au quotidien, et qui m’aide dans bien des situations en lien avec ma perte auditive.

De nombreuses raisons en font un compagnon de choix, qui ne me quitte jamais.

  • La « coolitude » de l’objet

Le smartphone est un des objets technologiques les plus répandus à l’heure actuelle. La plupart des personnes qui ont une vie sociale et professionnelle active en ont un.

Pouvoir l’utiliser pour faciliter la compréhension quand on est malentendant, c’est un des éléments qui nous projette de l’état de « personne handicapée avec prothèses auditives » à celui de « personne à la pointe du progrès technologique ».

Le côté jeune, actif, dans le vent, nous aide à nous intégrer dans un monde largement basé sur la technologie.

  • La magie de la communication écrite

La possibilité de recevoir un texto ou un email à la place d’un appel téléphonique rend la communication bien plus facile. Finis ces moments de sueur froide où je répond au téléphone et ne parviens pas à identifier la personne, ou l’organisme, qui m’appelle.

« Pourriez-vous m’envoyer un email s’il vous plaît ? J’entends très mal au téléphone. »

Et la plupart du temps, la communication arrive ainsi par écrit, le smartphone m’y donne un accès immédiat, et la compréhension du message est assurée sans effort de ma part.

Et ça, il faut bien le dire, c’est très reposant.

  • La qualité du son numérique

Les smartphones actuels de bonne qualité possèdent des composantes électroniques qui assurent un excellent son numérique.

Cela me permet de recevoir ou de passer un appel, alors qu’avec un téléphone fixe, cela n’est plus possible. Après, même avec le smartphone, il faut certaines conditions pour que je puisse comprendre une personne au téléphone, et il s’agit presque toujours de conversations courtes, avec un objectif pratique.

La période où je passais des heures au téléphone avec famille et amis, à parler de tout et de rien, est maintenant bel et bien révolue. Mais heureusement, il reste toujours d’autres moyens de communication (Dieu merci, Skype existe !).

  • L’accès à la musique (avec un bon casque)

Grâce au son numérique, j’arrive même à écouter un peu de musique ! Il me faut un bon casque, bien sûr, mais une fois le casque adéquat trouvé, le son du smartphone est assez clair pour m’aider à saisir une partie de la richesse sonore de certaines musiques.

Bien mieux que le son de ma chaîne hifi, ou le son des haut-parleurs de la voiture ou de l’ordinateur, en tout cas.

  • Et bientôt : La possibilité d’avoir des appels transcrits par écrit

Les smartphones deviennent de plus en plus pertinents pour les personnes malentendantes, grâce à la myriade d’applications que l’on peut installer dessus.

La preuve : Un entrepreneur sourd est en train de développer une application qui pourra transcrire « instantanément sur votre smartphone les propos de votre interlocuteur pendant qu’il parle. »

La technologie de transcription de la voix a beaucoup progressé ces dernières années, et une application de ce genre permettra à de nombreux malentendants de pouvoir recommencer à téléphoner sans crainte.

Je l’attends moi-même avec beaucoup d’impatience !

  • Et déjà : une télécommande pour les appareils auditifs

Depuis peu, certains appareils auditifs sont compatibles avec un smartphone. Un utilisateur a d’ailleurs détaillé les fonctionnalités de ses aides auditives qui sont couplées avec son iphone.

Bien sûr, cela ne concerne pas toutes les prothèses auditives, ni même tous les smartphones pour l’instant. Apple a été le premier à rendre son iphone compatible. Mais des applications sont en cours de développement pour les autres plateformes mobiles, et l’année 2015 devrait apporter de grandes avancées à ce sujet.

Mais pourquoi faire, me demanderez-vous peut-être ? Pourquoi coupler des aides auditives avec un smartphone ? N’est-ce pas un gadget inutile ?

Eh bien, j’ai toujours eu une télécommande avec mes appareils, depuis mon premier appareillage en 2009. Cette télécommande peut être utilisée pour augmenter ou diminuer le volume, pour augmenter ou diminuer les aigus, ou pour changer de programme.

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Voici à quoi ressemble ma télécommande actuelle.

La télécommande améliore-t-elle le confort auditif ? Sans aucun doute. Mais je ne m’en sers quasiment jamais.

Pourquoi ? Je n’y pense pas. Les appareils sont dans mes oreilles et je les y oublie volontiers. Du coup, la plupart du temps, je n’ai pas le réflexe télécommande, parce que je ne pense ni à mes appareils, ni à ma perte d’audition.

Et puis, c’est voyant, de sortir une télécommande étrange de son sac pour subitement pianoter dessus. Ma télécommande actuelle émet des lumières bleues et rouges à chaque fois que je modifie un réglage, autant dire que ce n’est pas très discret.

Pianoter sur un smartphone, par contre, tout le monde le fait constamment.

Or, les appareils auditifs compatibles proposent une application à télécharger sur le téléphone, qui remplace la télécommande peu pratique des fabricants d’aides auditives. Depuis l’interface de l’application, on peut changer le volume, les aigus, les programmes, et bien d’autres fonctions encore.

  • Et même : un micro déporté à moindre coût !

Ca, c’est la cerise sur le gâteau ! Le smartphone peut devenir un micro déporté, lorsqu’il est couplé avec les appareils auditifs.

Concrètement, cela signifie que le micro du smartphone peut être utilisé pour saisir les paroles d’une personne ou d’un groupe de personne, et le son est retransmis directement dans les appareils auditifs.

En gros, au lieu de se pencher vers ses interlocuteurs, on leur passe le téléphone, et voilà ! Cela permet une amélioration non négligeable de la qualité d’écoute.

Je m’étais renseignée, il y a quelques années, sur les coûts associés aux systèmes de micros déportés, compatibles avec les aides auditives. Ils se chiffraient en milliers d’euros.

Et là, avec un smartphone à 500 euros, on a une technologie similaire qui, même si elle n’atteint peut-être pas le niveau de qualité des micros spécialisés, est accessible à bien plus de malentendants, et peut contribuer grandement à un meilleur confort d’écoute.

Une chose est sûre, mes prochains appareils auditifs seront connectés !

Perte d’audition : le ridicule ne me tuera pas

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Imaginez… Une soirée entre amis, tout le monde papote autour de la table, et la conversation se concentre sur un de vos amis, qui vient de rentrer d’un voyage autour du monde. Chacun le presse de questions, il raconte quelques anecdotes. Vous saisissez quelques mots ici et là, guère plus, mais soudain vous décidez de participer à la conversation.
– Mais alors, tu es allé au Cambodge finalement ?
Une gêne épaisse semble tomber sur l’assemblée tandis que votre ami baisse le regard, et bafouille :
– Euh, oui, c’est ce que je viens de raconter.
Et vous vous rendez compte que cela fait dix minutes qu’il ne parle que de cela.

Tout comme la blague ou le bon mot que vous sortez, fier d’avoir suivi la conversation d’assez près pour intervenir à bon escient. Mais votre femme/ami/collègue vient de dire exactement la même chose, et vous le fait remarquer.

Ou bien la conversation surréaliste avec une personne que vous venez de rencontrer :
– Et toi tu fais quoi dans la vie ?
– Ah oui, j’aime bien le rock aussi !
– Euh ah d’accord…
Une bonne âme vous répètera alors peut-être la question d’origine, vous remettant ainsi dans le droit chemin et vous couvrant de honte par la même occasion.

C’est peu dire qu’une perte d’audition vous mettra un jour ou l’autre dans une situation de ridicule. C’est quasiment inévitable, à moins de devenir totalement asocial, et d’éviter la compagnie des autres autant que possible. D’ailleurs, c’est le choix que certaines personnes célèbres, comme Beethoven, ou Jean-Jacques Rousseau, ont fait, suite à leur perte d’audition : ils se sont éloignés des autres au point d’en devenir misanthropes. Et c’est une possibilité, en effet. S’isoler. Elle est souvent tentante, à un moment ou à un autre. Ce serait tellement plus facile de ne pas avoir à faire tous ces efforts pour comprendre les autres, avec le risque de tomber à côté de la plaque malgré tout. Autant rester seul chez soi, avec ses livres, ses films et la télévision sous-titrée !

  • L’humour

Malgré tout, même quand je suis submergée par cette émotion, il arrive toujours un moment où j’ai de nouveau envie, et besoin de voir d’autres personnes, et de partager des choses. Alors je trouve des astuces pour gérer le ridicule. J’en ai trouvé une qui marche très bien : l’humour. Certes, ce n’est pas toujours facile d’avoir assez de distance pour pouvoir rire de soi. Mais quand je me sens bien, que j’assume ma perte d’audition, que j’en parle, alors j’arrive aussi à en rire. Cela détend toutes les situations, et le ridicule devient drôle, et non honteux.

  • Le détachement

Quand je n’arrive pas à me sentir assez bien pour rire de la situation, alors je tente de m’en détacher. Une grande respiration, et j’essaie de penser à quelque chose de positif. Je laisse glisser la situation embarrassante qui vient de se produire, et je lâche prise. Là encore, je n’y arrive pas toujours. Mais il arrive que non seulement je réussisse à me détacher du ridicule, mais que j’en profite même pour utiliser une autre astuce :

  • Les explications

C’est l’occasion de passer par dessus la honte et le ridicule, et d’expliquer simplement ce que ma perte d’audition signifie. Ce que je vis au quotidien, en quelque sorte. Cela permet à l’autre de mieux comprendre, et cela m’aide aussi à me sentir plus sûre de moi, et à continuer à prendre des risques conversationnels, quitte à être ridicule à l’occasion.

  • De la douceur

Astuce ultime dans ma boîte à outils : si je ne me sens pas assez bien pour rire de la situation embarrassante dans laquelle je viens de me mettre, si je n’arrive pas à m’en détacher, si je n’ai pas la force d’expliquer à l’autre ce que je ressens, et si au bout du compte je me sens juste seule, honteuse, en colère contre moi-même et mon incapacité à suivre les conversations, et victime de ce handicap complètement arbitraire et injuste, alors j’essaie d’être aussi douce que possible avec moi-même. Peut-être est-ce le moment de quitter cette soirée, de rentrer chez moi et de prendre un bon bain, ou de siroter une tisane en lisant un livre qui m’inspire et me détend. Et plus tard, quand je serai calmée, je pourrai me pardonner. Lâcher prise de ce moment.

Et je peux ensuite repartir, prête à affronter d’autres moments qui ne seront peut-être pas tous évidents à gérer. Mais pour chaque situation difficile, le risque que je prend, en étant au contact des autres malgré mon handicap, me récompense par de nombreux moments intenses de partage, de conversations profondes et intéressantes, et de rencontres enrichissantes. Et cela vaut le coup.

Et vous, comment vivez-vous ces situations ? Les sentiments de ridicule, et de honte, ne touchent pas que les malentendants, bien sûr. Avez-vous trouvé d’autres astuces pour gérer ces émotions ?