Le bruit, cette toxine à apprivoiser

Le bruit, une véritable toxine

 

Aujourd’hui, c’est la Journée Nationale de l’Audition. Le thème abordé cet année, c’est les nuisances sonores et leurs impacts sur la santé. C’est un thème qui me tient à coeur, parce qu’il est la cause de bien des difficultés pour moi.

Le bruit, élément omniprésent de la vie moderne

Si, comme moi, vous habitez en ville (et encore, je suis dans une petite ville calme de province), vous êtes aussi certainement entouré d’un certain volume sonore, constamment. D’abord, le bruit de la circulation, jour et nuit. Et puis, les voisins qui parlent, crient, bricolent et vivent. Les travaux dans la rue et dans les bâtiments environnants, avec marteaux-piqueurs, perceuses et camions. Le chat qui miaule, le chien qui aboie (le vôtre, celui des voisins ou d’un passant). Les enfants qui jouent et crient à la récréation, dans l’école voisine. Les avions qui décollent et atterrissent, les trains qui passent, le métro, les bruits de moteurs, le hurlement d’une moto qui passe en accélérant et bien d’autres sources sonores qui peuplent notre quotidien auditif.

Et puis, il y a l’environnement de travail ! Imaginez le niveau constant de bruit dans un open space, où chaque employé passe la plus grande partie de son temps au téléphone. Ou dans une usine, avec les différentes machines.

Et même à la campagne il y a du bruit ! Les machines agricoles, les animaux, une vache malade dans la ferme voisine, des oiseaux, et ce même la nuit ! Je me souviens très nettement d’une nuit à la campagne où le cri strident d’une dame blanche m’avait empêché de dormir toute la nuit (sur le modèle : « je m’endors, elle crie, je m’endors, elle crie »).

Et pour s’isoler de ce bruit, que fait-on ? Eh bien, on met un casque sur les oreilles, avec de la musique assez forte pour couvrir le reste du bruit.

De nombreuses personnes ont de plus en plus de mal à supporter le silence, d’ailleurs. Il faut un bruit de fond, constamment. La radio, la télévision, de la musique, n’importe quoi pour couvrir ce silence qui devient inquiétant, parce qu’on n’y est plus habitué.

Les effets du bruit sur notre audition

Mais le bruit n’est pas quelque chose d’anodin. Tout ce volume sonore permanent n’est pas sans conséquences, et notre audition est la première à en faire les frais. La nocivité du bruit est liée à un certain nombre de paramètres, comme par exemple : la fréquence du son (les bruits aigus sont plus nocifs que les bruits graves), l’intensité (plus le son est fort, pire c’est), l’émergence et le rythme (un bruit soudain et imprévisible est plus nocif qu’un bruit continu de même volume), la durée d’exposition, et la vulnérabilité individuelle (nous ne sommes pas tous égaux face au bruit, alors à chacun de bien se connaître !), pour ne citer que les plus importants.

Il est communément admis que notre oreille est en danger à partir de 80 dB pendant 8 heures, soit une journée de travail. Et plus le volume augmente, plus la durée d’exposition doit être réduite. Et si le niveau sonore est vraiment très élevé, soit un volume supérieur à 135 dB (le décollage d’un avion, par exemple), toute exposition, même très courte, est dangereuse pour l’oreille.

La fatigue auditive

Le premier effet d’une exposition au bruit, c’est la fatigue auditive.

Comment la reconnaît-on ?

La fatigue auditive est une élévation temporaire des seuils d’audition, de l’ordre de 5 à 10 dB.

Cela signifie que, suite à une exposition au bruit, vous entendez moins bien. Si quelqu’un vous chuchote quelque chose à l’oreille, vous ne comprendrez pas ce qui vous est dit. Il est aussi possible que vos oreilles sifflent, que vous ayez du mal à vous concentrer et que vous soyez peut-être même un peu irritable.

Cette fatigue auditive est réversible, et il suffit d’un retour au silence pour que nos oreilles retrouvent leur acuité naturelle. Le temps de repos auditif nécessaire peut varier d’une personne à l’autre, et suivant le bruit auquel on a été exposé.

Malheureusement, on fait rarement attention au signal d’alarme que notre corps nous envoie, et si rien n’est fait, d’autres symptômes plus graves (et permanents) peuvent apparaître.

Les acouphènes

Les acouphènes peuvent être temporaires ou permanents.

De nombreuses causes, pathologies et situations peuvent être à l’origine des acouphènes. La fatigue auditive, et l’exposition au bruit, en est une.

Si vous avez des acouphènes, qu’ils soient temporaires ou permanents, qu’il s’agissent de sifflements ou de bourdonnements, il vaut mieux que vous alliez consulter. Les acouphènes sont souvent le signe d’un traumatisme sonore, et si vous pouvez éviter qu’ils ne deviennent permanents, je vous le souhaite de tout coeur !

La perte auditive

Au bout d’un certain temps, qui sera plus ou moins long suivant votre sensibilité au bruit, la durée d’exposition et l’intensité sonore à laquelle vous êtes exposé, les cellules ciliées de l’oreille interne seront touchées, et vous aurez là une perte d’audition irréversible.

Cette perte auditive est progressive, et continuera à s’accentuer tant que vous vous exposez au bruit.

L’hyperacousie

Il est aussi possible, suite à une exposition à une intensité sonore importante, de devenir hypersensible au bruit, même à des niveaux modérés. Des bruits courants deviennent alors insupportable. C’est ce qu’on appelle l’hyperacousie. Il est possible de souffrir d’une perte auditive ET d’hyperacousie, cela n’est pas forcément incompatible. C’est d’ailleurs mon cas.

S’il s’agit d’une réaction à un traumatisme sonore, cette hyperacousie peut disparaître, une fois l’oreille reposée.

Mais attention ! Il faut plus de 16 heures de repos à nos oreilles pour récupérer de 2 heures passées dans une discothèque à 105 dB !

Le bruit pour la personne malentendante

Le bruit, c’est la kryptonite du malentendant.

C’est vraiment l’élément perturbateur par excellence qui vient en rajouter une couche, en plus de notre difficulté de compréhension de base.

Pour moi, le bruit, c’est avant tout épuisant. Parce que pour parvenir à comprendre une conversation dans un environnement bruyant, il me faudra beaucoup plus de concentration que si j’étais dans un endroit calme. Et puis, mes appareils ont beau faire une différence entre le bruit de fond et la conversation qui se déroule, les bruits sont malgré tout amplifiés, et mon cerveau parvient à différencier tout cela pendant une durée plus ou moins longue (selon mon degré de fatigue, mon exposition précédente au bruit et le volume sonore environnant), mais au bout d’un moment il ne reste qu’un magma sonore, et mon seul désir est de m’en extraire à tout prix.

Les effets du bruit sur notre santé

Le bruit n’affecte pas seulement notre audition. C’est tout notre corps qui peut en souffrir.

Ce document explique que le bruit est capable d’influencer une partie des activités inconscientes de l’organisme (rythme cardiaque, respiration, digestion) de jour comme de nuit. D’où la possibilité de troubles cardiovasculaires et digestifs suite à une exposition de longue durée au bruit.

Troubles du sommeil

Evidemment, quand il y a du bruit, on dort moins bien, même si on ne s’en rend pas compte.

Mais cela va plus loin que ça ! Si on est exposé au bruit toute la journée, on dort moins bien la nuit ! (Voyez ce site qui explique que l’exposition au bruit pendant le travail a des conséquences négatives sur la qualité du sommeil.)

Alors là, c’est l’avantage d’être sourd ou malentendant : les bruits des voisins, de la rue ou autre, la nuit, nous dérangent moins que nos amis et conjoints entendants.

Stress

Le bruit constitue aussi un facteur de stress, que ce soit au travail ou ailleurs.

J’en suis particulièrement consciente depuis que j’ai perdu l’audition. Si le fait de passer plusieurs heures dans un environnement bruyant (café, restaurant, rue ou autre) m’épuise, cela me rend aussi irritable et stressée. J’ai beaucoup plus de mal à avoir des réactions calmes et sereines si je suis dans un environnement bruyant.

Si je suis dans une pièce qui résonne, entourée de beaucoup de personnes qui discutent (imaginez un hall devant une salle de concert ou de spectacle, avant de rentrer dans la salle), je ne tient pas très longtemps avant d’avoir le besoin incontrôlable de m’en échapper (que ce soit en entrant dans la salle ou en sortant complètement du bâtiment). Le bruit est tellement inconfortable que je sens mon rythme cardiaque et ma respiration s’accélérer, et mon degré d’anxiété augmenter. Et cette réaction est très difficile à contrôler.

Comment se protéger

Eviter les sources de bruit

Si vous êtes sensible au bruit, que vous avez déjà eu des symptômes de fatigue auditive ou des acouphènes, ou que vous avez une tendance à l’hyperacousie, alors ce n’est peut-être pas judicieux d’aller passer la nuit en boîte de nuit, ou d’aller à un festival de rock.

Certaines sources de bruit sont évitables, d’autres non. Si vous devez absolument aller dans un endroit où il y a de la musique forte ou d’autres sources de bruit, éloignez-vous des amplis ou autres générateurs de bruit ! Et protégez votre audition autant que possible.

Protéger son audition

Le meilleur moyen de protéger son audition, c’est de s’assurer d’avoir toujours des bouchons d’oreilles ou des protections auditives avec soi. Si vous êtes musicien, il est même possible d’obtenir des bouchons qui filtreront certaines fréquences nocives tout en laissant passer la musique. Certains audioprothésistes et magasins spécialisés en vendent.

Depuis mon adolescence, j’ai toujours eu des bouchons d’oreilles sur moi. C’est très utile pour les moments où on se retrouve dans un bar bruyant, ou pour les concerts ou autre. J’arrive à mettre les bouchons de telle sorte que j’entende quand même la musique, mais moins fort.

Baisser le volume

Quand c’est vous qui contrôlez le volume du son que vous écoutez, alors baissez le volume ! Qu’il s’agisse du son de votre lecteur MP3 dans vos écouteurs, ou de votre chaîne Hi-Fi lors de votre soirée avec des copains, ou même de la télévision, c’est une bonne habitude que de diminuer le volume autant que possible.

C’est peut-être cool d’écouter de la musique fort, mais avoir des bourdonnements d’oreille ou une perte auditive irréversible, ça l’est beaucoup moins !

Faire des pauses

Et enfin, le plus important peut-être, c’est de se ménager des pauses de son.

Vous ne pourrez peut-être pas contrôler tout votre environnement sonore. Mais restez à l’écoute de votre corps, et au moindre signe de fatigue auditive, accordez-vous une pause dans le silence (ou dans un volume sonore moins élevé).

Vos oreilles, et tout votre corps, vous remercieront de faire attention.

 

Comment aider un malentendant à apprécier les fêtes

Les fêtes

Pas évident, cette période des fêtes !! Tout ce bruit, toute cette agitation, et le stress…

L’an dernier, j’avais exploré ce que peut être l’expérience d’une personne malentendante à cette époque de l’année, ainsi que quelques astuces pour mieux vivre ces réunions de familles.

Cette année, j’aimerais insister sur ce que vous pouvez faire pour améliorer le vécu de ceux de vos proches qui ont une perte auditive. Il s’agit de quelques astuces qui ne vous demanderont pas grand chose, et qui augmenteront énormément la qualité de l’expérience de tous ceux de votre entourage qui ont perdu de l’audition.

Baissez la musique

La plupart du temps, qui dit fêtes, repas de famille ou réveillon, dit musique. Et souvent, musique forte. Et c’est vrai, c’est sympa d’écouter les vieux classiques de Noël en famille, ou de monter le volume lors du réveillon du nouvel an. Mais ce qui, pour vous, est un environnement musical agréable, qui vous donne envie de danser ou de chanter en chœur sera la kryptonite de votre proche malentendant. Car tout ce fond sonore n’apporte qu’un peu plus de chaos et de cacophonie aux oreilles déjà éprouvées de la personne malentendante.

Ainsi, la musique de fond demande une plus grande concentration pour parvenir à suivre les conversations. Tous les sons se mélangent, et cela demande un effort important de distinguer quel son signifie quoi. Plus le volume augmente, plus la personne malentendante sera en difficulté, et devra s’isoler, voire quitter complètement la pièce quand le son sera trop fort pour ses oreilles fragiles.

Gardez un œil sur votre ou vos proches malentendant(s) et si vous les voyez en difficulté (seuls dans un coin, l’air morose, par exemple), pensez à baisser la musique.

Augmentez l’éclairage

C’est sympa, l’ambiance lumière tamisée, avec quelques bougies et petites lumières indirectes. L’effet est chaleureux, et fait bien ressortir les lumières du sapin (et du feu de cheminée). Mais si vous avez un proche qui n’entend pas bien, vous remarquerez peut-être qu’il devient très silencieux à partir du moment où les bougies sont allumées et les lumières éteintes. Parce que nous avons besoin de lumière pour lire sur les lèvres, comprendre les situations et interpréter les expressions faciales. Nos yeux sont notre compensation, qui nous aident à comprendre.

Alors bien sûr, mettez des bougies, pour l’ambiance ! Mais laissez aussi les lumières allumées.

Proposez plusieurs espaces

Dans ma famille, pendant les fêtes, il y a souvent plusieurs pièces où l’on se retrouve. Et chaque pièce a une ambiance différente.

Au salon, c’est plus festif : on joue de la musique, les enfants jouent, tout le monde parle et plaisante, il y a beaucoup de bruit et de rires.

A côté, à la cuisine, c’est plus calme. On se retrouve pour aider à faire la vaisselle, ou on s’assied un moment pour lire ou parler à deux au calme, loin du bruit.

Le fait d’avoir plusieurs espaces permet à ceux d’entre nous qui ont une perte auditive (et aux autres aussi, d’ailleurs) de faire une pause et de s’éloigner du bruit un moment. C’est primordial ! Si nous n’avions pas cette possibilité de reposer nos oreilles régulièrement, nos retrouvailles deviendraient vite un calvaire plutôt qu’un plaisir.

Privilégiez les discussions à deux

Si vous avez un proche qui a des difficultés d’audition, qu’il en soit conscient ou non, vous le verrez sûrement s’isoler de plus en plus, au fur et à mesure que la réunion de famille devient bruyante. Et c’est vite fait de passer plusieurs jours ensemble pour se rendre compte, au moment du départ, qu’on a en fait pas pu échanger ni partager quoi que ce soit avec cette personne.

Alors si vous souhaitez garder le contact avec cette personne, et lui donner envie de sortir de son isolement, proposez-lui des moments calmes, à deux, pour discuter simplement.

Vous pouvez proposer une promenade pour prendre un peu d’air frais, ou vous pouvez l’aider à cuisiner ou à ranger, ou profiter d’une autre activité nécessaire pour faire quelque chose à deux, dans le calme. Ou même simplement vous asseoir avec la personne dans un endroit tranquille, et parler. De cette façon, vous pourrez engager une conversation qui aura toutes les chances d’être bien comprise par la personne malentendante.

Permettez à l’autre de se reposer

Ce besoin de reposer notre audition n’est pas un luxe, ni un caprice. C’est une nécessité absolue, parce que sans cela, notre capacité de concentration s’amenuise très rapidement, nous perdons patience ou nous perdons le fil des conversations, et nous risquons de partir épuisés, et de fort mauvaise humeur.

Alors si votre ami ou membre de la famille s’éloigne à un moment, laissez-lui ce temps de repos. Ne pensez pas que cette personne est forcément grognon, misanthrope ou asociale. Après un moment au calme, elle pourra revenir reposée, avec plus de ressources pour échanger avec vous.

Je vous souhaite à tous d’excellentes fêtes, en espérant que vous pourrez partager des moments remplis de bonheur et de sens avec tous vos proches, mêmes ceux qui n’entendent pas bien !