Les aides auditives – miracle ou enfer ?

ensemble d'aides auditives

J’ai eu rendez-vous avec un nouvel ORL fin janvier. Cela faisait un peu plus d’un an que je n’avais pas fait d’audiogramme, et les résultats étaient très surprenants pour moi. En effet, je n’avais pas perdu d’audition, c’est à dire que j’entendais toujours les bips de différentes fréquences à peu près pareil. Par contre, j’avais perdu de la compréhension, et j’étais capable de répéter moins de mots qu’avant à un volume équivalent.

L’ORL m’a expliqué qu’il y a une raison très simple à cette perte de compréhension : mon cerveau n’est pas assez stimulé. Et la cause, c’est mes appareils auditifs. Il y a trois raisons potentielles à cela, m’a-t-il dit. Soit je ne les mets pas assez (ce qui ne devrait pas être le cas), soit ils sont mal réglés, soit ils sont trop vieux. Etant donné qu’ils n’ont que trois ans, j’ai espéré que la deuxième raison pourrait être la bonne.

Et en effet ! Après avoir vu mon audioprothésiste, je me suis rendu compte que mes appareils n’avaient jamais été réglés au bon volume. Et en effet, au moment où j’ai obtenu ces appareils, il y a trois ans, mon cerveau n’était pas capable de supporter le volume qui aurait correspondu à ma perte auditive réelle. Mais j’aurais dû retourner voir mon audioprothésiste, pour augmenter petit à petit les réglages, ce que je n’ai pas fait. Bien sûr, maintenant que je le sais, je peux faire augmenter les réglages, et je devrais récupérer ma compréhension, grâce à la plasticité cérébrale (merveilleux attribut du cerveau humain !!).

Je me suis alors rendu compte à quel point ces appareils sont importants. Et aussi pourquoi il est important de se faire appareiller aussi tôt que possible, et de faire régler les appareils régulièrement pour garder autant de compréhension que possible.

Mais les aides auditives ne sont pas toujours une évidence, et pour de nombreux malentendants, la visite chez l’audioprothésiste est une corvée à retarder ou même à éviter.

L’enfer des aides auditives

Déjà, les appareils auditifs sont souvent hors de prix. Il faut compter au moins 1000 € par appareil, et un appareillage complet (des deux oreilles) peut facilement coûter 3000 ou 4000 €. En France, la sécurité sociale rembourse les appareils auditifs à hauteur de 60 %, sur la base d’un tarif fixé à 199,71 euros, quelle que soit la classe de l’appareil prescrit. Ca, c’est si on a plus de 20 ans. Pour les moins de 20 ans, ou si l’on souffre de cécité aussi, le remboursement est meilleur, mais souvent bien inférieur à ce que l’on paie malgré tout. Et les mutuelles fournissent rarement le complément, à moins de payer une fortune mensuellement (autant mettre de l’argent de côté pour les appareils, quoi).

Bien sûr, on peu avoir des aides financières de la MDPH, par exemple, mais il faut souvent compter entre 9 mois et un an pour que la MDPH accorde un financement. Lors d’un remplacement d’appareils, par exemple, si les anciens appareils sont tombés en panne, qui peut attendre un an (ou même 9 mois) avant d’en avoir de nouveaux ? Et risquer de rester isolé pendant tout ce temps, sans aide à la communication ?

Et puis, une fois qu’on a finalement réussi à obtenir un appareillage, eh bien c’est rarement parfait. Cela prend du temps et de nombreuses visites chez l’audioprothésiste pour arriver à un réglage satisfaisant, et il y aura toujours des situations difficiles. J’ai appris, au fil des années, que l’appareillage ne permet pas de faire comme si on entendait bien. La technologie ne remplace pas une audition naturelle (pour l’instant en tout cas), et il y aura toujours des moments où nous serons perdus, où nous interviendrons à tort dans une conversation, où nous devrons faire répéter plus que quelqu’un d’autre. L’appareillage ne permet donc pas de camoufler parfaitement le handicap.

De nombreuses personnes refusent d’être appareillées parce qu’il s’agit d’une stigmatisation, parce que cela les identifie comme étant malentendants. De même pour toutes les autres aides à l’audition, les micros déportés, les casques amplificateurs : nombreux sont les salariés qui refusent de les utiliser, au travail, par peur d’être différents.

Et puis, tous ces appareils, il faut apprendre à les utiliser. Et la courbe d’apprentissage n’est pas toujours évidente ! En conséquence, nombreux sont les appareils qui ne sont pas utilisés au maximum de leurs capacités, ou qui sont mal utilisés. Cela n’est pas évident de se retrouver devant un ou plusieurs objets technologiques, et de se rappeler de comment utiliser chacun de ces objets au mieux. Moi, j’ai pendant longtemps oublié d’utiliser la télécommande qui me permet de régler le volume et les aigus de mes appareils. Pourtant, elle est très utile !

La télécommande de mes appareils auditifs

Le miracle des aides auditives

D’un autre côté, la technologie progresse de plus en plus. Les appareils auditifs proposent maintenant des programmes automatiques qui ajustent les micros suivant la situation détectée. Les micros deviennent unidirectionnels dans le bruit, quand la conversation se passe devant moi, et les micros arrières sont coupés pour me permettre de me concentrer sur ce qui est dit. Quand l’environnement est calme, les micros sont plus larges, et me permettent d’entendre les petits bruits partout. S’il y a trop de bruit, le son est géré de telle sorte que je ne sois pas gênée par un volume trop élevé. Mes appareils sont déjà très performants à ce niveau, et ils ont trois ans ! Je n’imagine même pas à quel point les nouveaux doivent avoir progressé.

Pour l’instant, le seul problème que j’ai, c’est avec le téléphone. Je n’ai pas encore trouvé de système qui me permette d’avoir une conversation téléphonique confortable. La plupart du temps, j’évite le téléphone ou je passe pas Skype. Mais je sais que de nombreux malentendants sont ravis de leurs systèmes téléphoniques par bluetooth ou par boucle magnétique, qui envoie le son du téléphone directement dans leurs appareils. Pour moi, je n’ai pas encore trouvé la technologie qui me convient, mais je ne perds pas espoir !

La technologie rend beaucoup de choses accessibles : la télévision, la musique, le cinéma, certaines conversations, etc. Sans aides auditives, je serais complètement isolées, et je ne ferais que lire ou regarder la télévision avec des sous-titres !

Et puis, les appareils permettent à mon cerveau de rester stimulé, comme je viens de l’apprendre. Cela m’assure une meilleure compréhension avec ET sans appareils, et cela permet d’éviter que mes acouphènes ne prennent le dessus (et rien que pour ça, c’est un bonheur !).

Comment choisir les aides auditives dont on a besoin

Il existe de nombreuses possibilités, depuis les prothèses auditives et les implants jusqu’aux casques TV et aux micros déportés, en passant par les outils domotiques qui permettent de transformer la sonnette, la sonnerie du téléphone ou le réveil en signaux vibrants ou visuels.

Du coup, il n’est pas toujours évident de savoir quoi choisir. Avec mes premiers appareils auditifs, j’avais acheté un système bluetooth qui connectait mes appareils à la télévision. Je ne m’en suis jamais servi, parce que le son n’était pas assez bon. On aurait pu croire que j’avais appris ma leçon, mais non ! J’ai fait la même erreur avec mon deuxième appareillage. Encore des accessoires dont je ne me suis jamais servie, pour la même raison ! J’avais bon espoir que la technologie ait fait assez de progrès pour m’apporter un meilleur confort auditif, mais le son par bluetooth n’est toujours pas assez bon pour moi, et je préfère utiliser directement un casque TV (en ôtant mes appareils), ou simplement mes appareils et des sous-titres.

Avec l’expérience, mon conseil est le suivant : choisissez des appareils auditifs qui sont compatibles avec des accessoires (micros déportés, colliers bluetooth, système téléphonique…), mais n’achetez pas tout dès le départ. Habituez-vous bien aux appareils (n’oubliez pas de les faire régler), puis observez les situations où vous avez encore des difficultés, et testez des accessoires pour voir s’ils peuvent résoudre des problèmes.

Je pense que c’est ce que je ferai lors de mon prochain appareillage. Parce que la base, cela reste les appareils auditifs.

Et puis, selon vos activités et votre mode de vie, vous aurez peut-être besoin de certains accessoires plus que d’autres. Regardez si vous pouvez trouver des accessoires versatiles, qui peuvent servir dans plusieurs situations, comme ceux de Tinteo, par exemple.

Et il y a aussi de nombreux malentendants qui s’en sortent sans aucune aide technologique, mais que voulez-vous, ça doit être mon côté geek… Je crois que je continuerai à suivre l’évolution de la technologie des aides auditives, pour voir jusqu’où mon confort auditif peut être amélioré. Et je vous tiendrai au courant de ce que je découvre !

Entendre, ou comprendre ?

oreille-écoute

Un audiogramme, c’est simple.

Prenez six fréquences des graves aux aigus, voyez à quel nombre de décibels chaque fréquence est perçue, et voilà.

Mais quand on est dans le cagibi, en train de passer le test, le casque sur les oreilles, ce n’est pas si facile de dire à quel moment on entend chaque fréquence.

Le médecin fait tourner sa molette, l’oeil de plus en plus inquiet au fur et à mesure qu’il la tourne, tandis qu’on reste inerte sur le fauteuil, à se demander si le vague couinement qu’on entend est un acouphène ou si c’est bien la fréquence qu’on est censé entendre.

Après ce test-là, on sait si on a perdu 10, 20 ou 50 % de son audition, grâce à un calcul savant d’après un algorithme, qui apparaît en petit sur un coin de la feuille.

C’est rassurant de pouvoir mettre un chiffre sur son audition.

J’ai perdu 30%, ou 50% des deux oreilles. 80% d’une oreille, 30% de l’autre. Cela semble vouloir dire quelque chose, et notre interlocuteur va faire un Oh ou Ah plein d’empathie, et on aura l’impression d’avoir été compris.

Audiogramme

Un exemple d’audiogramme. Les deux graphiques du haut : fréquences pour oreilles gauche et droite (les fréquences sont en haut, en Hz, les dB sur le côté. On lit donc : le son de 500 Hz est perçu à 60dB d’une oreille et à 50dB de l’autre). En bas à gauche : pourcentage de perte calculée d’après un algorithme obscur. En bas à droite : résultats du test de compréhension (les dB sont en bas, les pourcentages sur le côté. On lit : 100% de mots compris à 70 dB, 0% à 40 dB).

Mais en fait, cela ne signifie pas grand chose.

Car ce qui importe, ce ne sont pas les sons que l’on perçoit.

Ce sont les mots que l’on comprend.

Et cette compréhension est aussi testée lors d’un audiogramme. C’est d’ailleurs la partie du test que je redoute le plus.

Des mots sont prononcés par une voix d’homme ou de femme, dans une oreille, puis dans l’autre, d’abord tout doucement, puis de plus en plus fort, et on doit les répéter. Ou du moins, on doit répéter ce que l’on comprend.

Il y a certains mots que je ne comprends pas du tout : impossible de répéter quoi que ce soit. Puis, le son augmente, et il y a certains mots que je crois comprendre, mais je n’en suis pas sûre. Je répète, mais entre le vallon et le ballon, le poteau et le bouton, ce n’est pas évident. Alors je choisis un mot et je le dis, sachant que c’était peut-être l’autre en fait (ou un troisième auquel je n’aurais pas pensé).

Une difficulté supplémentaire provient du fait que les mots ne sont pas tous dans le même registre linguistique, et que certains sont vieillots ou peu usités (par moi en tout cas). Une liste type peut inclure des mots comme « le tripot », « le saindoux », « le bambin », « le défi », et « le brigand ». Qui parle encore de tripot et de brigand dans le langage courant ? Du coup, la tendance est forte, même si j’ai bien entendu le mot, de le modifier pour dire quelque chose de plus acceptable dans le langage courant.

Ce test-là montre vraiment ma compréhension auditive à l’état brut.

Plus on est malentendant, et plus il faut de décibels pour qu’on parvienne à comprendre ces mots correctement (sans aide visuelle, bien sûr). Et on arrive à un stade où, même avec un volume élevé, on ne comprend pas tous les mots.

Après, j’ai de la chance. Ma compréhension est plutôt bonne. Ce qui fait que je peux avoir une conversation avec quelqu’un, dans un milieu calme, sans appareils. (Et des fois je les oublie, sauf que quand je me retrouve en ville ou dans un environnement bruyant, je le regrette bien…)

D’autres personnes, avec une perte similaire à la mienne, peuvent n’avoir aucune compréhension sans leurs appareils. Et peut-être que d’autres s’en sortent encore mieux que moi sans appareils !

Pourquoi cette différence ?

Aucune idée.

Peut-être que c’est plus facile de garder une meilleure compréhension si on se fait appareiller le plus tôt possible. Plus la surdité est importante au moment de l’appareillage, et plus c’est difficile pour le cerveau de s’adapter à un volume d’audition « normal ».

J’imagine aussi qu’un cerveau plus jeune aura moins de mal à garder l’élasticité nécessaire à la compréhension qu’un cerveau plus âgé.

Mais en fait, les raisons de cette différence m’échappent. Chaque surdité est différente, c’est sûr, et cela affecte énormément la capacité de compréhension, qui va varier d’une personne à l’autre.

Une chose est sûre, ce n’est pas parce que j’entends un son que je le comprends.

Il y a des jours où ma compréhension est moins bonne que d’autres. Ma moitié me fait alors remarquer que j’entends vraiment mal, ce jour-là. Mais en fait, ce n’est pas que j’entends mal, c’est que je comprends mal. Du son parvient à mes oreilles, mais pas les mots. C’est comme si on me disait quelque chose du genre : « Glou biblou bam ripe ». Aucun sens.

Quelquefois, c’est parce que j’ai plus d’acouphènes ce jour-là, et j’ai l’impression d’avoir la tête dans un brouillard. Ou bien, je suis fatiguée, ou préoccupée, et j’ai du mal à me concentrer. Et il y a des jours où je n’ai aucune idée de la raison, mais je comprends juste vraiment moins bien.

Quand on perd l’audition, c’est la compréhension qui part en premier. On a l’impression, tout à coup, que tout le monde marmonne ou parle dans sa barbe. C’est pour cela qu’on ne se rend pas compte qu’on a perdu de l’audition (et qu’on accuse les autres, en passant) !  Parce que les sons, on les entend toujours ! Mais leur sens est de plus en plus difficile à décoder.

Et vous, quelle est votre expérience de la perte auditive ? Comment percevez-vous les sons ? Ou comment avez-vous remarqué qu’un de vos proche avait perdu de l’audition ?